Dans un contexte sanitaire contraignant et une propension globale à l’attentisme, AXA IM Alts a enregistré une progression de ses volumes de transactions de l’ordre de 40 % avec près de 10 milliards d’euros en 2020. Isabelle Scemama, global head d’AXA IM Alts et CEO d’AXA IM - Real Assets, revient sur les conditions de cette progression, livre les enseignements qu’elle a tirés de la crise et affirme ses convictions pour l’avenir.

Décideurs. Quelle est l’empreinte d’AXA IM Alts en France et en Europe ?

Isabelle Scemama. AXA IM Alts se positionne parmi les leaders mondiaux de l’investissement alternatif avec trois principaux piliers : l’immobilier, la dette privée et le crédit alternatif ainsi que le private equity et l’infrastructure. Nous sommes leaders européens et parmi les dix  meilleurs mondiaux sur l’ensemble de nos activités. Nous dominons deux marchés en Europe, l’immobilier avec plus de 75 milliards d’euros d’actifs sous gestion, et la dette privée avec un montant équivalent. En private equity et infrastructure, nous gérons, pour le compte de nos clients, 6 milliards d’euros d’actifs, un montant qui semble faible comparé aux deux branches précitées mais n’en demeure pas moins significatif. La plus grosse allocation y est assignée à l’infrastructure, une activité démarrée il y a quelques années maintenant.

Quelle est la différenciation d’AXA IM Alts ?

Certainement les critères  ESG, sur lesquels nous sommes très engagés depuis de nombreuses années, bien avant qu’ils ne soient aussi prégnants dans la communication des assets managers. Une préoccupation désormais prioritaire pour nombre d’investisseurs et renforcée par la crise sanitaire. Le deuxième élément qui caractérise notre plateforme est notre modèle d’investissement qui constitue un modèle intégré. Nous disposons d’une équipe de gérants immobiliers en interne, spécialisée par classe d’actifs (bureaux, logistique, résidentiel…) implantée dans quatorze pays. Nous souhaitions garder cette compétence en interne (contrairement à d’autres gérants) et ce modèle a montré toute sa pertinence durant la pandémie, mettant en exergue l’importance d’une relation quotidienne, historique et de proximité avec l’ensemble de nos locataires et partenaires. D’ailleurs, le maintien de cette relation privilégiée nous a permis d’optimiser la performance du portefeuille en travaillant les actifs.

Et en matière d’investissement ?

Nous avons à cœur d’aligner les intérêts de l’ensemble de nos clients investisseurs. La multiplication des mandats génère une compétition qui, selon nous, ne mène nulle part, frustre les investisseurs et complexifie le process d’investissement. Nous gérons pour nos 350 clients institutionnels, un capital discrétionnaire qui nous permet de nous positionner sur les meilleures opportunités et d’exercer notre pouvoir de négociation. Nous sommes très rigoureux lorsqu’il s’agit de la gestion de ce capital et cette rigueur est le gage de notre agilité. Tous ces éléments ont contribué à une année 2020 exceptionnelle pour AXA IM Alts, malgré les bouleversements qui l’ont traversée.

"Les crises ont le mérite de nous ramener aux fondamentaux de l'immobilier"

Quels enseignements avez-vous tiré de ces derniers mois ?

Les succès de l’année 2020 renforcent la pertinence de notre modèle intégré et local. Nous avons par ailleurs toujours prôné une vision à 360  degrés de l’immobilier (investir en dette et en equity sur les marches privés et publics). Cela nous permet de développer des convictions en amont et d’identifier les dynamiques et tendances par sous-marché. Les classes d’actifs qui ressortent gagnantes de cette crise sont les secteurs du résidentiel et de la logistique. Ce sont des secteurs sur lesquels nous avons investi bien avant la crise sanitaire. Nous gérons aujourd’hui de 20 milliards d’euros d’actifs résidentiels. En matière de logistique, nous avons poursuivi les investissements sur cette classe d’actifs qui représente à fin 2020 plus de 4  milliards d’euros (contre 2,5  milliards d’euros en  2019). Cette crise a rappelé l’importance d’anticiper les tendances du marché, de savoir articuler des convictions et de privilégier le capital discrétionnaire. D’ailleurs, nous avons déployé ce capital en nous appuyant sur l’expertise et les compétences de nos équipes locales. En outre, être un acteur global nous permet de comparer la valeur relative de chaque marché et de répliquer les meilleures expériences que nous avons pu tester dans certains pays.

Quelles sont vos convictions concernant l’évolution des marchés immobiliers?

