La chaîne de magasins de chaussures André a été placée en redressement judiciaire le 31 mars dernier. Boris Saragaglia, PDG du groupe Spartoo qui a racheté la chaîne en janvier 2018 revient sur la situation et la question primordiale des loyers.

Décideurs. Dans quelle situation se trouve le groupe et André en particulier ?

Boris Saragaglia. Pendant cette période de confinement, les trois quarts des 1 000 employés du groupe Spartoo ont été placés en chômage partiel. Sur 2019, nous avons réalisé notre meilleure année, avec 8 millions d’euros de cash-flow opérationnel pour un chiffre d’affaires global de 250 millions d’euros. Heureusement, car c’est comme ça que nous finançons André.

Mais avec le confinement, ce n’était plus tenable. La filiale a réalisé un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros pour environ 10 millions de perte l’année passée. Le plus gros créancier est Spartoo, et de loin, avec 13 millions d’euros. Tous les outils à notre disposition ont été utilisés : les prêts garantis par l’État, le décalage des échéances de remboursement de 6 mois. Nous remercions grandement la mise en place de ces mesures ainsi que nos banques.

Quelle était la stratégie concernant André ?

Nous avons beaucoup travaillé, changé toute l’équipe, baissé le prix de revient de 7 %, transformé l’ensemble des magasins en points relais, rénové dix magasins. Les secteurs de l’enfant et du sport ont été redéveloppés. Enfin, toute la gestion du temps de travail de Spartoo a été intégrée. Depuis septembre, nous étions en croissance.

Comment voyez-vous les prochains mois ?

Nous constatons un vrai sujet chez André : celui des bailleurs. Il n’est pas acceptable que, dans ce contexte, les bailleurs institutionnels ne participent pas à l’effort collectif. Au lieu de cela, ils envoient des courriers pour demander à être payés à des sociétés en procédure collective.

"Il n’est pas acceptable que les bailleurs institutionnels ne participent pas à l’effort collectif"

Je pense qu’il faut passer par un décret pour que ces sociétés en procédure collective n’aient pas à payer les bailleurs institutionnels. Pas de service, pas de paiement, c’est aussi simple que cela.

En outre, je pense qu’il faut imposer une limite maximale de pression des loyers sur le chiffre d’affaires en sortie de crise. Je souhaite que les loyers n’excèdent pas 20 % du chiffre d’affaires. L’activité ne va pas redémarrer vite, on ne peut pas accepter de privilégier les rentiers dans les moments difficiles.

"Je souhaite que les loyers n’excèdent pas 20 % du chiffre d’affaires"

La situation est très compliquée, notamment à cause de cette question des loyers. Si rien n’est fait, je crois que beaucoup d’entreprises seront placées en redressement judiciaire.

Qu’envisagez-vous pour André ?

Nous avons trois scénarios : le plan de cession, le plan B sur lequel nous planchons et puis la liquidation. Pour l’heure, ce dernier est mis de côté, mais il existe, même en théorie.

Nous travaillons activement sur les deux premiers scénarios. Le plan B consisterait à délimiter un périmètre de magasins moins étendu qui puisse vivre de façon autonome. Mais ma priorité numéro un est que les loyers ne soient pas dus en période de procédure collective.

Comment analysez-vous le secteur ? Comment pourrait-il évoluer après cette période ?

Globalement, je pense que l’e-commerce sortira renforcer de cette période. À mon avis, nous allons voir l’arrivée de primo-accédants ; des personnes qui réalisent leurs premières commandes sur Internet.

In fine, je crois beaucoup à la complémentarité. C’est pourquoi nous restons sur ce projet de long terme avec les magasins André. Spartoo a besoin de ces deux pieds. Cela a toujours été notre fer de lance et nous y croyons toujours, même dans l’adversité.

Propos recueillis par Victor Noiret

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