L'agence France-Presse fête ses soixante-dix ans. L'occasion de revenir avec son P-DG sur le flux info, les réseaux sociaux, la vidéo... l'avenir.
Décideurs. L'Agence France-Presse (AFP) fête cette année ses soixante-dix ans. Est-ce une vieille dame ou une jeune pousse dans la fleur de l’âge ?

Emmanuel Hoog.
L’AFP est loin d’être une vieille dame, c’est une entreprise qui vit à cent kilomètres à l’heure, au cœur du monde de l’information globale et multimédia. En dépit des années, elle a toujours fait preuve d’adaptation et a su s’adapter aux changements.

Ses atouts ne datent pas d’aujourd’hui. L’agence est depuis toujours adaptée à la production d’information. C’était une entreprise mondiale et ce bien avant la mondialisation. Et dans les faits, une rédaction Web avant même qu’Internet n’existe. Dernier élément de son ADN : elle est un modèle de fil d’information en continu. Les « breaking news » que l’on voit partout aujourd’hui, c’est elle !
Avec les années, l’AFP est devenue multilingue, multiculturelle et multimédia : texte, photographie, infographie, vidéo… Le tout envoyé partout dans le monde et instantanément par satellite sur un terminal multimédia fixe ou mobile.


Décideurs. Comment définirez-vous l’agence ?

E. H.
L’AFP est une agence qui a comme clients quatre mille rédactions du monde entier, qui ne consomment pas toutes la même chose et pour lesquelles il faut une diversité de production : de la photographie sportive à la vidéo d’un conflit civil, en passant par le texte. Notre production d’informations est non-stop : 24/24H et 7/7J.
L’AFP ce n’est pas la voix de la France à travers le monde, c’est la voix d’une rédaction qui couvre quatre-vingts nationalités.


Décideurs. Que reste-t-il de l’AFP de 1835 ?

E. H.
Créée par Charles-Louis Havas, l’agence Havas a été scindée en deux en 1944. D’une part l’agence Havas et de l’autre l’Agence France-Presse.
Soixante-dix plus tard, elle conserve de cette époque une résonance mondiale, avec ses correspondants partout sur la planète. Elle continue par ailleurs à appliquer la devise de son fondateur : « Vite et bien ». Le scoop ou la dépêche et l’information fiable et contrôlée.


Décideurs. Le statut de l’agence vient d’être réformé. Qu’apportent les changements ?

E. H.
Nous clôturons en effet une séquence qui fait suite à une plainte pour aides d'État, instruite à Bruxelles. Le gouvernement français et l’agence devaient adopter des mesures pour sécuriser leurs relations, notamment tout ce qui a trait au financement : distinguer les contrats commerciaux des subventions. Il s’agissait également d’élargir et d’enrichir le conseil d’administration de l’AFP, dont la composition historique – des représentants des titres clients uniquement – correspondait plus ou moins à une photographie des médias de 1957.


Décideurs. Comment opérez-vous face à la concurrence de Twitter et, plus généralement, du Web ?

E. H.
On parle sans cesse de la concurrence d’Internet et de Twitter, mais rappelons avant tout qu’aucun de nos quatre mille clients n’a été forcé à s’abonner.

Je ne connais aucune rédaction au monde qui construit son journal avec un fil Twitter. Ce réseau social sert de veille et d’alerte. La fonction d’une agence comme la nôtre, c’est de produire de l’information vérifiée. Nous ne sommes donc pas concurrencés, seulement challengés sur la fonction d’alerte. Ni plus ni moins.

Plus généralement, les réseaux sociaux ne nous enlèvent pas de travail. Au contraire, ils nous en donnent. Ainsi alertées, les rédactions du monde entier nous appellent ensuite. Depuis toujours, les agences ont été confrontées au bruit médiatique. À elles de distinguer et de hiérarchiser ensuite ce bruit des redondances et de l’information. Preuve en est, l’AFP ne loupe jamais une information importante.


Décideurs. Clientèle étrangère, formats vidéo… quel est l’avenir de l'agence ?

E. H.
Parmi les quatre mille clients de l’AFP, 55 % sont situés à l’étranger et 45 % en France. Et l’on se dirige de plus en plus vers du 60/40.
Il est difficile d’aller beaucoup plus loin en France. Jamais la marque AFP n’a été aussi bien exposée. Notre croissance est donc davantage portée par l’étranger.

Quant à la vidéo, nous la proposons au fil ou à la carte. BFM TV ou France 24 sont, par exemple, abonnés au fil. TF1 et France TV achètent pour l’instant à la carte. Le format vidéo constitue véritablement un élément de dynamisme commercial et une porte d’entrée pour l’achat ultérieur de fil texte. Soixante-dix journalistes s’y consacrent exclusivement. Et sur nos deux cents bureaux dans le monde, la moitié est capable de fournir de la vidéo. Bref, c’est un moyen fabuleux de rentrer dans l’information par l’image. En avril 2010, lorsque je suis arrivé, il nous est apparu urgent de mener cette révolution. Nous ne pouvions la remettre à plus tard et jouer l’avenir de l’entreprise sur le print uniquement. En seulement deux ans, nous sommes avions triplé notre offre !


Décideurs. Vous avez été à la tête de l’'Institut national de l'audiovisuel (INA) pendant près de dix ans. Peut-on établir des comparaisons entre les deux institutions ?

E. H.
Quelques similitudes existent entre l’INA et l’AFP. Ce sont deux marques très fortes, avec des valeurs affirmées et un attachement prononcé des salariés à l’entreprise. Et l’avènement du numérique les a contraints à évoluer.

Toutefois, la comparaison s’arrête là. Si l’INA s’occupe de valoriser et sauvegarder une collection numérique de vingt mille heures, l’AFP est une entreprise qui vit, elle, dans l’instant afin de sortir, hiérarchiser et donner de la perspective à l’information.
D’un côté, j’ai eu la tâche d’organiser la numérisation d’actifs qui pouvaient disparaître à une époque où Youtube balbutiait encore. De l’autre, j’ai à reconstruire une partie du portefeuille de clients autour d’un nouveau et ambitieux programme de développement.


Propos recueillis par Julien Beauhaire
Visuel : © AFP et © AFP François-Xavier Marit


L’AFP en quelques chiffres :
2 326 collaborateurs, dont 1 575 journalistes de 80 nationalités différentes.
200 bureaux dans 150 pays.
6 langues d’informations : français, anglais, allemand, arabe, espagnol et portugais.
4 000 rédactions du monde entier comme clients.
5 000 dépêches, 3 000 photos, 200 vidéos et 100 infographies et vidéographies par jour.
282,9 millions d’euros de chiffre d’affaires : texte (55,5 %), photo (26,6 %), vidéo (6 %), multimédia (8 %), autres produits (4 %).

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