Depuis le début de la crise, la guerre des prix fait rage entre les enseignes de la grande distribution. Face au recul des ventes alimentaires de 0,8 % en 2014, Carrefour et Leclerc misent sur des stratégies distinctes pour gagner des parts de marché.

1 – Activité : Carrefour

En 2014, Carrefour affiche au niveau mondial un chiffre d’affaires hors carburant en croissance de 3,9 %. Il s’établit ainsi à 84 milliards d’euros contre seulement 37 milliards pour son concurrent, en hausse de 1,4 % par rapport à l’année précédente. Sur le marché français, l’écart est plus ténu puisque Carrefour a réalisé un CA de 39,7 milliards d’euros, en hausse de 1,2 %, contre 34,5 milliards d’euros pour Leclerc (+1,8 %). Seul motif de satisfaction pour ce dernier : en septembre, le groupement coopératif a gagné des parts de marché à hauteur de 1,3 point de bases, regroupant 20,6 % des achats alimentaires. C’est 17 % de plus qu’il y a dix ans. Les hypermarchés Carrefour, quant à eux, se maintiennent à 21,7 % des parts de marché.

 

En nombre de magasins, là encore, Leclerc ne fait pas le poids : la firme compte 2 862 enseignes contre 10 860 pour Carrefour. Même rapport de force sur le nombre d’employés : Carrefour en comptait 381 227 fin 2014 contre 105 000 personnes pour Leclerc.

 

2 – Positionnement : Carrefour

L’entreprise fondée à Annecy en 1960 par Marcel Fournier poursuit, de fait, une stratégie plus traditionnelle que celle des magasins Leclerc. Ces derniers ont été structurés comme un groupement coopératif. Comptant aujourd’hui 474 adhérents, il repose sur trois principes : vendre au prix le plus bas, distribuer 25 % de son bénéfice aux collaborateurs et participer bénévolement à la gestion des outils collectifs du mouvement. Autre point de différenciation, sa stratégie de diversification : entre l’optique, les loisirs et ses sociétés spécialisées dans l’immobilier à international (Sofilec) ou les arts de la table (Veralec), le groupe propose une offre originale. Ce sont en tout 1 542 enseignes spécialisées, qui représentaient 10 % du chiffre d’affaires du groupe en 2014. Carrefour mise, lui, sur les hypermarchés traditionnels. La firme a racheté 500 Coop en Alsace et 800 magasins Dia pour renforcer son réseau. L’entreprise compte aussi 6 111 magasins de proximité (Express, Montagne, City…) et 175 enseignes Cash & Carry, spécialistes des prix de gros.

 

Si Leclerc gagne des parts de marché en France, la stratégie de Carrefour pariant sur un effet de volume est plus adaptée au marché. Un constat qui ne fait pourtant pas peur au groupe né à Landerneau : le « Mouvement » a annoncé son intention d’investir un milliard d’euros sur trois ans pour le digital et des rénovations. Malheureusement, ce montant est plus que moitié moindre que les 2,5 milliards d’euros que compte mettre Georges Plassat sur la table en 2015.

 

3 – Prix : Leclerc

Le P-DG de Carrefour déclarait le 4 novembre dernier au Figaro : «  La guerre des prix fragilise l’emploi et se termine sur des ruines. » De fait, depuis le début de la crise, les distributeurs se livrent une bataille acharnée : en 2014, les prix baissaient de 1,3 % sur ce marché de 85 milliards d’euros. Cette guerre est risquée pour de nombreux acteurs. Leclerc se présente comme le distributeur le moins cher avec son slogan : «vous savez que vous achetez moins cher ». Ses seize centrales d’achats régionales négocient les prix et fournissent 60 % des stocks des enseignes. Cela lui a permis d’atteindre un panier moyen de 295 euros en 2014. Pour Carrefour, l’addition est plus salée, à 311 euros. Le groupe a signé un accord de coopération avec Cora–Supermarchés Match, fin 2014, pour négocier ses prix auprès des fournisseurs. Si certains prévoient la remontée imminente des prix, celle-ci pourrait intervenir après que certains y auront laissé des plumes.

 

4 – E-commerce : Leclerc

Pour faire face à ses concurrents, Leclerc accélère sur Internet et surtout dans le « drive ». Le groupe a ainsi équipé 93 % de son parc d’hypermarchés de services drive. Il avait en tout 557 points de retrait en 2014, soit 44,5 % des parts de ce marché en France. Mais ces services ne sont pas si rentables, ils représentaient seulement 5,5 % de son chiffre d’affaires en 2014, soit 1,9 milliard d’euros. Ils étaient néanmoins en croissance de 32 %. De son côté, Carrefour avait 440 drives intégrés à ses magasins en 2014. Elle a néanmoins accéléré dans le « drive piéton », appelé « click and collect », en l’intégrant à 600 points de vente fin 2014. Sur Internet, Leclerc est dans le top des sites d’e-commerce avec 5,5 millions de visiteurs uniques par mois pour un chiffre d’affaires de soixante millions d’euros. Carrefour ne communique pas sur son résultat online mais annonce quand même 8,5 millions de visiteurs uniques par mois en décembre 2014. Ce dernier tente par ailleurs de monter en puissance sur le Web avec le rachat de Rue du commerce qui devrait être bouclé début 2016.

 

5 – International : Carrefour

Sa stratégie, Carrefour la concentre sur l’international. Le « reste du monde » représentait 52 % de ses revenus en 2014, soit 44,3 milliards d’euros, en croissance de 5,9 %. Avec 840 magasins en Amérique latine, 4 711 points de vente en Europe hors France et 396 en Asie, Carrefour est un géant de la distribution mondiale. E. Leclerc n’avait que 123 magasins à l’étranger en 2014 dont 40 en Pologne, 41 en Italie et 18 en Espagne. Avec 2,5 milliards d’euros de recettes hors de l’Hexagone en 2014, le groupe délaisse même l’international : c’est moins qu’en 2010 lorsque ces magasins lui rapportaient 2,4 milliards d’euros, soit 7,7 % de son chiffre d’affaires.

 

Conclusion : Carrefour : 3 – Leclerc : 2

Alors que Carrefour se concentre sur les pays émergents comme le Brésil, Leclerc tente de faire une percée en France avec le drive et une stratégie de prix bas. Résultat des courses : Leclerc grignote quelques parts de marché mais Carrefour, du fait de sa taille, mène toujours la danse. Côté responsabilité sociétale des entreprises, les deux géants de la distribution tentent également d’améliorer leur image. En 2014, les banques alimentaires ont collecté 34 000 tonnes de nourriture auprès de diverses enseignes, dont Leclerc et Carrefour, ce dernier fournissait à lui seul près d’un tiers des dons.

 

Sophia Sanni Soulé

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