La voici protocolairement numéro 2 du gouvernement. Barbara Pompili a un parcours qui symbolise au mieux les évolutions de l’écologie politique. Réformiste, elle pourra pleinement mettre en œuvre les bouleversements en matière d’environnement qu’Emmanuel Macron compte déployer dans les mois qui viennent.

C’était sans doute le moment le plus triste des années Mitterrand. 1994, à Liévin, le président de la République, affaibli par la maladie, terminait son second mandat, et pendant le congrès d’un PS rabougri, déposait une gerbe à la mémoire des 42 mineurs morts en 1974 pendant le coup de grisou. Née un an après ce triste moment, petite-fille de mineurs, Barbara Pompili désormais numéro 2 du gouvernement, connaît ces instants marquants. Quand elle est enfant, sur ces terres austères mais généreuses, bien que passionnée par le sujet, elle se formule une promesse : ne jamais faire de politique, ne jamais ressembler à certains élus de sa région, mus par l’intérêt particulier "et le clientélisme du monde politique". "Un monde sale", "une image dégradée" bien loin de la carrière de haut fonctionnaire à laquelle elle se destine, lorsqu’elle est à Sciences Po Lille, avant de prendre conscience que, en choisissant cette voie, elle ne sera qu’exécutante alors que très vite, son ambition, c’est l’action.

Face aux affres du monde politique 

Le moment est donc venu de s’engager. Cela sera chez les Verts, en 2000 à 25 ans, puisque, jeune attachée parlementaire, elle travaille pour le député écologiste Yves Cochet, qui succédera en 2001 à Dominique Voynet au ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement : son "père en politique". Devenu Cassandre de l’effondrement, survivaliste face à "l’apocalypse qui vient", Barbara Pompili, sans jamais renier ce que l’homme a pu lui apporter, s’est émancipée intellectuellement du décroissant : "Il a abandonné le combat politique parce qu'il ne croit plus à sa capacité de faire face aux enjeux."

Pas le genre d’une élue combative qui très vite a dû lutter contre les stéréotypes et a parfois payé le fait de ne pas se plier à la démocratie interne souvent rigide du parti écologiste. Sa première émancipation intervient en 2006 lorsqu’elle signe "le manifeste pour la refondation de l'écologie politique", un appel lancé par Daniel Cohn-Bendit qui envisage une alliance avec le Modem. Devenue députée EELV de la Somme en 2012, elle accède avec François de Rugy au poste de présidente du groupe, une première pour une femme. En dépit de sa connaissance des dossiers qui fait vite l’unanimité, elle fait face à un sexisme archaïque qu’elle rencontre chez certains députés. Un méchant surnom de "sœur sourire", une réputation d’arriviste parce qu’elle s’envisage comme "réformiste" : on comprend Barbara Pompili quand elle dit que, si elle se doutait de la violence du monde politique, "la vivre en est une autre".

Dénonciation de la "dérive gauchiste des Verts

Pas facile également de présider un groupe qui compte parfois autant de lignes que de membres. Rupture est faite en 2015, lorsque les élus verts de sa région décident de faire liste commune avec le parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. À cette occasion, elle déclare : "Toute une partie de l'écologie politique a été mise dehors par Europe Ecologie Les Verts et moi je ne m'y reconnais plus. En dénonçant "la dérive gauchiste" d’un parti devenu "un astre mort", Barbara Pompili signe son émancipation complète et acte son nouveau mantra : l’écologie sera réformiste ou ne sera pas. 

Ouverte sur la question nucléaire mais intraitable sur la sécurité des installations, opposante acharnée au glyphosate mais soutien aux agriculteurs, elle fait preuve d’équilibre lorsqu’elle occupe le poste de présidente de la commission du développement durable à l’Assemblée nationale. Elle se plait à ce poste où l’on peut dire et être "en même temps" sans être taxée de suivisme. Elle en garde un meilleur souvenir que le poste fugace de secrétaire d’État à la biodiversité en 2016 où elle entre en « cohabitation » avec sa ministre de tutelle, Ségolène Royal.

Saura-t-elle résister aux lobbys et Bercy ? 

C’est désormais elle qui tient les rênes du stratégique poste de ministre de la "transition écologique" et se retrouve protocolairement numéro 2 du gouvernement. En la matière, les ambitions d’Emmanuel Macron pour les mois à venir sont conséquentes. Saura-t-elle résister aux lobbys ? À Bercy ? Sœur sourire aura-t-elle la possibilité de s’affirmer ? Son parcours plaide en sa faveur. Et souvenons-nous, il n’y a pas si longtemps : Bernard Cazeneuve, alors Premier ministre, interdit à son équipe gouvernementale de prendre parti pour un candidat de la présidentielle de 2017 ? Elle est la première à rallier Emmanuel Macron. Député LREM, consigne est donnée de soutenir Richard Ferrand à la présidence de l’Assemblée ? Elle se présente face à lui. Elle voulait un "rééquilibrage à gauche de la politique gouvernementale" ? Elle l’incarne désormais pleinement. Décidemment, voir en Barbara Pompili une béni-oui-oui ? Non, non…

À ceux qui, comme le porte-parole Julien Bayou, disaient hier soir ne se faire aucune illusion sur la marge de manœuvre de la ministre, elle rétorquait via Twitter : Au travail ! Comme celle qui, enfant, refusait la politique et finit par s’y résoudre par amour de l’action.

Sébastien Petitot

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