Dans un contexte impacté par la crise sanitaire et soumis à un changement de municipalité, Lyon veut faire figure de chef de file en matière de réflexion sur l’aménagement urbain. Il s’agit pour la ville de se réinventer, et de rester attractive: c’est là que se jouent les négociations entre acteurs de l’immobilier d’entreprise et politiques. Stéphanie Vondière, Directrice du Développement Région Rhône Alpes chez GA Smart Building et Julien Chavry, Associé/Directeur de l’agence lyonnaise de NCT, donnent leur point de vue à Décideurs.

Décideurs. Quelle place accordez-vous aux nouveaux usages en matière d’aménagement urbain dans vos stratégies respectives ?

Stéphanie Vondière. La stratégie d’étalement urbain mise en lumière depuis quelques années laisse aujourd’hui entrevoir de nombreuses  limites, faisant ainsi la part belle à l’idée de refonder "la ville sur la ville". La réhabilitation et la rénovation d’immeubles existants doivent devenir le fer de lance de la politique immobilière lyonnaise avec pour objectif la réduction de l'empreinte carbone, et pour incidence la création de valeurs humaines et économiques.

"La stratégie d’étalement urbain mise en lumière depuis quelques années laisse aujourd’hui entrevoir de nombreuses limites"

Julien Chavry. Lorsqu’une ville vieillit, elle aussi a besoin de s’adapter aux nouveaux usages si elle ne veut pas être délaissée. La rénovation des immeubles et leur transformation permettent de remédier à cette problématique d’obsolescence en proposant le développement de nouveaux tiers-lieux, ou  en permettant de disposer de services complémentaires à l’activité tertiaire "normale" tels que le bureau flexible ou le coliving qui sont plébiscités par les  "utilisateurs" de la ville. La "réarchitecture" prend tout son sens ici, puisque ce concept vient accompagner cette démarche d’offre exhaustive et essentielle pour que perdure un marché. Redonner une seconde vie à un immeuble a un coût, mais les bénéfices en sont d’autant plus importants que cela réduit également l’empreinte carbone, le premier acte écologique étant de ne pas détruire.

S. V. Mais il n’est pas toujours possible de conserver le bâti existant, il faut parfois recourir à de la construction neuve. Dans ce cas, le hors-site devient un outil efficace et agit comme un accélérateur des rénovations. Grâce à sa rapidité d’exécution, un bilan carbone diminué et des nuisances moindres, il constitue la pierre angulaire de l’accompagnement des projets politiques relatifs aux problématiques écologiques, d’utilité publique et sociale, qui sont au cœur des enjeux tertiaires de Lyon.

Décideurs. Comment déjouer l'obsolescence inévitable du parc tertiaire lyonnais ?

S. V. L’obsolescence de nombreux immeubles tertiaires pose  aujourd’hui problème. Par exemple, pour les immeubles mono-utilisateurs qui se retrouvent dans une situation peu pérenne lorsque leur locataire envisage de partir. Il faut donc rendre ces immeubles divisibles, leur redonner une seconde vie. Ces investissements, souvent lourds, sont possibles s’ils s'assortissent d'une création de valeur pour le propriétaire en permettant d’augmenter le loyer avec une remise à niveau aux normes du marché ainsi qu’en recréant de la surface en hauteur ou en largeur sur l’existant. Le décret tertiaire, dont la première deadline est prévue  en 2030, incitera ainsi les propriétaires, soit à arbitrer leurs actifs, soit à les remettre à niveau.

J. C. Le réemploi des surfaces existantes, mais également la création des services associés, tels que les transports, semblent être les enjeux sur lesquels il faut se concentrer. La fluidification des transports et de la circulation, la réduction du trafic routier au profit de mobilités douces et la qualité de l’environnement global boostent les critères d’attractivité d’une ville.

"Le décret tertiaire incitera les propriétaires, soit à arbitrer leurs actifs soit à les remettre à niveau"

Décideurs. Comment envisagez-vous le Lyon de demain ?

 J. C. Il est nécessaire aujourd’hui d’envisager les stratégies immobilières différemment, et  pas uniquement de se contenter sur des bilans immobiliers. La mixité est un bilan en soit, et représente maintenant l’enjeu le plus crucial de la ville de demain, qui se transforme et s’adapte. Créer des pôles d’attractivité autour de la métropole peut constituer une solution pour la désengorger mais aussi pour diffuser l’activité. C’est bien l’utilisateur, les femmes et les hommes qui composent ces nouveaux pôles qui vont les valider ou les rejeter, et non pas les pouvoirs publics. La création de pôles tertiaires mixtes autour de la ville révèle les besoins grandissants de diffusion de l’activité économique, et contribue à contrebalancer les risques d’un cœur de métropole unique.  Par ailleurs, les cœurs de ville et les quartiers dits  "tertiaires" gardent un  fort attrait pour certaines entreprises implantées  dans la ville. Il faut donc accompagner ces demandes et amener également des offres nouvelles sur ces secteurs pour éviter de voir les prix s’envoler. L’idée n’étant pas, à mon sens, de créer une opposition entre urbain et périurbain : chaque activité doit pouvoir trouver sa place.

"La mixité est un bilan en soit, et représente maintenant l’enjeu le plus crucial de la ville de demain"

S. V. En élargissant la ville, ces pôles d'attractivité permettent de répondre à des besoins qui ont émergé ces dernières années : il faut remettre la végétalisation au cœur des projets, développer une mixité croissante entre bureaux, commerces et logements, développer l’accessibilité afin d’augmenter le confort d’utilisation, la réduction des temps de transport ayant un avantage écologique indéniable.  Il en découlerait un épanouissement personnel et professionnel, recherché de plus en plus par les nouvelles générations.

J. C. Dans une ville comme Lyon, en pleine transformation,  qui tient compte des tendances et des problématiques mises en lumière aujourd’hui, il est nécessaire de proposer des solutions pérennes pour les utilisateurs et les citoyens. L’ambition des politiques et promoteurs est d’imaginer conjointement la ville de demain, sans poursuivre une logique d’étalement urbain, mais plutôt  en capitalisant sur l’existant et en étendant  l’activité économique et culturelle à de nouveaux pôles tertiaires et mixtes, au-delà de la métropole.

Propos recueillis par Alban Castres

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