« Pluralisme de l’information », « intérêt du public », « respect de la jurisprudence fixée par le Conseil d’État » et « appréciation de la situation » des chaînes et du paysage audiovisuel français : telles sont les raisons pour lesquelles LCI passe en clair sur la TNT, au contraire de Paris Première et Planète+. Retour sur une bataille très médiatique.

La décision était attendue, c’est peu de le dire ! Et pas seulement par les groupes concernés : aux alentours de 19h, soit une heure après l’annonce du CSA d’accorder le passage en clair de LCI et de son refus pour Paris Première et Planète+, le mot-clé « CSA » se trouvait en deuxième position des recherches sur le Net et les réseaux sociaux en France, derrière celui de… « Mourinho » , le Special One ayant été viré par surprise de Chelsea. Une info qui a dû faire le tour du monde instantanément.

Pour son annonce franco-française mais « médiatique » à plus d’un titre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel avait même pris soin « d’attendre la fermeture de la Bourse », comme l’indique son président Olivier Schrameck : après deux jours de « débat long et nourri », le communiqué tombait donc à 18h. Quelques lignes qui ont changé la donne : « Par une décision rendue aujourd’hui, le CSA a décidé de permettre la diffusion en TNT gratuite de LCI. Il a en effet estimé que la chaîne n’avait plus d’avenir économique dans l’univers de la télévision payante et que son accès gratuit contribuera au pluralisme et à l’intérêt du public. Par deux autres décisions, il a en revanche estimé que les situations particulières de Paris Première et Planète+ ne justifiaient pas, en l’état, de déroger à l’exigence générale d’un appel à candidatures ouvert. » Autant dire que les présentateurs de LCI en bafouillaient d’émotion à l’antenne, tandis que BFM et Itélé jugaient bon dans un premier temps de ne pas relayer l’info ! Olivier Schrameck, lui, était de service sur les ondes pour justifier le choix du CSA et contrer les attaques de NextRadioTV/Altice (BFM TV), Canal+ (Planète+) et M6 (Paris Première).

 

Weill remonté

NextRadioTV sonne la charge dès la diffusion du communiqué en ne se privant pas d’y glisser des piques sur l’indépendance du CSA. Pour le groupe, « aucun argument juridique ou économique nouveau ne justifie ce revirement. (…)  Le régulateur, en cédant aux nombreuses pressions extérieures, a choisi de renforcer un acteur historique dominant [TF1] au détriment d’un nouvel entrant et de l’intérêt pour le téléspectateur », y voyant une « dimension politique » à un peu plus d’an de la présidentielle. « C’est incompréhensible ou, hélas, trop lisible. Le CSA a cassé ce soir une chaîne qui marche », renchérit Alain Weill, patron de la maison mère de la première chaîne d’info de la TNT et de loin le plus virulent.  Ce matin, rebelote chez Europe1 ou chez  OZap, et la colère n’est pas du tout retombée : « Quand on affaiblit Itélé et BFMTV, on ne renforce pas le pluralisme. Ce n'est pas vrai ! Contrairement aux apparences, on renforce TF1, on renforce le premier acteur de l'information à la télévision en France. Ce n'est pas plus de pluralisme, c'est plus de TF1. »

Comme a pu le faire son homologue de NextRadioTV, Nicolas de Tavernost, président du Groupe M6, joue également sur la corde « emploi » et affirme tout net que « Paris Première disparaîtra si elle ne passe pas en gratuit ». Plus largement, il évoque une « TNT payante qui ne marche pas » et enfonce le clou : « Le groupe Canal+ va arrêter de distribuer la TNT payante », entraînant Paris Première dans son déclin. Enfin, Canal+ « regrette l’isolement de Planète+ sur une offre payante » et complète le tableau du volet info : « Avec une chaîne d’information supplémentaire sur la TNT, la France devient le pays au monde avec le plus de chaînes d’information gratuites alors que ces chaînes, en particulier Itélé, peinent à trouver un équilibre économique sur une thématique structurellement très coûteuse et dans un marché publicitaire en décroissance. »

 

 

Conseil d’État

Le patron de NextRadio TV et celui de M6 ont d’ores et déjà annoncé qu’ils allaient déposer un recours qu’ils espèrent suspensif devant  le Conseil d’État. Ce à quoi Olivier Schrameck répond que le CSA s’est justement conformé à la jurisprudence de l’institution relative « au danger de disparition » [d’une chaîne] et que ce risque n’existe pas en l’occurrence. Il est vrai, quoiqu’en disent les réfractaires à cette décision, que BFM TV est maintenant adossé au puissant Altice/NextRadioTV et qu’Itélé peut compter sur les ambitions de Vivendi voire sur celles du quatuor Niel/Pigasse/Bergé/Capton, Matthieu Pigasse ayant déjà fait part à maintes reprises de son intérêt pour le rachat d’une chaîne d’info. Le président du CSA assure par ailleurs qu’aucun appel ne pourra être suspensif.

Quant à TF1, en donnant des garanties comme de réserver « une part des journaux limitée à 30 % » - l’inverse de BFM TV -, de ne pas promouvoir pendant au moins deux ans sur son antenne sa chaîne d'information et de renoncer aux offres de publicité couplée TF1/LCI, il s’est ouvert la voie de la TNT gratuite. Ce qui justifie aux yeux d’Olivier Schrameck le revirement du CSA qui avait refusé voilà dix-huit mois le passage en clair de LCI. Décision cassée par… le Conseil d’Etat pour « vice de forme ».

Le P-DG du groupe d’audiovisuel, Nonce Paolini, loue cette décision et la sagesse du régulateur… mais pour combien de temps ? Déjà, la France fait (une nouvelle fois) exception avec trois chaînes gratuites sur ce segment de l’info en continu. Son remplaçant, dès février 2016, Gilles Pélisson, sera-t-il toujours le thuriféraire de l’institution quand celle-ci autorisera l’arrivée dans le service public d’une quatrième chaîne du même type, dans les tuyaux pour fin 2016 ?

 

Q. L.

En photo : Olivier Schrameck, président du CSA a dû assurer un service après-vente mouvementé.

Crédit : David Balicki

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