La France n’a pas encore adapté son modèle social à la nouvelle société que dessine la révolution numérique. Un avertissement lancé par le fondateur de l’accélérateur de start-up dans un essai qu’il vient de publier pour Terra Nova.

 « Notre conception de la richesse des nations est dépassée. » C’est le constat sans appel dressé par Nicolas Colin, l’un des meilleurs spécialistes de l’économie numérique en France. Dans un essai commandé par le think tank Terra Nova et intitulé La Richesse des nations après la révolution numérique en référence à l’ouvrage d’Adam Smith, il étudie les conséquences des transformations structurelles à l’œuvre sur le modèle social, « une organisation héritée du fordisme ». Pour lui, aucun doute possible, il faudra tôt ou tard le réformer en profondeur.

 

« La France est prisonnière de son excellence fordiste »

 

« L’idée centrale sur laquelle repose le livre est que les modèles économiques engendrent les modèles sociaux », synthétise Thierry Pech, le directeur du laboratoire d’idées proche du parti socialiste. « Nous sommes comme dans les années 1930, au moment où la France a dû réformer son modèle social pour l’adapter à l’économie industrielle », explique Nicolas Colin.

 

Un véritable défi pour le pays, « prisonnier de son excellence fordiste », estime-t-il. « Mon livre est à la fois pessimiste et optimiste. Pessimiste car la France est en retard. Les inégalités générées par le numérique augmentent très vite et les conséquences sur l’emploi sont encore néfastes. Optimiste car la crise de l’économie industrielle dure depuis trente ans et les citoyens comprennent l’urgence de nouvelles réponses. Nous commençons à voir plus clairement vers quel paradigme nous mène la transition numérique. »

 

« Réallouer notre épargne vers les entreprises innovantes »

 

« Il y a un grand potentiel progressiste dans l’économie digitale », s’enthousiasme Thierry Pech. Et l’énarque Nicolas Colin de préciser que « la société numérique n’est ni de droite ni de gauche ». Pour le fondateur de l’accélérateur de start-up TheFamily, qui a aussi écrit pour l’Institut Montaigne, il n’y a pas de solutions toutes faites mais trois domaines doivent être mis à jour en priorité.

 

Premièrement, le financement de l’économie. « Nous devons trouver les moyens de réallouer notre épargne vers les entreprises innovantes », écrit-il. Le cadre juridique, ensuite. « Réglementations sectorielles, droit des faillites, droit international… », ces systèmes appréhendent encore difficilement l’innovation, l’économie collaborative et la singularité des start-up, « des entités juridiques en quête d’un modèle d’affaires ». Troisième point enfin, la protection sociale, « incontournable puisqu’elle représente près de 33 % de notre PIB ». Pour cet ancien de l’inspection générale des finances publiques, la fragilité des entreprises du numérique et l’évolution des formes du salariat obligent à repenser nos mécanismes de solidarité tout comme le financement des retraites.

 

Si l’intellectuel et entrepreneur ne fait pas de proposition de réforme concrète, les champs de réflexion détaillés dans le livre sont vastes. Comme le précise la présentation de la collection « Positions » dans laquelle Terra Nova fait paraître l’essai, « l’objectif est d’éclairer les enjeux de long terme ».

 

JHF

 

Référence :

Nicolas Colin, La Richesse des nations après la révolution numérique, Terra Nova, Coll. Positions, Paris, 2015, 96 pages.

Disponible en intégralité sur le site de Terra Nova.

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