Pour saisir toutes les opportunités du digital, les entreprises doivent réinventer leur organisation. Ces nouveaux modèles de management alternatifs basés sur la confiance et la liberté remettent en cause les fondements du taylorisme et du fordisme. Quand l’esprit start-up se répand, les grands groupes tremblent.

« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes mais celle qui s’adaptent le mieux aux changements. » Face à une concurrence accrue et à un environnement économique incertain, les propos de Charles Darwin n’ont jamais été aussi vrais pour les entreprises. « La digitalisation casse les silos. Les grands groupes sont obligés de repenser leur mode d’organisation », constate Didier Fauque, directeur général de SQLI, société de conseil en transformation digitale. Et de fait, un véritable fossé s’est creusé entre les « digital natives » et les entreprises traditionnelles. Les premières, plus agiles, ont mis en place de nouveaux modèles de management fondés sur l’idée qu’il ne peut y avoir d’innovation et de performance sans liberté. Quant aux secondes, elles sont bloquées dans une organisation faite de strates hiérarchiques héritées du taylorisme et du fordisme.

 

« Test and learn » 

 

Pendant longtemps, les grands groupes ont pensé survivre grâce à leur puissance commerciale et leur avantage en part de marché. Mais les start-up devenues grandes leur ont montré qu’il était possible de rester agile en grandissant. Dans un tel contexte, le statu quo n’est pas permis et, une fois n’est pas coutume, c’est le petit qui inspire le grand. Pour coller au plus près de ces problématiques, Accor a par exemple mis en place un comex bis composé de douze salariés âgés de 26 à 35 ans. L’objectif est de mieux comprendre les nouveaux enjeux numériques. Les grands groupes sont également friands de la mise en place d’un chief digital officier en charge de mener les grandes réformes en interne (cf. encadré). Malheureusement, son rôle se limite trop souvent à la mise en place de nouveaux process. Or, cela ne suffit pas : une refonte complète doit être opérée (cf. entretien). Le premier défi réside dans la décentralisation de l’organisation afin de laisser la prise de décision aux équipes opérationnelles. Un mode de management qui remet en cause la vision classique du salariat puisque l’autonomie du travail leur est alors totale. « Désormais, les salariés doivent être capables de travailler en mode plateau sur un projet et non sur une business unit prédéterminée », précise Didier Fauque. Si pour le moment cette liberté donnée à l’employé est modérée, certaines entreprises n’hésitent pas aller plus loin. Chez Valve, éditeur américain de jeux vidéo, les salariés fixent à leur guise leurs jours de congé et n’ont pas de tâches spécifiques attribuées. Pour l’entreprise, cette décentralisation n’est bien sûr pas désintéressée. Elle permet de mettre en place une nouvelle culture fondée sur la méthode « test, fail, learn and success ». Depuis ses débuts, Blablacar, la pépite du covoiturage devenue licorne, utilise cette stratégie qui lui permet d’améliorer continuellement son interface et ses services clients. Plus de flexibilité, pour plus de performance, voilà le nouveau slogan des entreprises.

 

 

Les pièges à éviter

 

1. Ne pas impliquer ses salariés. La communication autour de la réorganisation est clé.

2. Donner trop de libertés, trop rapidement. La mise en place d’une nouvelle organisation prend au moins deux ans.

3. Parler avant d’agir. Ne promettez pas ce que vous n’êtes pas sûr de mettre en place, cela romprait la relation de confiance.

4. Rompre le dialogue avec vos employés. Ce n’est pas parce qu’ils sont libres qu’ils ne doivent pas communiquer avec la direction.

 

 

Chief digital officer : un avenir sans lendemain

 

Selon une étude d’Accenture réalisée en 2015, 85 % des sociétés françaises déclarent avoir un chief digital officer (CDO) ou un responsable nommé à un poste aux objectifs équivalents. S’il n’est encore que très rarement rattaché au comex, son influence au sein de l’entreprise est grandissante. Son rôle est de servir d’agent de changement et son principal défi est ainsi de convaincre les différents responsables de business unit du potentiel du digital. Il est là pour initier mais pas pour diriger : le pouvoir doit venir des opérationnels. Malgré ce rôle stratégique, ce poste est encore sous-estimé avec un budget et des équipes limités. Mais selon Didier Fauque, directeur général de SQLI, société de conseil en transformation digitale, « le digital est partout. Il n’y a pas d’intérêt à mettre en place de chief digital officer. Cette fonction est pour moi transitoire. À terme, chaque responsable devra prendre ce sujet à bras-le-corps. »

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