Créée en 1984, la marque Bompard fête trente ans de croissance ininterrompue. Rencontre avec son fondateur.
Le roi du cachemire
Fin des années 1970. Éric Bompard, cadre dans la micro-informatique, se rend en Asie à l’occasion d’un voyage d’affaires. Curieux, le jeune homme profite de cette escale dans l’empire du Milieu pour s’intéresser de plus près à ce cachemire qui fait la renommée des pulls made in Scotland. « À l’époque la rumeur disait que le cachemire était écossais. Mais en me rendant aux confins de la Mongolie, j’ai découvert que 96 % de la production mondiale de la laine de cachemire était réalisée dans cette région montagneuse où la chèvre capra hisca est élevée », raconte celui qui s’est laissé embobiner par le filon en or du bovidé. « J’ai tout plaqué. C’était un peu comme un saut sans parachute ! Mais j’étais fasciné par cette matière aussi magique que rare », confie M. Bompard. Avec cent mille francs en poche, le futur P-DG dégotte une entreprise de tricotage locale, crée une SARL, bataille avec Bruxelles sur la question des quotas contrôlés et finit par ouvrir en 1984 sa première boutique à Neuilly. Les trois modèles proposés, col roulé, gilet, col rond en trois coloris – blanc, beige, noir – remportent un franc succès laissant augurer une belle aventure pour celui qui deviendra le roi de la maille de luxe en France.

Ma petite entreprise ne connaît pas la crise
Pas un seul exercice déficitaire depuis sa création, un résultat net de sept millions d’euros en 2013, des ventes qui progressent de 10 % chaque année depuis 2000. Nul doute, Éric Bompard est passé entre les mailles du filet de la crise. « Nous avons trente années d'existence et autant de profit », rappelle non sans une certaine fierté le fondateur de la marque qui a réalisé en 2013 un chiffre d’affaires de 86 millions d’euros soit l’équivalent de 550 000 pulls. À l’image de la slow food ou de la slow TV, la recette maison de M. Bompard s’appelle la slow growth. « Quand vous créez une entreprise, votre objectif consiste à vous inscrire dans la durée. Au regard de la conjoncture actuelle, mieux vaut adopter une croissance prudente où l’on prend des risques calculés. »
Une stratégie payante pour le groupe Bompard qui emploie trois cents personnes dans plus de cinquante magasins dont une dizaine en Europe, à Hongkong et Pékin.

Une affaire de famille
Pas de fonds d’investissement, pas de banques, pas d’actionnaires. Seul maître à bord, Éric Bompard détient 100 % du capital de son entreprise et n’a jamais fait appel à l’endettement pour se développer. La continuité, c’est son ingrédient secret pour ancrer dans la pérennité le destin de la maison Bompard. Pour cela, il a embarqué sa fille à bord du navire. Depuis une petite dizaine d’années, Lorraine de Gournay a gravi tous les échelons de l’entreprise familiale. Elle est aujourd’hui directrice générale et est appelée à prendre la suite de son père.

L’humour comme socle
En matière de publicité, Éric Bompard a longtemps été le « monsieur réclame » de la maison. La marque a d’ailleurs démarré sur les chapeaux de roue grâce à la publication d’une annonce rédigée par son fondateur et diffusée dans Le Figaro : « Le cachemire, c’est au 28 rue Montrosier à Neuilly à partir de 620 francs ». Viendra ensuite l’époque des égéries parmi lesquelles Carole Bouquet ou encore Monica Bellucci. Mais depuis quelques années, c’est l’humour qui est devenu la pierre angulaire de la communication du groupe. « Le monde n’est pas drôle. Les gens ont tendance à voir le verre à moitié vide. Mais fabriquer un pull n’a rien de douloureux. C’est même très réjouissant d’en posséder un qui soit doux et agréable à porter », résume Éric Bompard tout en présentant l’une de ses dernières publicités où l’on voit un gentil yeti étreindre une jeune femme vêtue d’un modèle de la marque avec pour slogan « hug* (angl.) : se dit d’une pulsion poussant à étreindre un cachemire Bompard ».

Vis ma vie d’entrepreneur en France
« Aujourd’hui en France, plus on dit aux entreprises que cela va être simple, plus c’est compliqué », s’agace le chef d’entreprise qui affirme ne pas avoir vu émerger en trente ans une seule mesure favorable aux entrepreneurs. « Pas un jour ne passe sans une mesure supplémentaire ou une nouvelle loi applicable à la vie de l’entreprise ». Un jugement sans appel que M. Bompard appuie au moyen d’un exemple concret. « Aujourd’hui, il y a trente-six lignes sur une feuille de salaire. Il n’y en avait que quatre au moment où j’ai commencé en 1970 ». Une évolution qui en dit long et pose la question de l’urgence de simplifier la vie des entreprises pour qu’elles fassent ce qu’elles font de mieux selon le magnat de la belle maille : « Produire et créer des emplois ».

Emilie Vidaud


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