Bruno Léchevin, président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), nous livre sa vision de la transition énergétique et revient sur les axes de développement identifiés par son agence.

Décideurs. Vous avez défendu la nécessité de développer un mix énergétique diversifié. Après la COP21 et la Loi de transition énergétique, assiste-on à l’émergence d’un nouveau modèle énergétique français ?

Bruno Léchevin. Il est difficile de parler d’un nouveau modèle avec seulement quelques mois de recul. Il en a été largement question lors de la COP21 et la loi de transition énergétique pour la croissance verte l’a inscrit dans ses objectifs : nous devons progressivement nous passer des énergies fossiles. Cela passe par la réduction de la consommation d’énergie et par le développement des énergies renouvelables (EnR). Les objectifs de la loi sont ambitieux : 32 % d’EnR en 2030, diminution de la part du nucléaire dans le mix électrique, consommation d’énergie divisée par deux d’ici 2050. Les dispositifs de soutien se mettent en place, nous les appuyons pour accélérer l’émergence de ce nouveau modèle énergétique.

 

Décideurs. Pensez-vous qu’il faudrait développer une politique énergétique au niveau européen ?

B. L. Les pays européens sont engagés dans une dynamique de coopération énergétique, notamment en matière de financement de programmes de recherche conjoints. Mais il est clair qu’on peut en attendre davantage. Dans le contexte actuel de faibles prix du pétrole, une taxe carbone revue à la hausse et convergente entre au moins quelques pays européens, serait opportune. Elle permettrait de donner un signal clair et partagé sur les investissements « propres ».

 

Le numérique offre de nouvelles opportunités d’accompagnement de la transition énergétique.

 

Décideurs. Les transitions énergétique et numérique vont-elles de pair ?

B. L. Le numérique offre de nouvelles opportunités d’accompagnement de la transition énergétique. Prenons l’exemple des réseaux intelligents : ils nous permettront demain d’être chacun acteur de notre consommation d’énergie, producteur, auto-consommateur voire effaceur. Dans le même temps, le secteur du numérique doit faire sa transition énergétique pour réduire ses impacts en termes de consommation de ressources et d’énergie. La révolution numérique, dont nous ne savons pas encore où elle nous mènera, peut être un formidable moteur de la transition énergétique, en étant le vecteur d’innovations sociales qui portent les changements de comportement. 

 

Décideurs. En 2015, l’appel à projet « initiative PME », en 2016, un appel à projets dans le domaine de la chimie du végétal et des matériaux biosourcés. Quelles sont selon vous les filières clés à développer pour la transition énergétique ?

B. L. Les filières identifiées dans le cadre du programme « développement durable » des investissements d’avenir sont celles sur lesquelles nous comptons pour aller vers un monde plus sobre en carbone et en ressources. Ces filières touchent au véhicule du futur, aux énergies renouvelables, aux réseaux électriques intelligents, au stockage d’énergie et à l’efficacité énergétique,  à l’économie circulaire ou encore à la chimie du végétal. Pour toutes ces filières, notre pays dispose de savoir-faire reconnus, de chercheurs et de laboratoires de haut niveau, d’entreprises innovantes... Ce sont les filières clés de la transition énergétique et ce sont aussi les filières sur lesquelles il faut s’appuyer pour créer de la croissance et de l’activité dans nos territoires et donc, de l’emploi.

 

Décideurs. L’Ademe a cofinancé Belib’, un réseau de bornes de rechargement à Paris. Pensez-vous que l’avenir du transport urbain sera électrique ?

B. L. Pour nous, à l’avenir, on se déplacera toujours autant en ville mais différemment et le véhicule électrique sera un mode de déplacement parmi d’autres. Toutes les énergies ont leur place dans la palette de solutions de mobilité et il ne faut pas désigner un carburant ou une motorisation comme « la solution unique ». La voiture électrique présente de nombreux atouts pour un usage urbain : pas d’émissions de polluants dégradant la qualité de l’air, pas de bruit ; mais sa fabrication et son utilisation ont tout de même un impact sur l’environnement. L’avenir du transport en ville, ce sont les services de mobilité : véhicules en autopartage, vélos en libre-service, covoiturage... Si les progrès technologiques vont permettre de réduire l’impact écologique des véhicules, la transition énergétique ne pourra se faire par la seule voie technologique. Il faut aussi modifier nos comportements, ce qui implique de repenser notre façon de nous déplacer.

 

 

Crédit photo : J. Chiscano

 

 

Propos recueillis par Stéphanie Eulalie

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