Le projet de loi “Climat et résilience” qui a fait l’objet de plus de 110 heures de discussion, l’un des records de la Ve République, a été adopté par l’Assemblée nationale ce mardi 4 mai par 332 voix contre 77, et 145 abstentions. Son examen par le Sénat est attendu au mois de juin.

Ce projet de loi, décrit par Barbara Pompili comme la loi qui "produira des résultats, celle qui apportera des solutions concrètes à des problèmes complexes", est vu par la majorité comme un "marqueur du quinquennat". Toutefois, le texte reste largement critiqué par les écologistes, le considérant comme insuffisant. En effet, selon Le Monde, des ONG comme Greenpeace et le Réseau Action Climat dénoncent un "formidable gâchis"  et du  "climato-cynisme"pour "faire semblant d’agir". Faisant suite à celle qui s’est déroulée le 28 mars, une nouvelle "marche climat"  est annoncée dimanche 9 mai.  Lors de son examen à l’Assemblée, le projet de loi a connu plusieurs avancées, notamment le vote de nouvelles mesures : un septième titre a été ajouté concernant le renforcement de la gouvernance de la lutte contre le dérèglement climatique. 

Des  mesures  axées sur la vie quotidienne   

Les cinq points phares concernent la vie quotidienne : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir.

Parmi les mesures du titre I, “Consommer”, sont  notamment  prévues l’éducation au développement durable de l’école primaire jusqu’au lycée,  l’interdiction du “greenwashing” ou  écoblanchiment, une étiquette environnementale, aussi appelée écoscore, montrant l’impact des produits que l’on achète. L’objectif est d’informer les Français lorsqu’ils font leurs courses sur l’impact environnemental, en particulier le climat, des produits et services qu’ils consomment quotidiennement.

Dans le titre II, “Produire et travailler”, nous retrouvons l’obligation pour les acheteurs publics d’ajouter des clauses environnementales dans tous les appels d’offres et marchés qu’ils passent avec des entreprises. Par ailleurs, une mesure facilitant le développement de projets d’énergie citoyenne a été adoptée. Enfin, les députés ont voté l’obligation d’installer du photovoltaïque ou des toits végétalisés lors de la construction, l’extension ou la rénovation lourde de tous les bâtiments à usage commercial, industriel ou artisanal de plus de 500 mètres carrés. 

"Les transports sont le premier poste des émissions de gaz à effet de serre de notre pays. À ce constat, s’ajoute également un enjeu de santé publique, puisque la pollution de l’air est responsable de la mort de 40 000 Français chaque année", a déclaré Barbara Pompili. Le titre III, “Se déplacer”, a pour objectif de rendre nos moyens de transport (transports en commun, voiture, transport aérien) moins polluants en vue de baisser les émissions de CO2  et améliorer la qualité de l’air.  Les mesures prévues sont les suivantes : la fin de la circulation des voitures les plus polluantes dans 45 grandes villes dès 2025, l’objectif de fin de vente des voitures les plus émettrices de gaz à effet de serre en 2030, l’élargissement de la prime à la conversion aux personnes souhaitant remplacer un vieux véhicule polluant par un vélo à assistance électrique et un bonus vélo pour l’acquisition de "vélos-cargos". Concernant le transport aérien, il a été voté la limitation des vols intérieurs lorsqu’une alternative en train de moins de 2h30 existe,  l’encadrement des extensions  d’aéroport et l’obligation de compensation carbone de tous les vols intérieurs. 

Concernant la "Rénovation thermique" qui fait l’objet du titre IV, les députés ont voté l’interdiction de la mise en location de passoires énergétiques entre 2028 et 2034 selon les normes des bâtiments ; le gel des loyers dans les passoires énergétiques dès 2023 ; la mise en place d’un accompagnement de A à Z pour aider les Français à rénover leur logement.

Enfin, le constat a été fait que 67% des Français sont prêts à réduire leur consommation de viande. Dans le titre V, “Se nourrir”, les députés ont voté l’obligation d’une option végétarienne quotidienne en cas de menus multiples dans les cantines de l’État, de ses entreprises et établissements publics, dont les prisons et les universités.  

Une avancée en droit pénal de l’environnement

Le droit pénal de l’environnement fait un pas en avant grâce au projet de loi climat : les députés ont voté l’article 68 qui prévoit un délit général de pollution des milieux (flore, faune et qualité de l’air, du sol ou de l’eau) et un délit d’écocide pour les cas les plus graves. Plus précisément, le délit général de pollution des eaux punit les personnes morales et physiques qui causeraient des atteintes graves et durables à l’environnement, y compris de façon large, soit en violation manifestement délibérée d’une règle de prudence ou de sécurité, soit en méconnaissance des règles en vigueur. Le montant de la peine s’élèvera à cinq ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende, montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.  L’écocide, de son côté, vise les personnes qui ne pouvant ignorer la gravité des conséquences de leurs actes avec des peines allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement et des amendes de 4,5 millions d’euros, voire 22,5 millions d’euros pour les personnes morales). Toutefois, le projet de loi ne prévoit pas de “crime d’écocide” comme l’avait réclamé la Convention citoyenne pour le climat. L’introduction de ce crime est débattue depuis de nombreuses années à l’international.  

Concernant le délit d’écocide, le Conseil d’État a mis en garde sur le risque d’inconstitutionnalité de cette mesure considérée comme confuse et mal ficelée. Par ailleurs, les critiques émanent de toutes parts, certains trouvant le texte trop sévère, d’autres pas assez. Selon Le Monde, la droite a exprimé par la voix de Julien Aubert ses "vives inquiétudes" pour les entreprises face à "l’insécurité juridique" et "l’enfer normatif" créés par ces mesures de justice environnementale. La gauche, au contraire, juge ce délit insuffisant, pas "à la hauteur des enjeux de ce siècle"  selon Gérard Leseul du Parti socialiste. La députée de France insoumise, Mathilde Panota a souligné qu’il ne s’appliquera pas en cas de négligence et d’imprudence : "C’est un petit pas et nous demandons que la France agisse vraiment."  Enfin, Corine Lepage, dans son article “Le délit d’écocide : une "avancée" qui ne répond que très partiellement au droit européen”, explique que "la notion d’écocide dans sa plénitude et un véritable abus de langage". En effet, même si la reconnaissance de ce délit constitue une avancée, l’avocate considère que les conditions particulièrement rigoureuses requises pour la constitution de l’infraction risquent de rendre très difficile l’utilisation de ces nouvelles dispositions. 

Clémentine  Locastro  

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