Le président de Newrest et du Toulouse Football Club revient sur son parcours professionnel et les valeurs qui réunissent l'entrepreneuriat et le sport.

Décideurs. Quelles sont les principales raisons qui vous ont poussé sur le chemin de l’entrepreneuriat ?
Olivier Sadran.
Ce sont les soubresauts de la vie ! Je me suis retrouvé autonome à l’âge de 16 ans. J’ai passé mon bac j’ai commencé « par hasard » à travailler sur des chantiers du BTP, l’été, en intérim. L’idée m’est alors venue de commencer la distribution de repas sur les chantiers. Je dois dire que mon caractère et mon profil s’accordent également très bien à une vie entrepreneuriale.

Décideurs. Existe-t-il des recettes ou tout du moins des techniques éprouvées que vous appliquez pour pérenniser les activités de votre entreprise ?
O. S.
Il est toujours imprudent d’imaginer que les règles qui nous régissent sont immuables car on est soumis à des changements récurrents. Mais il y a des grands principes. Le mien, en tant qu’autodidacte, a été de m’interroger et d’interroger les autres lorsque je ne dispose pas de l’information ou bien que je ne la comprends pas. C’est cette volonté, accompagnée de cette soif d’apprendre et de comprendre qui est l’élément substantiel. Dans le même temps il y a une dimension commerciale qui est forte, avec une volonté de développement qui m’anime.

Décideurs. Vous parlez d’équipe. Au niveau de l’entrepreneur classique Newrest, quel est le profil des personnes que vous recrutez ?
O. S.
Aujourd’hui nous regroupons 28 000 personnes collaborateurs, tous différents. Newrest brasse tous types de profils, mais on nous n’avons pas d’identité nationale. Il n’y a pas d’identité apparente, chez Newrest il importe peu que vous soyez du Nord ou du Sud, ce sont vos compétences qui font votre rémunération et non votre origine, surtout avec nos soixante-dix nationalités. Les véritables questions tournent autour des compétences, des capacités linguistiques et de l’appartenance à l’entreprise, au travers de son ADN et de la capacité à le diffuser.
Bien entendu, dans le processus de recrutement, la compétence est fondamentale. Celle-ci est d’ailleurs très liée au diplôme, mais aussi à l’expérience. Pour une entreprise comme la nôtre, qui dégage un peu plus d’un milliard de revenus, il est très important que nos collaborateurs sachent faire preuve d’une grande autonomie, nous recherchons donc un fort esprit entrepreneurial.

Décideurs. Votre développement sur certains marchés internationaux passe-t-il nécessairement par des opérations de croissance externe comme vous l’avez fait avec l’acquisition de First Catering en Afrique ?
O. S.
Notre développement est fonction des opportunités. Sachant que 90 % du capital est détenu par les salariés, nous avons une gestion de « bon père de famille ». Nous ne sommes donc pas des pourvoyeurs de dette. Notre ratio est de 0,71 sur notre leverage, ce qui reste très faible. Si nous étions dans une dynamique d’acquisitions récurrente, cela nous engagerait à lever de la dette, et ce n’est pas notre philosophie. Finalement, tout dépend des opportunités et surtout de leurs valeurs. On planifie toujours sur un horizon de long terme afin d’assurer la pérennité de notre entreprise.

Décideurs. Envisagez-vous l’entrée d’un actionnaire extérieur, comme un fonds de capital-investissement, pour lever des fonds, ou conserveriez-vous votre indépendance à tout prix ?
O. S.
Il y a encore cinq ans, les fonds détenaient 32% du capital, aujourd’hui ils représentent 10 %. Nous ne sommes pas rigides et nous acceptons l’entrée de fonds dans notre capital, mais nous tenons à ce que les opérations aient du sens. Travailler avec ces fonds d’investissement reste subjectivement intéressant : ils éclairent les décisions et nous accompagnent. Néanmoins, l’entreprise nous appartient à 90 %, nous n’accepterions donc pas que l’on s’immisce dans notre gestion. Si nous sommes amenés à accepter l’arrivée de fonds dans notre capital, ils resteront minoritaires. C’est une certitude. Nos salariés fournissent un bon travail, nous estimons que le fruit de ce travail doit légitimement leur revenir en partie.

Décideurs. Avec le recul, diriez-vous que les valeurs du sport et de l’entrepreneuriat ont des points communs ?
O. S.
Bien évidemment, il s’agit d’avoir les mêmes qualités : beaucoup de travail, de l’entraînement et un véritable leadership pour manager les équipes. Finalement c’est à l’image d’un capitaine ou d’un coach pour un sport collectif. Toutes les valeurs du sport se retrouvent dans l’entrepreneuriat.

Décideurs. Applique-t-on les mêmes méthodes de management pour une entreprise et un club sportif ?
O. S.
Je suis complètement impliqué dans mon entreprise, alors que le club de foot correspond davantage au plaisir du week-end. Toutefois, la ligne stratégique du club, ainsi que le respect des budgets sont définis préalablement, et les collaborateurs s’y tiennent. J’estime que ce sont les mêmes logiques : il faut trouver son modèle, sa voie et s’y tenir. Il s’agit de respecter un certain nombre de valeurs, et pas seulement économiques. Cela reste vrai aussi bien dans le sport que dans l’entreprise. Si vous avez une ambition démesurée sans être parfaitement structuré, vous ne pourrez pas avancer.

Décideurs. Est-ce difficile de prendre du recul et de se réorganiser lorsque le TFC doit faire face à de moins bons résultats ?
O. S.
Selon moi, il s’agit de la même logique que celle qui s’articule autour de la prise de grandes décisions sur d’importants appels d’offres. Lorsque vous vous engagez, vous savez que les conséquences peuvent être sérieuses sur un horizon temporel de trois ans. On est sur la même problématique, il s’agit là encore de prendre les bonnes décisions, ce qui n’est pas chose aisée. Pour ce faire, il faut savoir s’entourer et écouter. Ensuite, on s’en tient aux décisions et à la stratégie définie.

Propos recueillis par Aurélien Florin et Thomas Marolleau

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