Cina Lawson, ministre des Postes et de l'Économie numérique au Togo explore les pistes d’une renaissance africaine. Rencontre.

Décideurs. Comment analysez-vous l'impact des "returnees" dans le développement des pays africains et sur le leadership africain ?

Cina Lawson. Ces « returnees », souvent diplômés des meilleures universités ou écoles d’Europe, d’Asie ou des Amériques et rompus au monde de l’entreprise, doivent servir de modèles pour la jeunesse africaine. C’est en partageant leur expérience acquise à l’étranger qu’ils motiveront davantage une jeunesse africaine en quête de repères et bien souvent dépourvue de perspectives. Les « returnees » pourraient être de nouveaux moteurs de la croissance africaine s’ils parviennent à encadrer, à accompagner et à structurer les projets de cette jeunesse qui ne demande qu’à mettre ses talents au service de son pays.

Décideurs. Quel regard portez-vous sur le marché africain de la high tech ? Existe-t-il un savoir-faire africain dans ce domaine ?

C. L. L’Afrique de la high tech est beaucoup plus innovante qu’on ne l’imagine, notamment en matière d’utilisation du mobile. L’exemple kenyan du mobile-banking M-Pesa, répliqué aujourd’hui dans d’autres parties du continent est éloquent. Il est épatant de constater tout ce qu’on arrive à réaliser avec la fameuse carte SIM. Elle permet de transférer de l’argent et de payer des factures, de voter aux élections dans certains pays ou, à l’instar du service de cartographie Ushahidi, de signaliser les abus de droits de l’homme ou les crises humanitaires. Mon pays a aussi mis à l’honneur Afate Gnikou, le créateur de la première imprimante 3D low cost, conçue à Lomé à partir de matériel de récupération.

Décideurs. Les secteurs d'investissement traditionnels (pétrole, gaz, mines,…) qui ont favorisé la croissance des pays africains sont en net recul aujourd’hui. Pensez-vous qu’il s’agit d’une tendance de fond ? L'émergence d'une classe moyenne modifie-t–elle certains rapports ?

C. L. Les industries extractives n’ont pas toujours aidé au développement de nos sociétés. Certains pays d’Afrique ont longtemps surfé sur la vague des matières premières, mais lorsque les cours du pétrole et du fer baissent, ces rentes disparaissent. Il nous faut absolument sortir de cette précarisation et rompre avec la pauvreté en favorisant l’entrepreneuriat, en nous insérant dans les chaînes de valeurs mondiales, et en misant sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les énergies renouvelables et l’agro-industrie.

Propos recueillis par André-Franck Ahoyo

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