À la manière des taxis, dont on a perçu la nette amélioration du service avec l’arrivée de Uber en France, les agences traditionnelles ont souffert de l’introduction sur le marché immobilier des néo-agences. L’espoir que cette concurrence tire tout le monde vers le haut s’est-il matérialisé ?

Malgré tous les efforts de Stéphane Plaza pour rendre la profession sympathique et en dépit du fait qu’il assiste d’heureux projets, le métier d’agent immobilier demeure l’un des moins appréciés des Français. L’avènement des néo-agences, qu’elles proposent des honoraires inférieurs ou une transparence renforcée, n’a rien arrangé, réduisant les parts de marché des agences traditionnelles. Malgré la méfiance qu’elles inspirent parfois, les particuliers ne sont pourtant qu’un tiers à vendre leur bien par leurs propres moyens. S’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac, il est souvent reproché aux professionnels de l’immobilier leur amateurisme mis en perspective avec des commissionnements jugés exorbitants.

Place à Plaza

Alors qu’il était autrefois imposé aux agents immobiliers de porter une veste, une chemise repassée et des chaussures cirées, le look décontracté de Stéphane Plaza, son tutoiement systématique et ses négociations rigolotes semblent avoir engagé l’ensemble de la profession dans une désinvolture caractérisée. César, ancien agent immobilier, passé par cinq agences distinctes, témoigne : « Notre allure était primordiale et la veste de rigueur. C’est souvent le cas quand on n’a pas grand-chose à présenter en matière de compétences. » Reconverti dans l’immobilier après quelques années de marketing, il évoque une réorientation contrainte et un choix par défaut ne nécessitant « aucun diplôme ni aucune expérience mais des dents qui rayent le parquet ». Si cette habileté a probablement toujours cours, elle nécessite désormais d’être complétée d’une sympathie éprouvée et de baskets d’un blanc net.   

Rotation

Les conditions annexées à son statut d’indépendant le contraignent, après quelques mois seulement dans sa première agence, à opter pour une autre et un contrat calibré sur le système d’avances sur commission. À ce sujet il déclare : "Le système d’avances sur commission peut donner l’illusion d’une forme de confort mais lorsque les salaires perçus ne sont pas remboursés par l’employé, il se retrouve sur la sellette." Un système qui instaure une "compétition malsaine entre agents de laquelle découlent ruses et trahisons". César dénonce, en outre, "le turnover important" qui contraint les agents à « faire du zèle pour attester de leur sérieux". Il conclut : "Ceci explique en partie leur discrétion lorsqu’il s’agit d’évoquer les points négatifs d’un appartement, la visite étant encouragée car représentant un marqueur de l’implication de l’employé. Les photos démesurément travaillées pourraient rendre une cave lumineuse et un cagibi accueillant." Le savoir-faire des négociateurs immobiliers se résume trop souvent à distinguer un ballon d’eau chaude d’une chaudière ou à déterminer quels murs sont porteurs en toquant dessus de l’index. Pour ce qui concerne la compétence, le turnover des agences exige généralement que les agents n’en aient pas, au moins dans un premier temps.

Le savoir-faire des négociateurs immobiliers se résume trop souvent à distinguer un ballon d’eau chaude d’une chaudière

Course à l’échalote

La promesse des agences est limpide : vendre votre appartement au meilleur prix du fait de clients identifiés déjà intéressés, le fameux : "J’ai quelqu’un pour votre appartement", de bases de données bouffies et d’une expertise éprouvée. Mais leur intérêt est ailleurs, comme le souligne César : "En vérité, l’agence se moque bien de vendre votre appartement au meilleur prix. Notre boulot c’est de vendre le plus vite possible et donc d’estimer le bien à la baisse pour qu’il soit vendu en une ou deux visites. Lorsque l’on recevait une offre dès le premier jour, on laissait passer une semaine pour faire croire que l’on enchaînait les visites et que les négociations étaient musclées." Il n’en reste pas moins que le vendeur conserve la main sur le prix de son appartement, en a souvent une bonne image et ne ressentirait pas une grande culpabilité à en obtenir une plus-value significative. "Lorsque le propriétaire était trop gourmand, nous signions quand même le mandat mais ne nous en occupions pas pendant quelques semaines. On le rappelait au terme de ce délai pour lui confirmer que l’appartement était effectivement trop cher et négocier une baisse. Je n’ai jamais compris l’appellation « négociateur immobilier ». Elle met en lumière le fait que l’on négocie pour que la vente se fasse car c’est notre intérêt, sans considération pour celui du vendeur ni celui de l’acquéreur". L’argument, essentiel même si moins agité, des agences immobilières consiste en une économie de temps. Si elles brandissent leur expertise, c’est généralement l’incapacité matérielle qui impose aux vendeurs d’y avoir recours.

Néo-logis                            

Pour ce qui concerne les honoraires et selon une étude de 2019 d’Opinion Way pour Meilleursagents.com, 88 % des particuliers espéraient les voir baisser. À ce titre, les néo-agences instaurent une concurrence inhabituelle pour les agences traditionnelles qui, parfois, multiplient les abus pour préserver leurs commissions. César explique : "Le modèle traditionnel doit être pas mal chahuté par ces néo-agences dans la mesure où les honoraires restent le principal frein des vendeurs comme des acquéreurs." Mais qu’est-ce qui encourage encore un vendeur à donner un mandat à une agence ? "Les visites… Les propriétaires n’ont pas le temps de faire visiter leur appartement et pour le reste du processus il y a le notaire." Et pour confier ses clés, il faut de la confiance. 

Alban Castres

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