La présentation du projet de loi, initialement prévue le 9 mars, a été repoussée de deux semaines. Un moyen pour le gouvernement de revoir sa copie. Pour autant, s’il se dit « ouvert au dialogue », Manuel Valls a déjà prévenu : « Les changements se feront à la marge. »

Si tout le monde semble d’accord pour réformer le code du travail, la manière de le faire divise. L’accueil réservé au projet de loi de Myriam El Khomri en est la preuve. Surfant sur les réseaux sociaux, ses opposants ont réussi à mobiliser. La pétition visant à faire retirer ce texte a déjà reçu plus d’un million de signatures. Selon un sondage Odoxa pour Le Parisien Dimanche, sept Français sur dix s’y déclarent opposés mais 65 % souhaitent qu’il soit modifié en profondeur. Les critiques visent cinq points clés. Passage en revue.

 

1- Licenciements économiques facilités

 

Le projet de de loi élargit les motifs qui peuvent être invoqués pour prononcer un licenciement économique. Désormais, « une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires », « des pertes d’exploitation» ou une « importante dégradation de la trésorerie » peuvent être évoquées pour justifier des licenciements économiques. Un accord de branche peut fixer la durée de la baisse de commandes ou du chiffre d’affaires (au moins un semestre) et la durée des pertes d’exploitation (au moins un trimestre) de référence. Sans accord, ces durées sont respectivement fixées à quatre trimestres consécutifs et un semestre. L’entreprise peut également évoquer des « mutations technologiques » ou une « réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ». Bref, les champs sont tellement élargis que les syndicats craignent des utilisations abusives. Ce dispositif est également favorable aux groupes internationaux : si ces derniers souhaitent engager un plan social dans leur filiale française, ils n'auront plus besoin de se justifier sur la santé de leurs filiales à l'étranger.

 

2- Temps de travail assoupli

 

Actuellement, les heures supplémentaires sont payées 25 % plus cher pour les huit premières heures et 50 % ensuite. Avec la réforme, cette majoration pourra descendre à 10 % dans le cadre d’un accord. Autre changement majeur, le temps de travail maximum par jour. Pour le moment, un salarié ne peut pas travailler plus de dix heures par jour, sauf de façon temporaire. Dans le cas d’un surcroît d’activité, il peut travailler jusqu’à douze heures. Avec la nouvelle loi, la condition temporaire sera supprimée. Il sera alors possible de travailler plus de dix heures par jour de façon permanente mais toujours moins de douze heures. Autre point très critiqué, les salariés n’auront pas la possibilité de refuser.

 

3- Plafonnement des indemnités prud’homales

 

Les dédommagements accordés par les prud’hommes aux salariés victimes d’un licenciement abusif seront plafonnés en vertu d’un barème fondé sur l’ancienneté. Si le salarié est employé depuis moins de deux ans dans son entreprise, il percevra, au maximum, trois mois de salaire. Ce montant pourra atteindre six mois de salaire s’il s’y trouve depuis deux à cinq ans, neuf mois s’il y est depuis cinq à dix ans, à douze mois pour une ancienneté comprise entre dix et vingt ans et à quinze mois au-delà de vingt ans.

 

4- Accords « offensifs » en faveur de l’emploi

 

Actuellement, les sociétés ont la possibilité, en cas de difficultés financières, de conclure avec les représentants du personnel un accord dit « défensif » pour modifier temporairement le temps de travail et la rémunération des salariés. Désormais, elles pourront faire de même pour développer l’emploi. Cet accord, dit offensif, signé avec les syndicats sera supérieur au contrat de travail. Si un salarié refuse ces changements, il pourra être congédié, en vertu des règles applicables au licenciement « pour motif personnel ».

 

5- Référendums en entreprise

 

Pour légitimer les accords d’entreprise qui vont prendre un rôle de plus en plus important dans l’entreprise, la réforme prévoit que pour être valable, ces derniers doivent être approuvés par des syndicats ayant recueillis au moins 50 % (contre 30 % auparavant) des suffrages exprimés lors des élections professionnelles. Si ce n’est pas le cas, le personnel pourra être consulté. Si le oui l’emporte, l’accord entrera en vigueur et les syndicats majoritaires ne pourront pas faire jouer leur droit d’opposition.

 

Le problème majeur de cette réforme est de faire la part belle aux accords d’entreprises. Ces derniers doivent en effet être signés avec des délégués syndicaux. Or, seulement 4 % des TPE/PME en sont pourvus. Autrement dit, cette réforme du travail exclue 98 % des entreprises françaises. L’erreur est d’autant plus grave que ce sont elles qui créent le plus d’emplois. Une fois de plus les politiques montrent qu’ils n’ont pas intégré les spécificités des structures de moins de 250 salariés dans leurs réformes. Il y a pourtant des choses à faire. Toujours selon le sondage Odoxa pour Le Parisien Dimanche, 52 % des Français pensent que l’on peut favoriser l’emploi et l’activité économique en modifiant le code du travail. Au gouvernement de sortir par le haut de ces négociations. Sinon, le mouvement de colère pourrait paralyser le pays. À dix-sept mois de la présidentielle, François Hollande ne peut pas se le permettre. La mobilisation du 9 mars sera un premier test.

 

Vincent Paes

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