Nommé fin 2014, David Yana présente le management "à la Google".
Décideurs. En tant que nouveau DRH pour la France, avez-vous été surpris de certaines innovations ou initiatives mises en place chez Google ?

David Yana.
Ce qui m’a agréablement surpris, c’est le niveau de maturité des ressources humaines. De l’organisation de la fonction à son niveau de service, tout est extrêmement bien conçu. On sent que les ressources humaines ne sont pas une fonction juste « nécessaire ». Les responsables RH sont de véritables partenaires du management de Google ainsi que des collaborateurs qu’il gère véritablement comme des clients. Notre objectif : les accompagner dans la réalisation de leurs enjeux stratégiques. L’autre point fort est que nous avons industrialisé dans la mesure du possible les aspects administratifs pour nous concentrer uniquement sur les tâches à valeur ajoutée telles que la gestion des talents. De même la culture de Google est très marquée par le côté collaboratif, ce qui se sent dans nos relations avec les représentants du personnel. Notre démarche avec eux s’inscrit dans une logique de partenariat et de confiance.

Décideurs. Quelles sont les caractéristiques du management « à la Google » ?

D. Y.
Les fondateurs de Google (Larry Page et Sergey Brin) ont toujours prôné un modèle hiérarchique relativement plat où le collaborateur est au centre de l’organisation, et non le manager. Le management doit donc être « bienveillant » et accompagne le collaborateur plus qu’il ne le dirige. Le postulat est que chacun est responsable de sa carrière. De même c’est au collaborateur d’organiser son travail. À nous de mettre à sa disposition l’environnement et les moyens dont il a besoin. Je pense que c’est un système qui fonctionne bien. En effet, nous avons une enquête annuelle qui vise à comprendre comment les collaborateurs vivent cette stratégie et les résultats sont très positifs. La relation entre managers et collaborateurs, qui s’évaluent mutuellement, est fondamentale dans ce dispositif.

Décideurs. La moyenne d’âge est assez jeune chez Google. Comment conserve-t-on les talents de la nouvelle génération ?

D. Y.
La nouvelle génération aspire à plus de responsabilités, elle veut être jugée au résultat et cherche à apprendre toujours plus de son métier. Ils ont une relation au travail beaucoup plus exigeante et leurs demandes d’évolution sont constantes, que ce soit autour de nouveaux produits ou de nouveaux métiers. Google innove constamment, ce qui nous permet de proposer régulièrement aux collaborateurs des évolutions vers d'autres projets, d'autres métiers ou d'autres pays. La mobilité est extrêmement forte chez Google, ce qui contribue grandement à la motivation et à la fidélisation des talents.

Décideurs. Au-delà du management, il existe une culture « Google » bien spécifique. Comment la qualifieriez-vous ?

D. Y.
Google a été conçu comme une entreprise non conventionnelle depuis ses débuts. Les fondateurs ont toujours accordé beaucoup d’importance à la liberté d’expression, à la culture du débat, au travail en équipes. Chez Google, nous pensons que l’innovation et la créativité peuvent émaner de partout et à tout moment, à condition qu’on laisse un espace d’expression et qu’on les stimule. Tous les espaces de travail ont été conçus dans cet optique, afin de favoriser les échanges, les rencontres et la circulation des idées, tant à la salle de jeux qu’à la bibliothèque ou à la cafeteria. Il y a très peu de bureaux individuels, les managers travaillent au milieu de leurs équipes. Nous plaçons le salarié au cœur de l’entreprise comme nous plaçons l’utilisateur au cœur de nos produits. Nous testons les produits en interne et les milliers de salariés de Google donnent leur avis sur les fonctionnalités qui pourraient être améliorées ou ajoutées. Chaque salarié co-construit les produits et l’entreprise d’une façon générale grâce à une grande transparence et une réelle liberté d’expression. Ce sont les valeurs clés de la marque Google, qui font partie de notre ADN.

Décideurs. Quels sont vos principaux enjeux pour les années à venir ?

D. Y.
Spontanément, je dirais recruter les meilleurs talents. Mais il est un défi de taille qui attend tous les DRH : la digitalisation de l’entreprise. Google est un acteur majeur du digital sur le marché et notre succès passe par cette transformation. Nous devons donc faire en sorte que nos collaborateurs accompagnent nos clients dans leur transformation digitale. Pour cela, nous devons recruter des généralistes (et pas seulement des experts) capables de comprendre et d’accompagner les mutations de nos clients et de s’adapter à un marché en perpétuelle évolution.

Décideurs. Quelles actions sont menées en matière de diversité ?

D. Y.
Nous sommes particulièrement attentifs à la parité homme-femme. Globalement, un programme vise à s’assurer de la diversité du management et des équipes. Nous soutenons des initiatives internes menées et animées par les collaborateurs comme Women@Google : ce groupe organise des rencontres pour développer le réseau féminin interne, mais également des conférences avec des personnalités extérieures. Le handicap est également un sujet qui nous préoccupe, particulièrement l’accès au poste de travail. Enfin, les seniors sont un vrai sujet car bien que les métiers du digital soient mieux connus des jeunes ils ne leur sont pas réservés ! Plus largement, nous nous appliquons à faire prendre conscience à l’ensemble de nos collaborateurs que la diversité doit se vivre au quotidien, que nous sommes tous sujets à des biais inhérents à notre vécu, et que nous devons donc lutter contre ces stéréotypes.

Propos recueillis par Julie Atlan

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