Tour d’horizon sur les enjeux RH du géant de la pharmacie dans un environnement en mutation.
Entretien avec Yolaine von Barczy, Vice-President Human Resources France, Bristol-Myers Squibb.

Décideurs. De quelle manière articulez-vous les enjeux RH du groupe, d’échelle mondiale, avec les problématiques nationales ?

Yolaine von Barczy.
La dynamique se fait dans les deux sens. En tant que première filiale du groupe (hors États-Unis), nous avons la responsabilité d’être exemplaires dans notre mise en place des stratégies globales. À l’inverse, à nous d’impulser en amont une force stratégique qui réponde et s’adapte aux problématiques locales. Par ailleurs, en alignant les processus au maximum, nous pouvons concentrer nos efforts et notre énergie sur ce qui fait la différence en termes de résultats pour nos salariés et nos clients. C’est ce qui nous permet de développer, par ailleurs, des pôles d’excellence au sein desquels nous adaptons nos approches et les réponses RH face aux problématiques business locales. Cela permettra ensuite d’alimenter un cercle vertueux au sein du groupe. En effet, nous nous imposons, autant que possible, de ne rien développer qui ne serait pas en totalité ou en partie exportable auprès de nos filiales à l’étranger. Cette articulation se fait également en établissant un esprit collaboratif avec les autres filiales du groupe ce qui permet d’ajouter une dimension transversale dans nos approches. C’est un défi pour la fonction RH d’être membre à part entière de trois équipes en parallèle : l’équipe RH France, le comité exécutif et l’équipe RH globale.

Décideurs. À quels types de problématiques votre secteur est-il confronté au niveau RH ?

Y. von B.
Le premier enjeu est celui de la gestion du changement qui est à la fois structurel et transformationnel. Le secteur est soumis, pour diverses raisons, à des pressions économiques, à un raccourcissement du cycle de vie des produits et à l’émergence de nouveaux métiers et pôles de développement. Ainsi, le choix stratégique de BMS de s’orienter vers des médicaments de spécialité exige une discipline importante afin de permettre à l’entreprise de disposer de ressources suffisantes pour la recherche et le développement. Dans ce contexte, le changement est permanent. Il est donc primordial de le faire accepter comme un paramètre, et non comme un aléa, tout en captant les énergies positives pour en faire une source d’opportunités et éviter la fatigue organisationnelle. L’approche doit être systémique et non séquentielle : il ne s’agit plus d’alterner périodes de changement et périodes de consolidation mais de gérer en permanence des évolutions positives pour certaines, plus difficiles pour d’autres. Cela exige un certain courage managérial et une acuité dans les choix à faire.

Le second enjeu est culturel et lié au positionnement de l’industrie pharmaceutique en tant qu’acteur du paysage de santé. Dans ce contexte, les RH doivent notamment accompagner l’entreprise dans sa dimension sociétale pour lui permettre de jouer son rôle dans différents domaines tels que la diversité (générationnelle, ethnique, diversité de parcours, sexe) ou l’engagement auprès des communautés au sein desquelles elle est présente. La RH doit contribuer à faire évoluer la culture sur le long terme en mettant l’employé au cœur du système (« employees first, customer second »).

Le troisième enjeu est la gestion des talents qui doit permettre de faciliter les parcours tout en permettant à l’expertise d’être plus pointue, et ce dans un environnement très concurrentiel dans de nombreux domaines thérapeutiques. Il s’agit évidemment d’attirer les meilleurs et de les retenir en leur proposant des curriculums adaptés qui iront dans le sens de la stratégie de l’entreprise tout en respectant les atouts de chacun (partage d’expériences, plans de développement, gestion des transitions d’un rôle à l’autre…). Au-delà de la gestion des personnes, la planification stratégique des ressources (Workforce Planning) et la réflexion sur l’évolution des compétences induisent également une réflexion plus globale sur le capital humain de l’entreprise, particulièrement clé dans une entreprise fortement dominée par l’innovation.

Décideurs. Que mettez-vous en œuvre concrètement pour répondre à ces enjeux ?

Y. von B.
Parmi les outils mis en place au sein du groupe, voici un exemple : chaque année, vingt-quatre collaborateurs répartis en quatre équipes sont sélectionnés pour travailler sur une problématique business définie par le comité exécutif. Ces participants, s’ils sont accompagnés d’un point de vue académique, ont carte blanche dans leurs réflexions, avec pour seul impératif d’être capables de présenter, par équipe de six et au bout de quatre mois, une proposition et une solution innovante qu’ils devront défendre et détailler dans tous ses aspects devant le Comex. Il leur est demandé également de se nourrir d’expériences réussies en dehors de l’entreprise en rencontrant des acteurs externes de notre secteur. De nombreuses actions sont mises en place suite à ces propositions et un processus très rigoureux est défini pour en assurer le suivi. D’année en année, chaque « promotion » organise un passage de relais à la promotion suivante afin de fournir une progression dans la réflexion. Ce programme est une de nos réponses aux problématiques évoquées ci-dessus.

Décideurs. Comment se matérialise dans les faits le rôle de business partner que vous jouez au sein du comité de direction ?

Y. von B.
Afin de pouvoir prétendre à ce rôle, la RH se doit d’abord d’être irréprochable sur les processus de base. Le « droit de s’asseoir à la table » ne se justifie que lorsque la crédibilité de la fonction est assurée dans ses activités de base, même celles qui peuvent paraître les moins stratégiques : si la fiche de paie est inexacte, tout effort pour élever la fonction sera vain.

De façon très concrète, une symbiose s’organise entre les fonctions business et la RH sur un certain nombre de sujets. Ainsi, les différents acteurs de l’équipe RH ont, parmi leurs objectifs annuels, un certain nombre d’indicateurs « business ». De la même façon, les fonctions business doivent se montrer parties prenantes des problématiques RH en intégrant un certain nombre d’indicateurs au sein de leurs objectifs. Le postulat de base est simple : derrière toute problématique, il est rare que les leviers RH ne soient pas vecteurs de solution. Chez BMS, nous considérons que la fonction RH est une fonction du business et doit contribuer de façon directe à son évolution. Ainsi, j’ai personnellement assuré la direction d’une division en parallèle de mes activités de vice-présidente RH France pendant quelques mois.

Tout en étant concentrés à développer le capital humain de l’entreprise, les RH doivent se tourner vers l’externe au même titre que le font toutes les fonctions business. Nous avons symboliquement décidé de ne plus utiliser le terme de « clients internes » pour la RH car ce terme est trop souvent synonyme d’une fonction très tournée vers l’interne. Nous avons les mêmes clients que le reste de l’entreprise. En revanche, notre champ d’actions reste principalement le travail que nous faisons avec les collaborateurs de l’entreprise. Cela étant, les frontières de celle-ci, pour diverses raisons, sont de plus en plus perméables et la RH se doit d’être autant une fonction ambassadrice de l’entreprise que toute autre fonction, voire parfois plus. Ainsi l’engagement sociétal repose sur un grand nombre de leviers qui sont extrêmement proches de celle d’une direction générale.

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