2008 et 2009 auront marqué les acteu du financement immobilier comme une période de vaches maigres, dédiée au réaménagement de dette da la crainte d’une sauvegarde à la Cœur Défee. Mais cette sauvegarde n’est plus, aii en a décidé la Cour d’Appel de Paris. La donne a-t-elle changé ?

2008 et 2009 auront marqué les acteurs du financement immobilier comme une période de vaches maigres, dédiée au réaménagement de dette dans la crainte d’une sauvegarde à la Cœur Défense. Mais cette sauvegarde n’est plus, ainsi en a décidé la Cour d’Appel de Paris. La donne a-t-elle changé ?

Le financement de l’investissement immobilier a fondu comme peau de chagrin depuis 2007, sous l’effet combiné de la sévère contraction de l’offre de dette bancaire due à la crise financière et de la raréfaction des mutations immobilières due à l’incertaine évolution des valeurs de la pierre.


Marché atone en 2008-2009

Il n’y a certes pas pénurie de fonds propres à investir, mais l’effet de levier bancaire s’est amoindri. Le flux des CMBS ayant tari, les banques tributaires de la titrisation ont cessé de prêter ; d’autres, en proie à de cruels problèmes bilanciels, se sont retirées du secteur, et celles qui prêtent encore le font avec parcimonie. De surcroît, acheteurs et vendeurs potentiels se rencontrent difficilement sur les prix ; et malgré le nombre de crédits défaillants, il n’y pas encore assez de reprises d’actifs par les créanciers ou de ventes de créances décotées pour susciter un redémarrage significatif du marché.
La mode des deux années écoulées a donc plutôt été au réaménagement des prêts de la folle période 2005-2007, venant à échéance de 2010 à 2014. La crainte que la mise en recouvrement mène à une perte est bien sûr la motivation première du prêteur dans la recherche d’une solution consensuelle.

La plupart des prêts en difficulté le sont en effet parce que la décrue des valeurs déjà observée provoque mécaniquement un manquement au respect du ratio LTV convenu : du fait des niveaux de levier consentis en 2007 (jusqu’à 85 % et au-delà) et de la prévalence des prêts à remboursement in fine, il n’est pas rare qu’un ratio encours sur valeur atteigne désormais 100 %, voire plus. Si les défauts relatifs au ratio de couverture des intérêts (ICR) sont moins fréquents, ils existent néanmoins et le congé d’un seul locataire peut suffire à pousser l’ICR en deçà du plancher prescrit. Quand approche la maturité du prêt, il ne s’agit plus là de défaillances techniques à traiter par un simple « waiver », mais bien du reflet d’une réalité pressante : l’emprunteur ne peut céder l’actif sans perdre ses fonds propres ; ou pire, il ne peut le céder ni le refinancer à un niveau de prix ou d’effet de levier permettant le remboursement à l’échéance.


L’effet Cœur Défense

La hantise d’une procédure de sauvegarde a elle aussi influencé les banques, les investisseurs en difficulté ne s’étant pas privés d’en brandir le spectre. Il faut dire que la sauvegarde Cœur Défense ouverte en novembre 2008 a laissé chez les créanciers une amertume d’autant plus vive que les juridictions ont aussi initialement mis en échec la cession Dailly des loyers, puis permis l’adoption d’un plan de sauvegarde faisant application sélective des stipulations du prêt, sans en respecter les conditions, tout en laissant le principal à remBourser en dehors du plan d’apurement.
Le sentiment du prêteur à cet égard est que la sauvegarde se conçoit mal dans le cas d’une société dédiée, sans employés et ne produisant rien d’autre que les loyers d’un immeuble financé aux trois quarts par lui, seul créancier ; dans un tel schéma, la sauvegarde servirait surtout à préserver les intérêts de l’actionnaire au détriment du prêteur, alors même qu’il est naturel que l’actionnaire, qui contrairement au prêteur peut voir son profit croître avec la valeur du bien financé, subisse avant le prêteur toute perte due à la décroissance de cette valeur. Les seules issues que le prêteur conçoit donc sont le réaménagement consensuel, la reprise de l’actif par lui, ou la liquidation.
Du point de vue de l’emprunteur, surtout celui ne souffrant que de la dégradation supposée temporaire de la valeur de marché de l’immeuble, un plan de sauvegarde l’autorise à attendre que, par le double effet du retour à de meilleures valeurs de marché et de l’emploi des excédents trimestriels de trésorerie à la réduction graduelle de l’encours, le ratio LTV soit bientôt ramené sans casse inutile à un niveau permettant d’envisager sereinement une vente ou un refinancement ; ceci, tout en payant les intérêts, mais peut-être sans devoir accepter une marge bancaire accrue venant annuler en partie l’économie provenant de la réduction des taux de swap…


