D’après une étude du think tank français The Shift Project, le numérique représentait en 2019 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Sa consommation énergétique croissant de 9 % par an, l’Arcep vient de publier un rapport d’avancement suite à une initiative de l’Ademe. Objectif : éviter la perte de contrôle et l’emballement des émissions du secteur. Analyse.

Onze. C’est le nombre de propositions répertoriées par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) dans son rapport "Pour un numérique soutenable". Leur objectif est de "conjuguer développement des usages et réduction de l’empreinte environnementale du numérique". En réalité, ce document est un rapport étape, faisant écho au lancement de la plateforme de travail du même nom, à l’initiative de l’Agence de la transition écologique (Ademe) le 11 juin dernier.

Les onze solutions sont réparties selon trois axes distincts. Le premier vise à établir une empreinte environnementale fiable du secteur du numérique, sur laquelle pourront se baser les mesures futures. Pour ce faire, l’Arcep suggère de "confier à une entité publique le pouvoir de collecter les informations utiles auprès de l’ensemble de l’écosystème numérique". Clé de voûte du projet : l’amélioration de la mesure des impacts du numérique avec en point d’orgue la création d’un référentiel de mesure de référence, via des initiatives en collaboration avec l’Ademe.

"Les opérateurs de centres de données devront revoir l’architecture des centres de données, l’optimisation des systèmes de refroidissement, la gestion des équipements de stockage"

Accompagner la transformation du secteur

Le deuxième axe, compilant la majorité des propositions, est quant à lui subdivisé en deux catégories.  D’un côté figurent des actions de régulation affectant directement les réseaux fixes. Ainsi, l’Autorité de régulation des communications électroniques recommande d’accompagner le remplacement progressif des réseaux de cuivre historiques vers de nouveaux réseaux en fibres optiques, pour fournir le territoire en haut débit. Pour limiter l’impact de ce remplacement, et de l’usage de ce nouveau réseau après installation, l’Arcep tient à encourager la mutualisation des infrastructures réseaux et de génie civil, afin de ne pas les démultiplier inutilement. Agir directement au sein des foyers des utilisateurs est également un tableau sur lequel il faudra jouer pour réduire de manière significative l’impact environnemental du numérique. Dans cette optique, mettre en place des systèmes de mise en veille automatique des box des opérateurs sur certaines plages horaires, ou en cas de non-utilisation prolongée, pourrait être envisageable.

Une grande partie des flux de données numériques ayant pour origine une utilisation “mobile”, c’est donc naturellement que l’Arcep avance quatre suggestions prenant en considération ces réseaux mobiles. Tout d’abord, elle appelle à analyser plus en détails les enjeux soulevés par l’extinction des réseaux 2G et 3G, afin de s’assurer que les bonnes incitations soient mises en place. Il est particulièrement question de la réglementation européenne des appels d’urgence depuis les véhicules. Ensuite, il paraît important de pouvoir donner aux consommateurs la possibilité de choisir ses offres réseaux en fonction de leur impact environnemental. Ainsi, les indicateurs de performances leur étant associés devront évoluer en 2021, pour inclure cette nouvelle dimension.

Renforcer les incitations des acteurs économiques

Enfin, le troisième axe autour duquel s’articulent les deux dernières suggestions, a pour objectif de "renforcer les incitations des acteurs économiques, acteurs privés et consommateurs". Rassembler les différents acteurs du secteur autour de la création de codes de bonne conduite, de chartes, mettant en avant la valeur d’écoconception ou de consommation raisonnée de données, serait pour l’Autorité de régulation un premier pas. Les fournisseurs de contenu et d’applications sont concernés, et gagnerait à adapter les résolutions des vidéos et films aux écrans, tout en limitant l’usage de l’autoplay, incitant à la surconsommation numérique. Dans la même veine, les éditeurs de systèmes d’exploitation et les opérateurs de centres de données devront revoir "l’architecture des centres de données, l’optimisation des systèmes de refroidissement, la gestion des équipements de stockage", et l’intégration des enjeux d’obsolescences dans les mises à jour. Pour finir, l'Arcep considère comme judicieux de confier à une entité publique le suivi de ces codes de conduites, de même que de la doter d’une capacité à sévir en cas d’écart par le biais de sanctions. Les acteurs du marché sont prévenus.

Thomas Gutperle

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