Par Patrice de Candé, Julien Blanchard et Claire Ducamp, associés. Candé-Blanchard- Ducamp
Innovation majeure de la loi de 2007 contre la contrefaçon, la procédure de «?droit à l’information?» a soulevé certaines difficultés quant à la définition exacte de son objet et ses modalités de mise en œuvre. Ces incertitudes sont aujourd’hui levées au regard de la jurisprudence la plus récente et de la loi du 11?mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon.

Le droit à l’information figure au nombre des moyens de preuve offerts à la victime d’actes de contrefaçon par la Directive 2004/48 dont l’article 8 faisait obligation aux États membres de veiller «?à ce que, dans le cadre d'une action relative à une atteinte à un droit de propriété intellectuelle… les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que des informations sur l'origine et les réseaux de distribution des marchandises ou des services qui portent atteinte à un droit de propriété intellectuelle soient fournies par le contrevenant?». La loi du 29?octobre 2007, transposant cette Directive, a inséré dans le Code de la propriété intellectuelle une procédure spécifique commune à tous les droits de propriété intellectuelle et industrielle et prévoyant que «?la juridiction saisie d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits contrefaisants ou qui fournit des services utilisés dans des activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services?».

Le droit à l’information peut être mis en œuvre avant un jugement sur le fond
Dès l’entrée en vigueur de cette nouvelle disposition (figurant par exemple pour les marques à l’article L 716-7-1 du Code de la propriété intellectuelle), s’est notamment posée la question de savoir à quel stade de la procédure ce droit pouvait être mis en œuvre (avant ou après la reconnaissance de la contrefaçon par le Juge statuant au fond) et ce essentiellement en raison de la rédaction du texte évoquant la «?distribution des produits contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur?». Par arrêt du 13 décembre 2011, la Cour de cassation a tranché la question de manière assez sèche, jugeant «?que les dispositions de l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle permettent au juge de la mise en état d'ordonner les mesures qu'il prévoit, avant toute décision sur la matérialité de la contrefaçon?». La loi n°?2014-315 du 11?mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon parachève cette clarification en remplaçant simplement les termes «?produits contrefaisants?» par «?argués de contrefaçon?». Plus encore, elle précise que la procédure pourra être engagée devant la juridiction saisie au fond, ou en référé.

Le droit à l’information : moyen utile d’évaluation du préjudice
Il s’est également agi de déterminer si le droit à l’information pouvait être mis en œuvre afin de permettre au demandeur à l’action en contrefaçon de déterminer l’étendue de son préjudice, par exemple en cas de saisie-contrefaçon infructueuse. Certaines décisions (notamment TGI Paris, 25 mars 2011), effectuant une interprétation littérale du texte avaient considéré que tel n’était pas le cas, l’objet du droit à l’information se trouvant ainsi limité à la recherche de l’origine des produits et d’informations quant à leur réseau de distribution. Très clairement, la Cour de cassation, par arrêt du 8 octobre 2013 (pourvoi n° 12-23349) a jugé au sujet de l’article L 521-5 du Code de la propriété intellectuelle (relatif au droit à l’information dans le domaine des dessins et modèles) « qu'il résulte de ce texte que la juridiction saisie au fond d'une action en contrefaçon peut, au terme d'une procédure contradictoire, ordonner au défendeur de produire des informations et éléments, de nature commerciale ou comptable, susceptibles de permettre au titulaire du dessin ou modèle, qui a rapporté par ailleurs la preuve de la contrefaçon alléguée, de déterminer l'origine et l'étendue de la contrefaçon et de parfaire ses demandes?». La Cour de cassation retient que cette procédure, en ce qu’elle permet à la victime de parfaire ses demandes, a notamment pour objet de permettre à cette dernière d’évaluer avec précision son préjudice.
Un doute demeurait également quant à la possibilité de faire jouer le droit à l’information en l’absence de saisie-contrefaçon préalable à l’engagement de la procédure. Sur ce point, la loi du 11 mars 2014 lève l’incertitude en ajoutant à chaque article concerné du CPI cette mention claire : «?La juridiction peut ordonner, d’office ou à la demande de toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, toutes les mesures d’instruction légalement admissibles même si une saisie-contrefaçon n’a pas préalablement été ordonnée?».

Le type d’informations demandées n’est pas limité
Concernant enfin la nature des informations et documents pouvant être obtenus, ceux-ci, au regard du texte initial issu de la loi de 2007 semblait être précisément limité aux «?a) Les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits ou services, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ; b) Les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les produits ou services en cause?». La réforme de 2014 opère une clarification par la suppression de ce libellé.
Il conviendra à l’avenir de se rappeler les termes du rapport parlementaire selon lequel «?l'article 3, vise à clarifier la procédure du droit à l'information. Plus précisément, il s'agit de : - clarifier le fait que le droit à l'information peut être mis en œuvre avant la condamnation au fond pour contrefaçon, y compris par le juge des référés ; - prévoir que la liste des documents ou informations susceptibles d'être ordonnés par le juge dans le cadre du droit à l'information n'a pas de caractère exhaustif?».
Il faut espérer que ce texte permettra d’améliorer effectivement la lutte contre les atteintes aux différents types de droits de propriété intellectuelle.

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