Dans un marché en perte de vitesse, le créateur du Whopper passe à l’attaque en achetant Quick. L’opération permet à l’enseigne de devenir le numéro deux français de la restauration rapide. Son ambition cachée : faire de l’ombre au géant McDonald’s.

Cinq ans après sa première tentative, Qualium Investissement a enfin réussi à trouver un repreneur pour Quick?: le fonds est en effet entré en négociations exclusives avec le Groupe Bertrand. Ce spécialiste de la restauration rapide est notamment actionnaire majoritaire de Burger King France, une joint-venture détenant l’exploitation de la franchise au niveau mondial. Une revanche pour l’enseigne d’origine canadienne détenue par le fonds 3G Capital, qui, en raison de la concurrence de McDonald’s et de Quick, avait dû se retirer du marché français en 1997. Si le montant de l’opération n’a pas été officialisé, plusieurs sources proches du dossier évoquent un prix compris entre 600?millions et 650?millions d’euros. Une autre source évoque par ailleurs un montant supérieur à 700?millions d’euros.

 

Projet industriel

 

Une somme qui permet tout juste à Qualium Investissement de rentrer dans ses frais. En 2007, le fonds, alors dénommé CDC Investissement, achetait 94?% du capital de Quick en versant 730?millions d’euros à la Compagnie nationale à portefeuille (CNP), société appartenant à l’homme d’affaires Albert Frère. La valorisation actuelle peut d’autant plus surprendre qu’entre 2007 et 2014 le chiffre d’affaires de la chaîne de fast-food a progressé de 135?millions d’euros pour légèrement dépasser un milliard d’euros l’année dernière. Mais, pour une source proche du dossier, c’est plutôt le prix de 2007 qui pose problème?: «?Le fonds a largement surestimé le potentiel de croissance de Quick.?» Un montant trop élevé qui expliquerait les échecs rencontrés lorsqu’il avait voulu le vendre en 2010 et en 2013.

 

Pour autant, Qualium Investissement sauve sa mise puisqu’il avait déjà récupéré 80?% du capital initialement injecté grâce à la recapitalisation high-yield du restaurateur réalisée en 2014, un an seulement après avoir prolongé la maturité de sa dette à l’issue de la procédure de conciliation. Les bons résultats de Quick enregistrés en 2013 lui avaient permis de lever 595?millions d’euros. D’une échéance de cinq ans, la levée de fonds qui se répartissait entre 440?millions d’euros d’obligations seniors et 155?millions d’euros d’obligations juniors lui donnait aussi l’occasion d’allonger de nouveau la maturité de sa dette. Autre avantage de l’opération, les deux tranches reposaient sur un coupon à taux variable, ce qui donnait à Quick plus de flexibilité en cas de remboursement anticipé. 

 

Conscient de ce succès, Qualium décide alors de repartir à la vente et mandate Goldman Sachs et Rothschild pour conduire les négociations. Outre le Groupe Bertrand, trois fonds d’investissement montrent leur intérêt?: Oaktree, EQT Partners et TDR Capital. Le premier formule une offre inférieure au montant de la dette tandis que le second ne fait aucune proposition concrète. Seul le dernier fonds envisage de verser un montant supérieur à celui du Groupe Bertrand mais il ne fera pas d’offre ferme.

 

Au-delà du prix, c’est surtout le projet industriel présenté qui convainc les vendeurs. Et les dirigeants qui détiennent 6?% du capital ne sont pas les seuls à être séduits. «?Pour les franchisés, l’offre de Burger King est une solution industrielle qui fait sens. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’ils ont adoubé l’offre?», estime Laurent Baril, associé gérant chez Rothschild et conseil de Qualium Investissement sur l’opération. Les syndicats non plus ne s’opposent pas à l’opération. «?Les conflits sociaux viennent des cas où il y a des activités qui se recoupent. Or, Burger King n’est que peu implanté en France?», explique Laurent Baril. Ainsi, sur les cinq cents magasins détenus par Quick, seulement une dizaine se situe à proximité d’un Burger King. «?Un nombre négligeable au vu de la taille de l’opération?», assure un acteur du dossier.

