Pour la deuxième année consécutive, le BCG et le Mouvement Impact France mènent une étude consacrée au développement des start-up qui placent la recherche d’impact positif au cœur de leur modèle. Focus de cette année : le coût que ces entreprises évitent à la société.

Le premier volet de l'étude "Les start-up à impact seront-elles les licornes de demain ?" publié en mai 2022 concluait à la nécessité de prendre en compte, pour mieux déterminer le potentiel de ces entreprises et faciliter leur développement, la valeur sociale et environnementale et non leur seul potentiel économique. Dans le deuxième volet de cette étude, le BCG et le Mouvement Impact France, en collaboration avec le Laboratoire d’évaluation & de mesure de l’impact social et environnemental (E&MISE) de l’Essec Business School proposent un indicateur concret pour quantifier la création de valeur pour la société de ces start-up à impact, et ainsi faire émerger les premières licornes à impact dès 2030 : celui du montant des coûts que ces entreprises évitent à la société.

Échelles de valeur

Ces dernières années, l’émergence de 29 licornes françaises dans les secteurs de la fintech, du big data ou encore de la blockchain, start-up non cotées en Bourse valorisées plus de 1 milliard de dollars, a été facilitée par un volontarisme politique fort qui s’est traduit par des investissements conséquents dans l'innovation technologique et scientifique. Aujourd’hui, la multiplication des crises écologiques et sociales et les engagements croissants pris par la France pour y répondre, notamment au niveau européen (Green deal européen, CSRD, objectifs du développement durable) imposent de porter ces mêmes efforts vers l’émergence de champions de la transition. En effet, surmonter ces défis suppose que puissent être développées rapidement et à grande échelle des solutions nouvelles, inédites, de rupture en réponse aux grandes problématiques écologiques et sociales. Ces solutions d’avenir devront être massives et généralisables pour opérer le basculement nécessaire à la transformation de nos manières de produire et de consommer. Elles pourront répondre ainsi avec la force et le timing adéquat aux principaux objectifs du développement durable que se sont fixées la France et l’Europe. Comme le souligne Jérôme Schatzman, directeur du Centre d’innovation sociale et écologique de l’Essec, qui a participé à cette étude : "Tant que l’on ne prendra pas réellement en compte l’impact des entreprises sociales, en allant jusqu’à une valorisation monétaire, au moins partielle, de cet impact, on ne créera pas les vraies conditions de leur changement d’échelle. On passera à côté de solutions pourtant efficaces pour faire face aux défis sociaux et environnementaux de notre époque."

Indicateurs d’impacts

Pour créer les conditions d’un basculement vers cette nouvelle définition de la valeur d’une entreprise, le BCG et le Mouvement Impact France, avec l’appui méthodologique du Laboratoire d’évaluation & de mesure de l’impact social et environnemental de l’Essec, proposent de revisiter la définition en vigueur de la licorne (innovation de rupture, moins de dix ans, 1 milliard de valorisation financière) en substituant au critère de valorisation financière celui des coûts que les entreprises à impact évitent à la société, ramenés en euros : par exemple les coûts épargnés en évitant l’émission de tonnes de CO2, en ramenant à l’emploi une personne au chômage, etc. Pour illustrer cette nouvelle grille de lecture, l'étude couvre un panel de onze start-up à impact, avec trois archétypes d'impact : social avec l'insertion par l'emploi, environnemental avec la réduction de l'empreinte carbone et sur la santé via la prévention et l'accompagnement. En moyenne, les entreprises du panel permettent d’éviter à la société des coûts équivalents à 30% de leur chiffre d’affaires. Si ces coûts évités étaient pris en charge par l’État et ajoutés au chiffre d’affaires de ces entreprises, leur résultat net deviendrait de fait largement positif, d’environ 12% du chiffre d’affaires. Alors que dans la vision comptable actuelle, elles ont une profitabilité faible, voire négative pour certaines. Plus loin, si le milliard de valorisation financière qui permet aux start-up classiques d’accéder au stade de licornes équivaut environ à 50 millions d’Ebitda (en faisant l’hypothèse d’une valorisation égale à 20 fois l’Ebitda), une entreprise à impact pourrait en miroir accéder au stade de licorne à impact dès lors que les coûts que son activité permet d’éviter à la société atteignent annuellement 50 millions d’euros.

New deal

"L’indicateur des coûts évités amorce un changement de paradigme en ce qui concerne la valorisation financière des start-up à impact. Il nous permet de quantifier concrètement la valeur ajoutée de ces entreprises pour la société, en les évaluant sur le cœur de leur raison d’être : l’impact environnemental et social", estime ainsi Quentin Decouvelaere, directeur associé au BCG et coauteur de l’étude. "À l’image de ce qui a été déployé pour la French Tech, il est temps que nous donnions à ces acteurs engagés la capacité de passer à l’échelle et d’atteindre rapidement l’hypercroissance pour décupler leur impact écologique et social pour la société", ajoute Caroline Neyron, DG du Mouvement Impact France qui formule trois propositions pour libérer le potentiel des entreprises à impact et faciliter leur passage à échelle : mise en place d’un programme "Next Impact" par la French Tech, fléchage ciblé vers les start-up à impact d’une partie des fonds de France 2030 et instauration d’un statut de "Jeune entreprise à impact" permettant l’octroi d’un crédit d’impôt sur leurs cotisations sociales adossé au montant annuel des coûts évités permis par leur activité. Objectif : dix licornes à impact parmi les cent licornes attendues d’ici 2030.

Antoine Morlighem

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