Picard : croissance interne réussie
Avec une croissance annuelle moyenne de 7 % depuis 2005, une confiance élevée des créanciers et une clientèle conquise, le groupe français de surgelés poursuit son développement par croissance interne.
Le 21?octobre dernier, Lion Capital annonce avoir finalisé la reprise de Picard au fonds britannique BC Partners pour une valeur d’entreprise de 1,5?milliard d’euros. Malgré un marché de la dette LBO atone, l’opération, financée à plus de 60?% par de la dette bancaire et obligataire, offre la preuve de la confiance des créanciers et des marchés dans le business model de la société. Pour Philippe Jaegy, vice-président du cabinet de conseil Solving Efeso, «?sa croissance et ses profits sont réguliers. Picard résiste à la crise?». En atteste son chiffre d’affaires, en hausse de 41?% sur la période 2005-2010, ce qui correspond à un taux de croissance annuel moyen de 7?%.
L’enseigne préférée des Français
Comment l’expliquer ? En changeant la perception du surgelé, Picard a su créer un marché lucratif où elle profite d’une absence relative de concurrence. La firme a investi, à travers la maîtrise de son produit et de sa distribution, dans le développement d’une marque justifiant des tarifs élevés par rapport à ses concurrents. Picard véhicule en effet une image de qualité, d’innovation et de choix, proposant environ 1 150 références, contre 400 à 500 en hypermarchés, et introduisant 150 nouveaux produits par an, à comparer aux cinq de son concurrent Findus. Une stratégie payante, comme l’illustre l’étude de septembre?2010 du cabinet de conseil OC&C, mesurant «?la cote d’amour?» des entreprises auprès de leurs clients : l’entreprise est l’enseigne de distribution préférée des Français. Cette position de force est confirmée au niveau de son approvisionnement, car Picard représente un débouché essentiel pour l’ensemble de ses fournisseurs.
L’alimentaire de façon globale
Tout en cultivant cette image de qualité, Picard vise la fidélisation de ses clients au quotidien en améliorant sa «?part d’estomac?». S’il détient environ 19?% du marché du surgelé consommé à domicile, Picard envisage l’alimentaire de façon globale, voyant des concurrents potentiels aussi bien chez les supermarchés que chez les traiteurs et les boulangers. Le groupe investit donc à la fois dans son réseau de distribution, dans ses systèmes d’information et dans la diversification de sa gamme. L’idée est d’offrir des produits meilleur marché, plus simples et accessibles, sans pour autant nuire à l’image de qualité de la marque.
En parallèle, Picard compte se développer sur Internet, segment où il est déjà leader, mais qui ne contribue pour l’heure qu’à hauteur de 2?% de son chiffre d’affaires. Du côté de la croissance de son réseau national (823 magasins), encore trop lourdement concentré en Île-de-France, elle se poursuit au rythme soutenu d’une trentaine par an. Le parc potentiel est estimé à 1 100 magasins. Cette expansion s’accompagnera bientôt d’un ciblage géographique de l’offre, dont l’absence est soulignée par la rentabilité homogène des points de vente hexagonaux du groupe.
« Un Français consomme 37?kg de surgelés par an, contre 47?kg pour un Espagnol et 80?kg pour un Britannique?», commente Philippe Jaegy. Autant «?d’estomacs?» à conquérir.
L’international constitue un autre axe de développement pour Picard, dont la présence à l’étranger se limite pour l’instant à une trentaine de magasins en Italie. Grâce à Lion Capital, propriétaire de Findus en France, en Scandinavie et au Royaume-Uni, la firme dispose désormais de la plate-forme européenne qui lui faisait défaut, d’autant que l’investissement en magasins est peu consommateur de trésorerie. Des incursions seraient notamment prévues en Belgique et en Scandinavie, avec un ciblage géographique de l’offre. En Italie, la société revoit le modèle de ses magasins, mettant en place une offre de produits aux couleurs plus locales sur le modèle régional de la diversification de son offre en France.
La rançon du succès
C’est la rançon du succès : l’expansion de Picard soulève des problématiques de plus en plus complexes. Des questions stratégiques, aux réponses délicates, se profilent, telle celle de l’introduction d’un système de franchise qui pourrait présenter des risques pour la réputation de l’enseigne. Serait-il judicieux d’introduire des marques nationales ? À quel prix, et avec quelle marge ? Derrière cette interrogation se dessine celle, cruciale, du positionnement vis-à-vis des grandes surfaces.
Les chiffres clés
• Chiffre d’affaires annuel de 1,161 milliard d’euros fin juin 2010
• Ebe stable de 158 millions d’euros
• Environ 4 000 salariés
• 823 magasins
• Environ 19 % de part de marché du surgelé consommé à domicile
Photo : © Tael