 

Numéro 2

 

Seules complications, l’analyse des filiales et les accords nécessaires pour l’aménagement des emprunts obligataires existants. «?Il y a eu un gros travail d’audit sur l’ensemble du groupe Quick?», témoigne Christophe Gaschin, associé chez Olswang et conseil du Groupe Bertrand lors de l’opération. Quant aux investisseurs de l’émission obligataire, les prévisions de croissance ont fini de les convaincre. «?Nous avons réussi à maintenir le financement obligataire existant en place?», s’enthousiasme Laurent Baril. Un dossier qui aura finalement nécessité près de six mois de travail avant de se lancer dans une négociation exclusive. «?Au total, nous avons mobilisé une équipe de quatorze avocats sur ce dossier?», précise Christophe Gaschin.

 

Le rapprochement de Quick et Burger King donnera naissance au deuxième acteur français de la restauration rapide derrière McDonald’s et ses 1?285 points de vente. L’accord prévoit que les restaurants Quick situés en France passeraient progressivement sous la marque Burger King, tandis que ceux localisés en Belgique, au Luxembourg, en Tunisie et en Turquie resteraient sous la marque Quick. Du côté de Burger King, on préfère rester prudent en rappelant que l’opération est soumise à l’avis des représentants du personnel et au feu vert des autorités de concurrence. De son côté, le Groupe Bertrand souhaite finaliser le rachat avant la fin de l’année afin de commencer les changements d’enseigne dès 2016. «?C’est un objectif tout à fait réalisable. Les deux parties ont montré leur volonté de faire avancer rapidement les négociations?», commente Christophe Gaschin. Seul le délai pour l’obtention du changement d’émetteur des obligations pourrait entraîner un retard. «?Une démarche purement juridique qui peut prendre du temps?», insiste un acteur du dossier.

 

Si Burger King veut faire vite, c’est que ses ambitions sur le sol français sont grandes. Après avoir ouvert timidement deux magasins en 2012, le restaurant a accéléré le rythme. En 2014, il indiquait déjà réaliser un chiffre d’affaires de cent millions d’euros avec seulement vingt et un magasins. Au total, l’enseigne au célèbre Whopper a créé 2?000 emplois en 2014 dans l’Hexagone et prévoit de recruter 4?000 personnes en CDI pour 2015. Avant l’opération, Burger King espérait atteindre 20?% de part de marché en 2023. L’acquisition de Quick lui permet donc de gagner huit ans sur ses anticipations.

 

Transition des enseignes

 

Un gain de temps précieux dans un marché en perte de vitesse. À nombre de magasins constants, les ventes sont en léger recul en 2014. «?Le retour rapide de Burger King et cette opération montrent bien que le secteur de la restauration rapide a su rester dynamique malgré la crise?», estime néanmoins Dominique Bénézet, délégué général du Syndicat national de l’alimentation de la restauration rapide (Snarr). En prenant en compte les ouvertures de lieux de vente, les chiffres lui donnent raison?: la croissance du secteur s’élève alors à 2,5?%. Une progression qui se traduit par des recrutements. «?Chaque année, cela représente plus de 5?000 créations nettes d’emplois?», complète-t-il. Pour autant, tout n’est pas rose. Après avoir profité de la crise, en voyant les clients des restaurants moyen de gamme se rabattre vers eux, les fast-foods subissent à leur tour la réduction de dépenses des consommateurs. «?En soirée et en week-end, les restaurateurs doivent faire face à la nouvelle concurrence des produits du réfrigérateur ou du congélateur domestique?», nuance Dominique Bénézet.

 

Un phénomène qui ne semble pas perturber plus que ça Burger King. En dehors de cette acquisition, le nouveau géant du hamburger souhaite ouvrir une vingtaine de magasins. Pour y arriver, il compte faire passer sa part de franchisés à 30?%. De quoi faire peur au géant McDonald’s et à ses quatre milliards d’euros de chiffre d’affaires?? Pas sûr. «?Burger King doit faire attention à l’effet de mode. Lors de l’ouverture d’un magasin, son chiffre d’affaires est bien souvent supérieur à celui des années suivantes, prévient un proche du dossier. Pour passer le cap, il lui faudra construire sa marque dans la durée.?» La transition des enseignes Quick sous pavillon Burger King s’annonce à ce titre cruciale. 

 

V. P.

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