Alors qu’il n’était qu’un diagnostic parmi d’autres, noyé entre ceux de l’amiante, du plomb ou du gaz, le diagnostic de performance énergétique (DPE) a vu sa considération progresser, son autorité s’affermir. Depuis le 1er juillet 2021, il n'est plus informatif mais opposable. Analyse.

Jusqu’alors, un logement dont le diagnostic de performance énergétique s’établissait au-delà du "E" était un logement de classe "F" ou "G". Désormais, il s'agit d'une passoire thermique ou énergétique. Le DPE, qui indique au futur acquéreur ou locataire une estimation de la consommation énergétique d'un logement et son taux d'émission de gaz à effet de serre, notamment à travers les étiquettes énergie, devient plus lisible, plus fiable et surtout plus exigeant.

Obsolescence programmée

Les nouveaux seuils instaurés n’affectent pas le nombre de logements énergivores actuellement évalué à 4,8 millions par la dernière étude du ministère de la Transition écologique. Conformément à l’engagement de la Convention citoyenne pour le climat et le projet de loi Climat et résilience porté par Barbara Pompili, tous les logements consommant "trop" d'énergie seront interdits à la location d’ici 2028. En d’autres termes, les propriétaires de logements étiquetés "G", "F" et "E", ne pourront plus mettre en location leur bien à compter, respectivement, de 2025, 2028 et 2034. Mais ce n’est pas tout : dès 2023, une passoire thermique ne sera plus considérée comme un logement décent. À ce titre, l’ensemble des logements dont la consommation énergétique excède les 450 kWh/m²/an, incluant chauffage, éclairage, eau chaude, ventilation et refroidissement, sera destitué de son droit à la location. Une manière d’encourager la rénovation, auprès de ceux qui n’en auraient pas encore vu l’intérêt, l’autre choix qui se présente à eux consistant à mettre le bien en vente. Une forme de pass locatif dans lequel rien n’est formellement contraint mais sans lequel tout est expressément empêché. Et progressif : les logements de classe "E" seront à leur tour interdits à la location en 2034. Il y a fort à parier qu’à horizon 2100, les propriétaires devront aménager des éoliennes pour y accueillir des locataires.

Dès 2023, une passoire thermique ne sera plus considérée comme un logement décent

Une bonne nouvelle pour le logement neuf ? Interrogé par Décideurs en juillet dernier au sujet des nouveaux standards énergétiques, Vincent Mahé, directeur général de CDC Habitat, déclarait : "Les Vefa les plus récentes répondent aux standards les plus exigeants, c’est-à-dire qu’en général, elles vont au-delà de la RT 2012. Il s’agit d’un besoin impérieux car les normes les plus performantes d’aujourd’hui sont les normes moyennes de demain. Sur le patrimoine existant, les immeubles n’étaient pas encore soumis à cette norme au moment de la construction, mais ils ont fait l’objet d’un programme de travaux régulier." De quoi s’interroger sur la cadence des futures normes qui ne manqueront pas de fleurir, et, par effet boule de neige, sur l’intérêt et le rendement de futurs investissements locatifs, colorés par la grille de ces contraintes énergétiques. À supposer que l'objectif du nouveau DPE repose sur une recherche de rentabilité. 

Bouleversements en cours

Sur le papier, cette étiquette énergétique permet notamment à chaque ménage français qui achète ou loue un bien immobilier de mieux mesurer l’impact sur l’effet de serre de ses choix d’énergie et d’avoir une évaluation de sa facture énergétique. En pratique, et en cas de mauvaise performance, elle constitue un levier de négociation de poids lors d’une acquisition. Le seul choix qui s’offre au propriétaire, en dehors d’une onéreuse rénovation, pour laquelle il faut prévoir au moins 50 000 € pour passer de la classe "G" à la classe "E" avant de se retrouver face au même poste de dépense en 2034, année d’interdiction à la location des logements de classe "E", consiste à le mettre en vente. Un phénomène déjà amorcé, et qui risque de prendre de l’importance à chaque échéance de la loi, mais des mesures qui risquent de laisser un goût amer à l’ensemble des propriétaires modestes.

Une mauvaise performance énergétique constitue un levier de négociation de poids lors d'une acquisition

Caroline Fortier, directrice générale de Sogeprom, témoigne : "À titre personnel, en tant que citoyen, je m’inquiète pour ceux qui n’auraient pas les moyens de rénover un logement dans lequel ils auraient investi depuis des années et donc pas les moyens d’endosser leur tenue d’écoresponsable moderne. Pour autant, les pouvoirs publics ont mis en place un certain nombre d’aides, MaPrimeRénov’ notamment, l’élan collectif est donc vertueux et organisé." Un constat qu’elle double de sa casquette de promoteur : "En tant que professionnel, je ne peux que me réjouir de ce nouvel élan d’éco conception/réalisation. Je pense que cette obligation ne peut qu’accélérer les recherches en matériau et en matériels qui vont améliorer la peau et la performance des bâtiments. Nous nous extirpons, enfin, du greenwashing pour rentrer dans l’action accélérée et collective. Ensemble, fournisseurs de matériaux, constructeurs, promoteurs, maîtres d’œuvres, accroître notre science de la construction durable et donc permettre d’accéder à la véritable valeur verte attendue des bâtiments. Tout le monde s’y met !"

Bon sens et bonne direction

Alors que la COP26 a mis en lumière l’impuissance de la communauté internationale à lutter contre le réchauffement climatique, la prise en main de la performance énergétique par l’exécutif français pourrait mettre fin à la chaîne de la culture de défaussement du citoyen sur les entreprises et des entreprises sur l’État (et vice-versa) pour une action collective réelle et accompagnée. 

Alban Castres

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