Si les résultats de Yahoo déçoivent une nouvelle fois, la Silicon Valley croule sous les investissements. Tout un symbole dans un secteur ultracyclique.
Pour Marissa Mayer, les séances de présentation des résultats se suivent et se ressemblent. La dernière en date, qui portait sur le premier trimestre 2015, a dû être particulièrement pénible. Malgré une hausse de son chiffre d’affaires de 8 %, le bénéfice de Yahoo s’est tout bonnement effondré de 93 % par rapport à 2014. Face à cette situation critique, la direction de la firme a annoncé se défaire de sa participation au sein de Yahoo Japan évaluée à huit milliards de dollars.

Si Yahoo s’embourbe depuis des années, la Silicon Valley nage en pleine euphorie. Au premier trimestre 2015, les niveaux d’investissement explosent tous les records et se situent dans une fourchette comprise entre 13,4 et 15,72 milliards de dollars selon les sources (National Venture Capital Association ou Dow Jones VentureSource). L’attraction des entreprises américaines de la tech est telle que les montants investis depuis janvier rivalisent aisément avec ceux de la fin de l’année 2000, à l’époque de l’éclatement de la bulle internet. Les jeunes pousses peuvent se vanter d’attiser les convoitises, notamment grâce aux retours sur investissement vertigineux qu’elles peuvent offrir. Un argument de poids dans une conjoncture relativement morose.

Silicon Valley : une bonne santé de façade

Pourtant, cette insolente bonne santé ne doit pas faire oublier qu’un grand nombre de ces entreprises n’est pas rentable. Snapchat, Airbnb ou Uber entre autres seraient-elles survalorisées ? Une opinion que ne partage pas Jean-David Chamboredon, fondateur et P-DG du fonds de capital-risque Isai : « On ne peut pas parler de survalorisation puisque ces start-up ne sont pas cotées. » Peut-on parler de surinvestissement ? « Difficile à dire. Il y a forcément certaines jeunes pousses qui sont en train de lever des milliards avec des modèles qui ne justifieront pas leur future valorisation. Je pense que les premiers accidents vont arriver et avec eux, un retour à plus de prudence de la part des investisseurs », poursuit-il.

Révolution des usages ou cycle naturel ?

Faut-il voir dans cet engouement pour les prodiges de la Silicon Valley la preuve d’une révolution des usages ? Si oui, le sort de Yahoo serait bel et bien scellé. Et ce ne serait pas la première fois qu’un géant de la tech disparaîtrait. L’exemple des navigateurs web est édifiant. Prenons le cas Nestcape. Rapidement propulsé numéro un après sa création au milieu des années 1990, la firme créée par des anciens de NCSA Mosaic n’a pas survécu à la concurrence féroce d’Internet Explorer, lui-même victime quelques années plus tard de Firefox. C’est finalement Chrome, lancé par Google, qui a fini par s’imposer comme la star des navigateurs.

Yahoo va-t-il disparaître à son tour ? « La firme au logo mauve a un modèle qui date du siècle dernier et les services qu’elle propose sont tous challengés par une concurrence accrue », constate un expert du monde de la tech. Ces mauvais résultats pourraient être le présage d’une fin programmée. « L’économie dans le secteur est darwinienne », met en garde M. Chamboredon. Une autre façon d’illustrer la fameuse théorie de la destruction créative.

Les réticences françaises

Côté européen, la situation est à mille lieux de ce qui se joue aux États-Unis. Si l’intérêt médiatique ne cesse de s’intensifier pour les start-up du secteur des nouvelles technologies, le capital n’est pas là. « Le montant investi par les capital-risqueurs stagne, et celui des business angels régresse en France », résume M. Chamboredon. Aucune IPO dans la tech n’est d’ailleurs à signaler sur le Vieux Continent.

Pire, l’épargne des Français ne profite toujours pas à l’innovation. Ils jettent volontiers leur dévolu sur les bons du Trésor ou la pierre. « Dans l’Hexagone, le nombre et la qualité des candidats à lever de l’argent dans le secteur de la tech n’a cessé de croître mais l’argent disponible n’a pas beaucoup augmenté », regrette le fondateur d’IsaiI. Une frilosité envers l’investissement dans l’amorçage qui nuit au développement de l’innovation made in France.

S. V.

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