Ludovic Le Moan, CEO de Sigfox, et Renaud du Lac, CEO d'iXO Private Equity, reviennent sur les raisons qui ont fait de la levée de fonds record de 100 millions d'euros l'un des plus beaux deals de ce début d'année.  
Décideurs. Sigfox fait l’actualité avec une levée de fonds historique en France de plus de 100 M€. Quelle technologie peut justifier de tels investissements ?
Ludovic Le Moan. Sigfox, c’est le premier réseau opérateur dédié à la communication de petits messages. Notre objectif est donc de transmettre ces petits messages dans des conditions différentes de celles des télécoms dans la mesure où notre technologie améliore de manière très importante les coûts de communication. À l’image du GSM, nous déployons notre réseau cellulaire partout dans le monde afin de permettre aux objets de s’y connecter automatiquement. Là où nous sommes très forts, c’est que les coûts associés à l’utilisation du réseau sont dix fois moins chers que ce que nous connaissions avant. Nous ne comptons pas, par ailleurs, développer un réseau destiné à la voix.

Décideurs. Comment est-il possible que les télécoms n’aient pas pensé à votre communication à bas coût auparavant ?
L.L.M. En effet, ils n’y avaient pas pensé. Je pense que personne n’avait pensé à cette technologie car ces acteurs étaient bloqués psychologiquement : qui peut plus peut moins, et ils ont dû croire que leur faculté à faire passer des megabytes leur servirait aisément pour en faire passer beaucoup moins. Tout le monde avait aussi la tête à se demander comment le débit pourrait encore être accru. Quand on a démarré Sigfox en 2011, les gens se sont dit que notre idée ne valait rien. Personne ne voyait l’intérêt d’un réseau cellulaire à bas débit parmi les WIFI, Bluetooth, et autres GSM. Mais aujourd’hui, on a breveté notre espace et lorsque vous regardez notre tour de table, vous voyez que les télécoms ont changé d’avis sur Sigfox.

Décideurs. Saviez-vous dès le départ que vous déteniez une telle pépite de la tech mondiale ? Combien de groupes ont souhaité vous racheter ?
Renaud du Lac. Nous avons toujours eu confiance dans le projet puisque nous avons investi dès la première levée de fonds. Aujourd’hui, la quatrième s’établit à 100 M€. Mais c’est vrai que si on nous avait dit en 2011 qu’on aurait levé autant d’argent 4 ans plus tard, on aurait souri et dit « faisons d’abord nos preuves, nous rêverons plus tard ». Le positionnement stratégique de la firme n’a jamais bougé d’un iota et cela reflète la qualité du business model de Sigfox.
L.L.M. Dès ma première rencontre avec Christophe Courtet, pour moi l’inventeur de la radio, je lui ai dit que si sa technologie fonctionnait, nous allions changer le monde. Avec Sigfox, c’est la première fois de ma vie où je n’ai pas eu à remodeler la start-up au gré du développement. C’est inédit. Et c’est pour cela que nous avons fait chaque année 2, 10, 15 et puis 100 M€ de levée de fonds. Le conseil a même refusé un ticket de plus de 50 M€. Si on veut devenir leader mondial, nous n’avons pas le temps de nous arrêter. La prochaine étape est l’IPO et elle pourrait avoir lieu à la fois en France et sur le Nasdaq. Quant aux groupes désireux de nous racheter, cinq américains se sont manifesté. Enfin, les fonds levés doivent nous permettre d’atteindre 40 M€ de CA avant l’IPO, donc au plus tard en 2016. De nouveaux marchés seront effectivement pénétrés pour remplir notre objectif.

F.S.


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