Défiance des citoyens, paralysie parlementaire, professionnalisation des partis, coût de l’administration ou des institutions, il est temps de réformer l’État.
L'État, aussi et surtout, doit revoir sa copie. Publié juste avant les attentats terroristes de janvier à Paris, le dernier baromètre sur la confiance du Cevipof démontre que si les citoyens ne remettent pas massivement en cause les institutions, seuls 27?% d’entre eux estiment que la démocratie française fonctionne bien. Les Français plébiscitent ainsi des décisions plus proches de l’attente des citoyens (64?%), un recours direct au peuple plus fréquent à travers le référendum (81?%), comme de suivre l’avis d’«?experts?» (59?%) ou de donner plus de libertés aux entreprises (64?%) pour résoudre les problèmes économiques.

Le retour de la confiance
«?Il faut réformer la démocratie en réhabilitant le politique. C’est le prix du retour de la confiance?», avance l’économiste Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie. Chez EELV, on attribue la responsabilité de cette défiance au modèle «?périmé?» de l’homme présidentiel omnipotent. Lionel Jospin l’admettait lui-même?: «?Je n’ai même plus le temps de penser.?» À qui la faute?? «?Aux élites françaises monocolores, élevées dans un moule idéologique particulier?», lâche Bastien François, professeur à Paris I et conseiller régional d’Île-de-France.
Face à un système vertical qui fait la part belle à la technocratie et à des suffrages sans représentation, il n’y a plus d’autre choix que de «?reparlementariser le système?», explique Julien Bayou, conseiller régional d’Île-de-France et porte-parole du parti écologiste.
Sur la question du référendum, les tenants d’une nouvelle constitution souhaitent une consultation en amont, organisée de manière régulière, qui permettrait d’éviter l’écueil du plébiscite. Certains, à l’instar du Mouvement pour la 6e République (M6R), vont même jusqu’à prôner un référendum révocatoire.

Davantage d’efficience
La Constitution de 1958 serait devenue «?perverse?». Pour Bastien François, «?le glissement date de Pompidou, lorsque le président de la République est devenu patron du gouvernement?». Problème?: les Français ne sont pas prêts à changer l’intuitu personae qui les lie au chef de l’exécutif. Pour le constitutionnaliste, il existe une solution?: créer une nouvelle fonction présidentielle qui lui permettrait d’être «?le garant de la préparation de l’avenir. (…) À condition de le détacher du gouvernement de tous les jours, ajoute-t-il. Il conserverait ainsi sa forte légitimité, grâce au suffrage universel, et améliorerait son autorité en ne s’occupant pas du quotidien.?»
Plus original, au sein du M6R, on considère que l’efficience passe autant par la manière d’opérer les changements institutionnels que par leur contenu. La clé, c’est l’implication populaire. Et sa mise en forme?: l’élection d’une assemblée constituante, comme en Tunisie ou en Amérique latine, et la motion de censure constructive qui, loin de renverser le gouvernement, le remplacerait, comme en Allemagne ou en Espagne.

La décentralisation ratée
Et la question budgétaire dans tout cela?? À l’heure où le gouvernement traque la moindre économie et où le projet de loi de Nouvelle organisation territoriale de la République (Notr) est débattu au Parlement, la question du coût de fonctionnement des institutions et de l’Administration semble avoir été oubliée. Qu’il s’agisse d’organisation à l’échelle locale ou nationale. «?La décentralisation engendre structurellement un coût supplémentaire?», déclarait la Cour des comptes en 2009 dans son rapport sur «?La conduite par l’État de la décentralisation?». Or, la réforme territoriale actuelle n’arrange rien. Si la problématique des compétences semble se clarifier, le nombre de strates administratives demeure sensiblement le même?: 36?000 communes, cent départements, treize régions et 13?700 structures intercommunales. Tout comme les effectifs de la fonction publique territoriale?: 1,9?million selon l’Insee. Ceux de l’État ont également augmenté alors même que des compétences et les agents qui vont avec ont été transférés depuis la première vague de décentralisation en 1982-1983. Surcoût estimé par la Cour des comptes?: seize milliards d’euros.

Supprimer le Conseil économique et social (CESE)
La troisième assemblée de France, qui n’a qu’une fonction consultative pour la représentation des organisations professionnelles au niveau national, «?ne sert à rien et coûte cher?», dixit le député UMP de la Drôme Alain Mariton. Quant à ses 233 membres, ils ne sont pas épargnés avec leurs 48?000?euros de salaire annuel net, les 62 jours de vacances et un système de retraite, pointé du doigt par la Cour des comptes, «?qui ferait peser sur l’État un risque budgétaire estimé à 218?millions d’euros?». En août?2013, le sénateur Jean-Louis Masson dépose une proposition de loi constitutionnelle proposant sa suppression, afin d’ouvrir la voie à «?la vraie démocratie participative?» et de permettre à l’État de réaliser une économie annuelle de 37,5?millions d’euros (dotation annuelle budgétaire pour 2013).

Réaliser des économies de fonctionnement
Au sein de l’Administration, de nombreuses économies d’échelle ou de rationalisation s’avèrent également possibles. Citons notamment les fonctions achats de l’État où il y a «?énormément à gagner sur les stratégies d’achat, le reengineering des besoins réels et l’implication des fournisseurs. C’est un travail sur cinq ans qui pourrait conduire à terme à une économie de quinze à vingt milliards d’euros par an?», explique Flavien Kulawik, P-DG de KLB Group, leader du conseil en achat.

Supprimer le Sénat
Une autre mesure est hautement symbolique et politique?: la suppression du Sénat, qui dégagerait une économie de 365?millions d’euros. Et dans une VIe République, quelle serait la légitimité d’une chambre parlementaire qui tire son élection d’un cortège d’élus et non du peuple lui-même?? Bizarrement, Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale y est favorable, au contraire de Gérard Larcher, président du… Sénat. Et les Français?? Selon un récent sondage de l’Ifop pour le JDD, s’ils sont résolument pour une réforme «?en profondeur?» de l’institution (transparence, train de vie, cumul, nombre de sénateurs, avantages…), seuls 21?% veulent sa disparition. Et certains politiques de s’inquiéter d’un débat qui pourrait «?être mortel?» pour la Ve République…
Julien Beauhaire et Mathieu Marcinkiewicz



CE QU'IL FAUT RETENIR

> La Ve République, sous sa forme gaullienne, vit ses dernières années.
> Référendum, proportionnalité, parlementarisation, horizontalité des rapports élus-citoyens, parité, contre-pouvoir puissant, nouveau rôle du Président, assemblée constituante… les propositions ne manquent pas.
> 365 M€ le coût total du fonctionnement du Sénat

Cet article fait partie du dossier Dix ans pour changer la France

Visuel : © AFP pour l’AN



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