Nous devrions rester dans un environnement de taux bas bien que beaucoup s’inquiètent du risque inflationniste. Compte tenu des niveaux de dettes et d’injection de liquidités sur les marchés, l’immobilier devrait continuer d’attirer du capital. Beaucoup d’investisseurs sont sous-alloués sur ce marché, des volumes importants devraient donc lui être attribués. Concernant les tendances de l’immobilier, les évolutions structurelles telles que l’urbanisation ou le développement du e-commerce étaient déjà engagées avant la crise. La pandémie a joué un rôle de catalyseur et d’accélérateur. L’année dernière, nous avons déployé énormément de capital en logistique et en résidentiel qui profite pleinement de ces tendances. L’immobilier opérationnel est une autre orientation intéressante que nous avons avancée. Avec l’acquisition de Kadans, le leader européen en life sciences, nous avons pour ambition d’accompagner les évolutions du bureau par le développement d’écosystèmes mixtes bureaux/laboratoires qui permettrait aux locataires du secteur des sciences, et plus particulièrement de la santé, de trouver un environnement collaboratif propice à la recherche. Il est intéressant de souligner que les laboratoires qui ont été capables de sortir dans des temps records un vaccin contre la Covid sont ceux qui, précisément, se sont alliés à des biotechs ou des universités. Kadans est une plateforme qui développe des complexes immobiliers réunissant autour d’une thématique scientifique des acteurs publics, des universités, des start-up, de grands laboratoires… et ce domaine connaît une dynamique considérable. Nous avions identifié ce secteur avant la crise en observant notamment le marché américain et nous entendons apporter à Kadans le capital nécessaire à son développement. C’est cette même approche que nous appliquons à nos plateformes de résidences étudiantes, résidences seniors au Royaume-Uni et data centers.

"Nous devrions rester dans un environnement de taux bas bien que beaucoup s’inquiètent du risque inflationniste"

Le bureau et le commerce n’en demeurent pas moins des secteurs importants. Le bureau reste un attracteur de talents et l’Europe dispose d’un parc de bureaux quelque peu obsolète. Du fait de sa profondeur et sa liquidité, le marché du bureau continuera à attirer les investisseurs, et les produits de qualité sauront séduire les locataires du fait du manque d’offres prime. Peut-être que les crises ont le mérite de nous ramener aux fondamentaux de l’immobilier. Selon moi, le bureau et le commerce conservent leur intérêt mais il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie. Avant la crise, on observait une convergence dangereuse entre le pricing des actifs en zones secondaires et de moindre qualité et les actifs prime. Cette crise, comme toutes les autres, entraîne un écartement des rendements entre le prime et le secondaire. Ma vision est que tireront leur épingle du jeu les portefeuilles de qualité et repositionnables, les actifs de bureaux bien localisés, reliés aux infrastructures de transport qui sauront offrir des services, une technologie robuste et afficheront les meilleures certifications environnementales. Les actifs moins bien positionnés verront leur valeur s’ajuster. Il en va de même pour le retail: la localisation, le design et la qualité de la gestion seront des éléments clés de réussite.

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Kadans, platefome de life science (source : Kadans)

Comment intégrez-vous la dimension ESG dans votre stratégie ?

Sur l’aspect environnemental, nous gérons des forêts depuis trente ans et ceci intègre parfaitement notre objectif de réduction du carbone. Par ailleurs, cela fait des années que nous appréhendons la data environnementale des immeubles de notre portefeuille. Pour établir des plans d’action efficaces en matière de politique bas carbone, cet historique est fondamental. Cette collecte de données nous permet d’élaborer une stratégie immeuble par immeuble, comprenant notamment des plans d’action et travaux permettant la réduction des émissions de carbone et l’amélioration du scoring environnemental de chaque actif. Ce travail de monitoring est essentiel pour suivre et analyser la trajectoire de nos actifs immobiliers, de l’acquisition à la cession, et c’est ce qui nous permettra d’atteindre notre objectif "Net zero" sur l’ensemble de nos portefeuilles avant 2050.

Quelles sont les ambitions à court et moyen termes d’AXA IM Alts ?

La taille de nos portefeuilles nous permet de mettre en place des plans d’investissement ambitieux et ce sera l’occasion de saisir les opportunités d’investissement portées par les tendances structurelles. Nous entendons accélérer sur nos stratégies "cœur". Ainsi, lancé en 2015 et désormais proche des 5 milliards d’euros d’actifs sous gestion, notre fonds AXA CoRE Europe a émis en juin son premier green bond. Tout en défendant notre statut de leader du real estate, nous visons à devenir leader des investissements alternatifs en développant nos autres piliers, notamment la dette privée et l’infrastructure. Nous avons lancé avec succès notre stratégie de développement de cinquième génération qui a levé 800 millions d’euros pour son premier closing, ce qui envoie un signal fort de soutien du marché. Nous souhaitons avant tout continuer à dominer le secteur avec des performances financières excellentes et au-dessus des benchmarks, comme nous l’avons démontré en 2020 tout en délivrant les meilleures performances environnementales.

Propos recueillis par Alban Castres

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