Coup de frein de la Cour d’Appel de Paris

Dans ce débat où aucun des arguments qui s’opposent n’est pleinement convaincant ni totalement inopérant, la Cour d’Appel de Paris vient de trancher, par des décisions qui retiendront l’attention, rendues le 25 février en des termes similaires non seulement dans l’affaire Cœur Défense, mais aussi dans une autre affaire n’ayant pas défrayé la chronique, indiquant ainsi que la position de la Cour n’est pas spécifique à la saga Cœur Défense, mais bien une position de principe. On en comprend que la Cour parisienne entend empêcher, du moins s’agissant de sociétés dédiées, qu’on fasse de la sauvegarde (et du juge) une simple arme de dissuasion aidant l’emprunteur à imposer unilatéralement un réaménagement qu’il ne pouvait obtenir par la négociation contractuelle ; elle le fait au moyen du surprenant argument selon lequel le risque de réalisation des sûretés à l’échéance n’est pas une difficulté insurmontable remettant en cause la pérennité de l’exploitation, car celle-ci peut alors continuer… dans la main d’un autre propriétaire (de l’immeuble ou de la société).

Mais, outre que la réalisation des hypothèques met bien fin à l’activité de la société dédiée, qui est la personne morale dont la demande de sauvegarde vise à permettre la survie, on note que la procédure offre à l’emprunteur industriel la même arme qu’à la société dédiée sans employés : il s’agit de retarder, en attendant meilleure fortune, l’exécution d’obligations valablement souscrites. Peut-être la motivation décisive, mais non exprimée, est-elle ici que l’imposition de délais aux créanciers n’est acceptable que si l’emploi est en jeu. Pourtant, on pourrait tout aussi bien soutenir que le changement de propriétaire d’une entreprise industrielle n’est pas en soi de nature à entraver la pérennité de son activité ou de ses emplois, et qu’ainsi la sauvegarde ne devrait pas plus lui être accordée si elle ne vise qu’à forcer la main du prêteur. Enfin, il n’est pas évident que l’argument central de la Cour, fondé sur l’absence de difficulté à poursuivre l’exploitation de l’actif lui-même, reste pertinent si les difficultés de l’emprunteur, non résolues, le mènent à la cessation des paiements et au redressement judiciaire. Sauf à ce qu’elle ait en vue de revenir à la situation antérieure à la loi de sauvegarde, où, en pratique, une société immobilière en cessation de paiement et sans employés allait tout droit la liquidation sans passer par la case redressement…


La cession Dailly renaît de ses cendres

Par ailleurs, ayant annulé l’ouverture de la sauvegarde, la Cour n’a pas eu à trancher le fond du litige sur la compatibilité des cessions Dailly avec cette procédure. On en reste donc au jugement du tribunal de commerce d’octobre 2009 confirmant leur opposabilité, mais qui semble avoir été en grande partie motivé par l’engagement du créancier de restituer à l’emprunteur la part des loyers requise pour le fonctionnement de l’immeuble. De fait, si l’on donne plein effet à la cession Dailly, la sauvegarde est impossible, ainsi que le redressement judiciaire, sauf à se reposer sur le bon sens du créancier qui ne voudra pas dégrader la valeur de l’actif en le privant des fonds nécessaires à son exploitation ; mais c’est bien lui et non plus l’emprunteur qui aura les cartes en main.
En effet, s’il ne peut imputer sur sa créance les sommes reçues des débiteurs cédés qu’au fur et à mesure de l’exigibilité de cette créance, qui se trouvera retardée par le plan de sauvegarde ou continuation, il peut toutefois conserver ces sommes, jouissant ainsi d’une influence considérable sur le sort de la procédure.


Après Cœur Défense

Il est prématuré d’en déduire que nous venons de rejoindre résolument le club des pays dits « creditor-friendly », tant les décisions judiciaires évoquées ici semblent aller à contrepied de la récente réforme de la sauvegarde, dont le législateur a nettement voulu étendre l’utilisation. Certes, les prêteurs mèneront dès aujourd’hui plus sereinement leurs négociations en cours pour le réaménagement de la masse des prêts immobiliers venant bientôt à échéance.
Mais gageons aussi que le microcosme du financement de l’investissement immobilier aura tiré les leçons de Cœur Défense, et que les crédits nouvellement octroyés, que l’on voit plus nombreux en ce début 2010, seront conçus de sorte à mieux prémunir le prêteur de l’éventualité d’une sauvegarde, notamment celle visant à protéger la holding de l’emprunteur du recours sur les titres sociaux de celui-ci donnés en nantissement.
 

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