L'immobilier d'entreprise, comme d'autres secteurs, a connu des turbulences depuis un exercice 2019 exalté. Catherine Dargent, fondatrice et PDG du Groupe Daxter revient sur les bouleversements de ces derniers mois et détaille les enseignements et perspectives auxquels ils ont donné naissance. 

Décideurs. Le marché de l'immobilier a connu quelques bouleversements. Comment les appréhendez-vous ?

C. Dargent. Depuis 2020, les sujets d’inquiétudes ne manquent pas, inédits pour certains (crise sanitaire, réchauffement climatique), qu’on pensait disparus pour d’autres (guerre aux portes de l’Europe, remontée des taux, inflation). Les êtres humains et acteurs économiques que nous sommes réagissent à ces phénomènes en se nourrissant de l’incroyable développement technologique que nous vivons. Toute adaptation doit se faire vite, très vite, et doit être radicale. Ainsi, en deux temps, trois mouvements, nous avons pris l’habitude de travailler à distance depuis notre nouvelle maison de campagne achetée entre deux confinements, et d’enchaîner les heures de visio-conférences. On nous a prédit la fin du bureau. Mais nous nous rendons compte que l’équipe et les rencontres humaines sont indispensables à la fois à l’équilibre personnel et à la bonne marche des entreprises. Celles-ci font ainsi machine arrière, et adoptent le Flex-office, qui permet de travailler de manière plus efficace et agréable, en limitant le distanciel. De nouveaux besoins émergent, en termes de surfaces, mais aussi d’aménagement et de conception d’espaces. De même, internet devait signer la mort du commerce. Or, si le commerce en ligne a atteint un pic pendant les périodes de confinement, les consommateurs restent attachés aux boutiques et veulent utiliser à la fois les canaux physique et numérique. Les enseignes ont donc intégré l’omnicanal dans leur stratégie, et de nouvelles perspectives sont apparues. Enfin, de manière brutale, le coût des matériaux de construction a explosé, remettant en cause la chaîne de valeur immobilière, toute typologie d’actifs confondue, mais aussi la valeur du foncier, corrélée au prix du neuf. Toutefois, cet événement force à trouver des voies de limitation des coûts, à explorer la réutilisation et les matériaux écologiques. Ainsi se créent des stratégies différenciantes qui vont rebattre les cartes des acteurs les plus performants, tant au niveau économique qu’au niveau environnemental. En résumé, tous ces bouleversements sont autant d’opportunités pour les marchés. En tant que conseil stratégique en immobilier, notre rôle, dans ces périodes troublées, est plus important que jamais et notre valeur de "travail sur-mesure" est particulièrement appréciée par nos clients.

Tous ces bouleversements sont autant d’opportunités pour les marchés

Les valeurs de marché ont-elles déjà évolué ?

L’horizon économique, politique et social, s’est nettement obscurci ces derniers mois. Face à cette situation, les investisseurs institutionnels ont déjà "levé les crayons". Ils bouclent les investissements en cours mais ne s’engagent plus. La baisse des valeurs ne se voit pas encore nettement, mais elle paraît inévitable. L’inflation ne cesse d’augmenter, poussant les banques centrales à faire évoluer leurs politiques monétaires. Les acquéreurs seront rapidement "pris en étau" entre d’un côté une baisse de leur capacité de financement et, de l’autre, des revenus évoluant moins vite que l’inflation. Par ailleurs, dans le secteur du logement, l’entrée en vigueur du nouveau DPE (Diagnostic de Performance Energétique), entraîne une obsolescence des habitations les plus mal notées (F et G). A ce jour, on observe une petite baisse des valeurs des passoires thermiques, mais elle est encore limitée, ce qui est normal. Le marché s’adapte d’abord en volumes, puis en prix. De la même façon, la mise en place du décret tertiaire, qui concerne l’immobilier d’entreprise, segmente le marché en trois parties : les actifs aux normes environnementales, les actifs obsolètes et, entre les deux, les actifs qui peuvent être mis aux normes à un coût raisonnable. Là encore, il est encore trop tôt pour dire si les valeurs baisseront de façon importante, mais nous observons le marché très attentivement, et travaillons avec la RICS et le Comité d’Application de la Charte de l’Expertise en Evaluation Immobilière à l’adaptation des méthodes d’évaluation existantes. En tout état de cause, l’immobilier reste une valeur refuge, à plus forte raison en période inflationniste, puisque l’évolution des loyers suit l’inflation. Nous aidons donc nos clients à adapter leur stratégie à la nouvelle donne et à profiter des opportunités qui vont se présenter.

Dans quel but avez-vous créé votre plateforme foncière ?

L’accompagnement à la cession de foncier à bâtir ou à reconvertir est l’une des activités historiques du groupe Daxter. La Plateforme Foncière s’inscrit comme une évolution logique de cette activité et s’appuie sur toutes les compétences du Groupe. Il s’agit d’un site internet "facilitateur" qui, à travers une approche digitale, vise à valoriser le foncier et à favoriser l’aboutissement des projets tout en s’inscrivant dans les orientations urbaines et environnementales locales. La Plateforme Foncière se positionne comme un tiers de confiance indépendant. Elle permet de fluidifier et de sécuriser le processus de cession grâce à une plus grande interaction entre les parties prenantes (propriétaires, collectivités locales, promoteurs, investisseurs…) mais aussi avec les conseils patrimoniaux (avocats, notaires, experts-comptables, gestionnaires de patrimoine, administrateurs de biens, family office, …). Tous ces acteurs disposent d’espaces personnalisés sur la Plateforme Foncière, leur permettant de connaître les consultations en cours, d’y participer, d’interagir, et de suivre l’évolution des projets. La Plateforme Foncière accueille aussi bien des consultations restreintes que des opérations accessibles à tous. Elle accueille également des projets en cours, avec des acteurs d’ores et déjà identifiés voire liés entre eux par une promesse de vente. L’objectif de la Plateforme Foncière est de devenir l’outil incontournable de la cession de foncier et de renforcer l’accompagnement que nous avons à cœur d’apporter à nos clients tout en participant à la cohérence du développement territorial et en prenant en compte l’urgence climatique.

Le marché s’adapte d’abord en volumes, puis en prix

Daxter dispose désormais d'un pôle AMO. Comment se conjugue-t-il avec votre expertise historique ?

Les besoins de nos clients en matière d’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage deviennent de plus en plus importants, notamment en matière de projets de restructuration et de repositionnement de friches industrielles. Nous avons ainsi accueilli Jacques Léon, grand professionnel reconnu, en qualité de senior advisor, et développons à présent cette expertise pour les clients du Groupe. L’AMO renforce également les compétences que nous apportons dans le cadre de la Plateforme Foncière, mais aussi pour les autres services, à savoir le property management, l’asset management et l’expertise immobilière.

Personnes citées

Catherine Dargent

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