La première liste des activités durables au sens de la taxonomie européenne verte a été publiée en juin 2021. Les activités gazières et nucléaires, qui ont suscité de vifs débats entre les États membres, n’étaient pas comprises dans cette première liste. Il a fallu attendre l’adoption d’un acte délégué complémentaire par le Parlement européen, le 6 juillet 2022, pour qu’elles fassent leur entrée dans la taxonomie européenne verte.
La taxonomie européenne instaure des critères permettant de qualifier les activités de durables afin d’orienter les investissements vers ces activités pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en  2050. L’inscription d’une activité dans la taxonomie européenne verte revêt donc une importance stratégique pour les entreprises qui exercent les activités concernées et pour les institutions financières qui financeront ces activités. Le règlement délégué (UE) 2021/2139 du 4  juin  2021 complétant le règlement (UE) 2020/852 du 18 juin 2020 (le « Règlement Taxonomie  ») par les critères d’examen technique permettant de déterminer à quelles conditions une activité économique peut être considérée comme contribuant substantiellement à l’atténuation du changement climatique ou à l’adaptation à celui-ci et si cette activité économique ne cause de préjudice important à aucun des autres objectifs environnementaux (le « Premier acte délégué »), publié le 9 décembre 2021, avait déterminé une première liste des activités qualifiées de durables à condition de remplir certains critères d’examen techniques. Toutefois, il avait laissé en suspens le sort de plusieurs activités en raison du désaccord entre les États membres sur la classification des sources de production d’énergie que sont le gaz naturel et le nucléaire. L’absence de consensus entre les États membres, en raison de leurs choix historiques, politiques et stratégiques, avait alors conduit la Commission européenne à renvoyer le classement du gaz naturel et du nucléaire à un acte délégué complémentaire ultérieur.

 

Le gaz naturel et le nucléaire entrent dans la taxonomie européenne verte en tant qu’activités de transition.
La Commission européenne a présenté, le 2  février  2022, un projet d’acte délégué complémentaire afin de faire entrer dans la taxonomie européenne les activités gazières et nucléaires en tant qu’activités de transition, c’est-à-dire celles pour lesquelles des technologies bas carbone ne sont pas disponibles à ce jour, mais dont les émissions sont compatibles avec la trajectoire de l’Accord de Paris de 2015, ratifié par l’Union européenne (l’« UE ») en 2016. Pour le gaz naturel, sont concernées les activités de production d’électricité à partir de combustibles fossiles gazeux, de cogénération à haut rendement de chaleur et de froid et d’électricité à partir de combustibles fossiles gazeux et de production de chaleur ou de froid à partir de combustibles fossiles gazeux dans un système efficace de chauffage et de refroidissement urbain. Pour le nucléaire, l’Acte délégué complémentaire vise les activités de recherche et développement, de construction de nouvelles centrales dont le permis de construire aura été délivré avant 2045 et d’extension de la durée de vie des centrales autorisées avant 2040. Le règlement délégué complémentaire modifiant le règlement délégué (UE) 2021/2139 en ce qui concerne les activités économiques dans certains secteurs de l’énergie et le règlement délégué (UE) 2021/2178 en ce qui concerne les informations publiques spécifiques pour ces activités économiques spécifiques pour ces activités économiques (l’«  Acte délégué complémentaire ») a ainsi été adopté par la Commission européenne le 9 mars 2022 et définitivement validé par le Parlement européen le 6 juillet 2022.
Ce classement, incertain jusqu’au dernier moment, continue d’être discuté malgré sa validation définitive par le Parlement européen. L’adoption de la proposition de la Commission européenne par les eurodéputés est restée, jusqu’à la séance de vote, particulièrement incertaine. Le 14  juin  2022, les commissions des Affaires économiques et de l’Environnement du Parlement européen s’étaient, en effet, formellement prononcées contre l’inclusion du gaz naturel et du nucléaire dans la taxonomie européenne verte. Sur fond de crise énergétique en raison de la réduction des importations de gaz russe, le Parlement européen a toutefois approuvé, en session plénière, l’inclusion des activités nucléaires et gazières dans la taxonomie européenne verte, le 6 juillet 2022. Alors que la majorité absolue (353 voix) était nécessaire pour rejeter la proposition de la Commission européenne, l’objection n’a recueilli que 278 voix. Les États membres, représentés par le Conseil de l’UE, n’ont, par ailleurs, pas atteint les seuils (au moins vingt États membres représentant 65 % de la population européenne) qui leur auraient permis de s’opposer au texte dans le délai imparti. L’Acte délégué complémentaire a donc été publié au Journal officiel de l’UE le 15 juillet 2022. Il entrera en vigueur au 1er janvier 2023. À compter de cette date, les investissements dans le gaz naturel et le nucléaire, sous réserve de satisfaire aux critères techniques identifiés par l’Acte délégué complémentaire, pourront donc être qualifiés de durables. Cette adoption définitive de l’Acte délégué complémentaire n’a pas pour autant mis fin aux débats. Certains États membres, notamment l’Autriche et le Luxembourg, ainsi que plusieurs ONG, telles que Greenpeace et le WWF, ont annoncé vouloir saisir la Cour de justice de l’UE (CJUE).

En France, l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne constituait un enjeu crucial pour la filière.

Ce classement est crucial pour financer la prolongation et le renouvellement du parc nucléaire français. En France, l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne verte constituait un enjeu crucial pour la filière, en particulier depuis l’annonce du Président de la République, en juin  2022, de la construction de six nouveaux réacteurs d’ici à 2050, d’une option pour la construction de huit autres, ainsi que du prolongement au-delà de cinquante  ans de la durée de vie des réacteurs existants. L’accès à un financement facilité par la classification du nucléaire dans la taxonomie européenne verte devrait donc contribuer à limiter les coûts d’investissements dans le nouveau nucléaire et permettre de conserver un prix du mégawattheure compétitif en France.

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Christine Le Bihan-Graf est avocate associée au cabinet De Pardieu Brocas Maffei, responsable du département droit public économique et activités industrielles régulées. Elle est diplômée de l’ENA (1996) et a été en activité au Conseil d’État entre 1998 et 2003.
 
Laure Rosenblieh est avocate counsel au sein du département droit public économique et activités industrielles régulées du cabinet De Pardieu Brocas Maffei.

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Christine Le Bihan-Graf

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