L’avocat spécialiste des droits incorporels et associé du cabinet FTPA prend la plume pour écrire sur un sujet qu’il connaît bien : le numérique. De la révolution au naufrage ? Le Big data n’a qu’à bien se tenir...

Décideurs. À qui s’adresse votre livre Numérique : de la révolution au naufrage ?

Fabrice Lorvo. Je souhaite parler aux parents des futures générations. Mon livre est avant tout un exercice de vulgarisation sur l’utilisation du numérique. Après un colloque au cours duquel un membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) est intervenu, je me suis rendu compte de la difficulté pour le public d’appréhender les problématiques de l’ère numérique. J’aime écrire et défendre les libertés fondamentales, allier les deux était un défi.

 

Décideurs. Le titre de votre livre est assez explicite. Le numérique a-t-il échoué ?

F. L. Dans ce livre, je reviens sur les bouleversements qu’Internet, les réseaux sociaux et la collecte des données ont engendrés dans nos vies. Le numérique a dépassé nos attentes et des étapes exceptionnelles ont été franchies. Des barrières, pourtant essentielles, sont tombées et cela ne doit pas être passé sous silence. La distinction entre sphère publique et privée a par exemple disparu. Aujourd’hui, nous sommes dans une tyrannie de la transparence. Nous assistons à un retour de la dimension morale dans les rapports sociaux et je le regrette.

 

Décideurs. Le ton est donc assez pessimiste…

F. L. Je n’ai pas voulu écrire une ode au numérique, les jeunes geeks le feront bien mieux que moi. Il me semblait davantage nécessaire de soulever les paradoxes. Pour cela, j’ai imaginé, à travers de courtes narrations, comment le caractère impérissable des données pouvait bousculer notre mode de vie et prendre le dessus sur nos libertés.

 

Décideurs. Vous traitez principalement la question de l’e-réputation. Pourquoi ?

F. L. La question de l’e-réputation est au cœur de l’essai. On n’en mesure pas assez les conséquences. J’ai volontairement cherché à interpeler mes lecteurs sur les difficultés que poseront ces tweets, ces photos que nous postons naïvement tous les jours sur la toile et le caractère intrusif que peut présenter la croissance des algorithmes prédictifs. Désormais, on sait tout et on voit tout. Imaginez demain.

 

Décideurs. D’où l’importance du droit à l’oubli ?

F. L. Le droit à l’oubli a toujours existé, dans les faits comme dans le droit. Avec l’immédiateté et l’impérissabilité des données, nous en sommes aujourd’hui privés. Il est urgent de légiférer pour pallier cette carence. Même si l’objet de mon livre n’est pas de trouver des solutions, il semblerait que l’éducation soit une piste intéressante. Nous avons une des meilleures écoles du monde en France, la prévention et l’apprentissage sont forcément une des clés pour résoudre ce problème.

 

Décideurs. Et vous, comment gérez-vous votre réputation sur la Toile ?

F. L. Je suis bien entendu présent sur la Toile, plus comme observateur que comme acteur. J’applique à moi-même ce que je tente de dénoncer. Gardons notre esprit critique et ne devenons pas des moutons du numérique.

 

Propos recueillis par Pascale D’Amore et Estelle Mastinu

 

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