Fils cadet de la plus riche famille d’Égypte, Nassef Sawiris a su muer du statut d’héritier à celui d’entrepreneur hors pair, à la tête d’un empire valorisé aujourd’hui à 7,7 milliards de dollars.
Nassef Sawiris, les milliards du Pharaon
Après des études aux États-Unis, à l’Université de Chicago où il décroche un diplôme en économie, Nassef Sawiris rejoint l’entreprise familiale de BTP Orascom Construction Industries en 1992 avant d’en prendre la tête en 1998. Dans le même temps, ses deux frères Naguib et Samih s’investissent respectivement dans les filiales télécom et tourisme du groupe. Au cours de ces premières années, Nassef Sawiris contribue à l’expansion des activités de l’entreprise à l’échelle régionale, de l’Algérie au Pakistan en passant par les Émirats arabes unis, et prépare sa diversification.
Le ciment de la réussite
Première étape, développer une activité de cimentier pour augmenter la rentabilité du groupe. C’est ainsi qu’en moins d’une décennie Orascom Cement passe d’une production de 1,5 à 35 millions de tonnes. C’est un moment clé dans la construction de sa fortune : quand il revend les activités de la filiale à Lafarge en 2007, il empoche 6 milliards de dollars et perçoit près de 3 milliards en actions du groupe français.
L’engrais du succès
Nassef Sawiris ne se repose pas sur ses lauriers et engage la deuxième étape de la diversification de l’entreprise : le développement d’une activité dans les engrais. Il acquiert en 2008 la totalité des parts du géant du secteur, Egyptian Fertilizers Company. L’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en 2011 pousse néanmoins l’entrepreneur à délocaliser ses activités aux Pays-Bas, via la holding OCI N.V. "Il faut regarder cette décision dans le contexte de l’époque, celui d’un gouvernement qui était extrêmement hostile aux femmes, aux minorités, aux chrétiens et à beaucoup d’hommes d’affaires. Nous n’avons vraiment pas eu le choix, nous étions quotidiennement harcelés", se justifiait le milliardaire dans une interview accordée au journal en ligne de l’Université de Pennsylvanie. Après un développement important, notamment aux États-Unis, l’activité d’engrais azotés représente aujourd’hui la partie principale de la fortune de Nassef Sawiris, avec une valorisation à plus de 2,5 milliards de dollars. L’entreprise étend désormais son activité à la production de méthanol et d’hydrogène pour les transports ou des clients industriels.
Les attributs du succès
Le milliardaire n’en oublie pas ses activités dans le BTP, aujourd’hui indépendantes de la holding, ou son pays natal. Il est ainsi un acteur majeur du projet de construction de la nouvelle capitale administrative du Caire, en charge de sept projets emblématiques dont le siège du gouvernement, celui de la Banque centrale d’Égypte, la cathédrale, l’opéra ou encore un imposant complexe hôtelier. Outre ses activités entrepreneuriales, Nassef Sawiris est actionnaire à 6 % d’Adidas, à 5 % de la société Madison Square Garden Sports, propriétaire des équipes NBA Knicks et NHL Rangers, et il a pris récemment la présidence du club anglais de football Aston Villa, aux côtés de Wes Edens.
La force tranquille
Âgé de 61 ans et père de quatre enfants, Nassef Sawiris n’a pas le panache ou l’attrait pour les projecteurs de certains milliardaires auxquels il préfère la discrétion des travailleurs de l’ombre. Issu d’une famille fortunée, il ne suscite pas non plus l’inspiration ou l’admiration d’un self-made-men. Exemple d’une réussite consciencieusement construite, combinée à une bonne dose de flair, son parcours démontre néanmoins qu’héritier ne rime pas forcément avec rentier.
Antoine Morlighem