Miraculeusement, la crise sanitaire semble avoir épargné l’attractivité des filières d’énergies renouvelables (EnR). Ces marchés attirent des flux de capitaux toujours plus conséquents. Bien que la France tire particulièrement son épingle du jeu selon le classement RECAI d’EY, elle a toujours des progrès à faire en matière d’énergies renouvelables. Analyse.

La France a la cote dans le baromètre Renewable Country Attractiveness Index 2019 (RECAI) réalisé par EY: elle occupe dorénavant la troisième place du classement. Cet index mesurant l’attractivité des pays, en termes d’investissements dans les EnR, renseigne entre autres sur l’impact des prises de décision politiques sur cette dernière. Ainsi, en France, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est, selon EY, un cadre rassurant pour les investisseurs “ qui apporte […] une visibilité à long terme aux investisseurs ”.

La France et sa médaille de bronze

Alexis Gazzo, associé sustainable performance & transformation au sein du cabinet de conseil, explique qu’une partie significative des investissements dans les EnR se dirige vers le solaire photovoltaïque et l’éolien offshore. Encore une fois, la PPE fait office de garante d’une certaine stabilité, car ambitionnant d’atteindre la cadence d’installation annuelle de 3 GW de capacité solaire, au cours des prochaines années. Bien que l’Hexagone comptabilise un certain retard dans le secteur de l’éolien offshore, par rapport à ces voisins britanniques et allemands, quatre projets d’éoliennes offshore flottante de 96 MW, plus adaptées à la topographie sous-marine française, sont en projet et devraient sortir de l’eau l’année prochaine. De plus, depuis le décret du 27 mai 2016 issu de la loi de transition énergétique et la sortie progressive du système d’obligations d’achats, l’avenir de certains parcs EnR est aujourd’hui incertain. Toutefois, la France semble adopter peu à peu un nouveau type de contrat, pouvant rassurer les investisseurs quant à la solidité et la fiabilité des projets français : les power purchase agreements (PPA). En juillet 2019, la SNCF a signé le plus grand PPA de France. Le contrat, d’une durée de vingt-cinq ans concernera 143 mégawatts d’électricité renouvelable.

Le cabinet d’audit est par ailleurs plutôt confiant sur la capacité de la France, troisième du classement, derrière les Etats-Unis et la Chine, à conserver sa position dans un contexte de sortie de pandémie. Le cabinet relève des signaux “ plutôt positifs ”, les investisseurs interrogés prévoyant un développement important des énergies renouvelables, à des fins de diversification du mix énergétique. Tout cela dans l’éventualité de l’occurrence prochaine d’un événement d’ampleur similaire à la crise sanitaire du Coronavirus, mettant à mal l’ensemble des chaînes d’approvisionnement énergétique. Les EnR sont donc, dans ce contexte économique difficile, assimilées à des assurances risques, de plus en plus indispensables.

Des filières EnR globalement plus solides

La société de conseil Rightliens souligne que le montant des investissements dirigés vers les ramifications éolienne et solaire a baissé de 8 % dans le monde entre 2017 et 2018. Cette baisse n’est pas liée à une attractivité moins forte de ces secteurs, mais bien à une chute considérable des coûts d’installations, alors même que les capacités installées sont en hausse. L’Agence Internationale de l’énergie renouvelable (IRENA) signale dans son rapport " Coût de la production d’énergie renouvelable en 2019 " que l’écart de prix entre énergies thermiques et renouvelables, depuis longtemps en faveur des combustibles fossiles, est en train de se combler. Ainsi, l’agence explique qu’aujourd’hui il est par exemple plus rentable d’installer des panneaux solaires ou des éoliennes que de maintenir en activité des centrales à charbon. Cette compétitivité est imputable en partie au progrès technologiques, aux économies d’échelle et à l’expérience croissante des développeurs. De plus, les investissements engendrés par les technologies solaire et éolienne sont amenés à baisser au fil des ans, avec un coût à usage industriel en baisse, de 13 % pour le photovoltaïque et de 9 % pour l’éolien. Ces avantages font dire à Francesco La Camera, directeur général de l’IRENA, que “ leur potentiel pour stimuler l'économie mondiale et créer des emplois est considérable. Les investissements dans les énergies renouvelables sont stables, rentables et attractifs ; ils offrent des rendements constants et prévisibles, et l'économie tout entière profite de leurs bénéfices ”.

Les capitaux ne font pas tout !

Malgré une attractivité certaine, il convient de rappeler que la France n’en reste pas moins très en retard en matière d’énergies renouvelables, compte tenu des objectifs fixés par la loi de transition énergétique. D’après l’édition de février 2020 du baromètre Eurostat, la France, à 6,7 points de pourcentage des objectifs européens par la suite déclinés en objectifs nationaux (20 % d’énergies renouvelables 2020), a un pied sur le podium des pays les plus éloignés de leurs objectifs, avec les Pays-Bas (7,4 points de pourcentage) et l’Irlande (5,3 points de pourcentage). Cependant, une partie de cette situation s’explique par la situation inédite de l’Hexagone, dont 70 % de la production d’électricité est assurée par une autre source d’énergie décarbonée : le nucléaire. D’autre part, si la PPE est considérée comme un engagement significatif par les investisseurs, le CLER Réseau pour la transition énergétique, une association française de protection de l'environnement, a fait part de ses inquiétudes, quant à la capacité de la France à atteindre ses objectifs climatiques : “ Pour le moment, force est de constater que nous ne sommes pas à la hauteur ! Nous sommes très en retard sur les objectifs européens : la France est le deuxième plus mauvais élève de l’Union européenne en matière d’énergie renouvelable ”.

Si l’attractivité tricolore exercée sur les capitaux a du bon, le CLER appelle à ne pas uniquement considérer les projets renouvelables par le prisme des coûts, une démarche strictement économique ne sachant assurer un développement judicieux et efficace de ces filières énergétiques dans le peu de temps imparti. En effet, pour l’association il faut “ envisager la qualité des projets, le développement socio-économique des territoires, l’amélioration de la qualité de l’air et des eaux, ou encore l’ancrage aux territoires ”. Il ne faut donc pas confondre attractivité des secteurs EnR et état de développement de ces derniers. L’Allemagne et les pays scandinaves ont beau occuper des places plus basses du classement, ce n’est que la résultante de marchés nationaux plus développés, et qui ont par conséquent perdu de leur dynamisme, pour atteindre des taux de croissance plus modestes, caractéristiques de marchés plus matures.

Thomas Gutperle

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