Depuis sa prise de contrôle de Vivendi, Vincent Bolloré est entré dans une nouvelle dimension. Au point de détrôner Bernard Arnault de sa place de numéro un en France ?

1- Fortune : Bernard Arnault

 

Selon le classement 2015 de Challenges, Bernard Arnault et sa famille disposent, avec 34,7 milliards d’euros, de la plus grande fortune française. En progression de 29 % sur un an, il distance un peu plus son rival. La richesse de Vincent Bolloré est quant à elle estimée à 11,1 milliards d’euros, soit une hausse de 11 % par rapport à 2014 qui le place en dixième position au niveau hexagonal. En cinq ans, l’homme d’affaires breton, a néanmoins réussi à tripler sa fortune. Bernard Arnault est prévenu.

 

2- Groupes : Bernard Arnault

 

En 1987, Bernard Arnault profite du krack boursier pour monter au capital de LVMH, le tout nouveau groupe de luxe issu de la fusion de Moët Hennessy et du groupe Louis Vuitton. L'année suivante, la guerre interne entre les deux coprésidents Henry Racamier  (Louis Vuitton) et Alain Chevalier (Moët Hennessy) lui permet de renforcer son pouvoir avant de lancer une OPA en juillet 1988. Après être devenu le premier actionnaire, il devient actionnaire majoritaire en janvier 1989 avec l'aide de la banque Lazard et du Crédit lyonnais. Depuis, Bernard Arnault a fait de LVMH une réussite française à l’international. En onze ans, la valeur du groupe a été multipliée par quinze. En 2014, les ventes du groupe de luxe ont progressé de 5,5 % pour atteindre 30,6 milliards d’euros et son résultat opérationnel s’est élevé à 5,7 milliards d’euros. Mieux encore, sa valorisation boursière a augmenté de dix milliards d’euros en 2014. De son côté Vincent Bolloré a construit un conglomérat centré sur le transport, la logistique et, depuis peu, les médias. Son groupe est présent dans 152 pays et emploie 55 000 personnes. En 2014, il a réalisé un chiffre d’affaires de 10,6 milliards d’euros, soit une baisse de 2,3 % sur un an. Ce recul s’explique par la chute de 15 % de l’activité logistique pétrolière, fortement impactée par la chute du prix du pétrole. Malgré cette contre-performance, le groupe affiche un résultat opérationnel de 650 millions d’euros, en hausse de 7 %. 

 

3- Modèle : match nul

 

Pour monter leur fortune, les deux hommes d’affaires ont utilisé la même formule : beaucoup de montages financiers et un sens des affaires hors du commun. Pour la partie finance, ils ont d’ailleurs tous les deux fait appel à Antoine Bernheim, banquier à l’origine de ce que Vincent Bolloré aime appeler « les poulies bretonnes ». Le principe ? Un système de holding en cascade qui permet à l’actionnaire de tête de contrôler un empire avec une mise de fonds réduite. Côté business, ils ont su réorganiser des sociétés en faillite et construire des groupes internationaux. En 1981, Vincent Bolloré reprend avec son frère Michel-Yves la papeterie familiale OCB. Pour faire face aux difficultés financières, il recentre les activités du groupe sur les sachets de thé, délaissant la papeterie. En 1984, Bernard Arnault investit 90 millions de francs pour racheter la Financière Agache. Une opération qui lui permet surtout de prendre les rênes du groupe Boussac qui détient notamment Christian Dior, Le Bon Marché et Conforama. Depuis les années 1970, le groupe connaît des difficultés financières. Au vu des enjeux en termes d’emploi, les gouvernements français successifs ont versé près d’un milliard de francs d’aides et de subventions entre 1982 et 1985. Sans compter les abandons de créances des banques pour un montant similaire. Contrairement à ses promesses, Bernard Arnault restructure les activités qui ne l'intéressent pas, notamment le textile revendu au groupe Prouvost et Conforama à son rival PPR. En 1987, Bernard Arnault se retrouve alors avec un groupe valant huit milliards de francs en Bourse.

 

4- Influence : Bolloré

 

Niveau communication, les deux hommes d’affaires ont des styles bien différents. En 2007, Vincent Bolloré n’hésite pas à mettre à la disposition de Nicolas Sarkozy, tout juste élu président, son jet privé et son yacht. Plus discret, Bernard Arnault soigne aussi son réseau. En 1996, il est ainsi témoin du mariage de Cécilia et Nicolas Sarkozy et le soir de l’élection présidentielle de 2007, il fait partie des invités du Fouquet's. La présence de Vincent Bolloré dans les médias lui donne également un avantage certain. Lors du lancement de l’Autolib à Paris, il n’a pas hésité à utiliser Direct Matin pour faire des articles élogieux sur ce nouveau service. Son arrivée au capital de Vivendi et de Canal + le font entrer dans une nouvelle dimension. En juillet 2015, il interdit la diffusion du documentaire Évasion fiscale, une affaire française, sur la chaîne cryptée. Consacré aux pratiques de fraude fiscale, le documentaire s’attarde un peu trop sur le Crédit mutuel, principale banque du groupe Vivendi. Côté politique, Vincent Bolloré réalise ses alliances au gré des contrats. Après s’être montré pro-Sarkozy, il n’hésite pas en septembre 2013 à annoncer qu'il votera pour la candidate PS Anne Hidalgo lors des élections municipales de 2014. Un échange de bons procédés après que Bertrand Delanoë ait permis la mise en place du service de voitures électriques dont Vincent Bolloré est actionnaire. Bernard Arnault n’est pas en reste : lors de l’inauguration de sa fondation Louis Vuitton, François Hollande avait fait le déplacement.

 

5- Succession : match nul

 

Si les deux hommes ont tous les deux réussi à construire des empires, ils comptent bien passer à la postérité. Bernard Arnault a créé une fondation de droit belge, Protectinvest, chargée d’assurer la cohésion familiale jusqu’en 2023. Dans le même temps, il place ses enfants à des postes stratégiques. Sa fille, Delphine, fait partie de l’état-major de Louis Vuitton tandis que son fils, Antoine, dirige Berluti. Bolloré n’est pas en reste. Havas, dont il possède 60 %, est sous la direction de son fils Yannick. Son autre enfant, Cyrille, mène les activités transport et logistique du groupe.

 

Résultat : Bernard Arnault : 4 – Vincent Bolloré : 3

 

Si les deux hommes ont bâti un empire dans des secteurs différents, leurs méthodes demeurent très proches. En revanche, niveau style, tout les oppose. Alors que Bernard Arnault préfère rester dans l’ombre, Vincent Bolloré n’hésite pas à faire parler de lui, même s’il cela ne lui fait pas toujours une bonne publicité. Saura-t-il résister à la pression pour concurrencer Bernard Arnault dans la durée ?

 

V. P.

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