À l’heure où tous les regards sont tournés vers les start-up, BPIFrance a décidé de soutenir les entreprises de taille intermédiaire (ETI). L’incubateur « Accélérateur » en a retenu 23. Fanny Letier, directrice de l’accompagnement PME et ETI, revient sur les ambitions de la banque publique.

Décideurs. Quel sont les objectifs de votre programme « Accélérateur ETI  » ?

Fanny Letier. Le cœur de la mission de BPIFrance est d’aider les entreprises à réussir. Pour cela nous voulons répondre à leurs problématiques à 360°, à travers nos activités de financement bien sûr, mais aussi à travers des services d’accompagnement opérationnels et stratégiques. Ainsi, vingt-trois entreprises de taille intermédiaire (ETI) pourront profiter d’un nouveau programme d’accompagnement intensif de vingt-quatre mois spécialement conçu pour elles. L’objectif est d’accélérer leur développement en abordant un maximum de sujets et de les aider à gérer cette croissance de manière pérenne. De la stratégie aux valeurs en passant par la gouvernance et l’opérationnel, nous souhaitons leur apprendre à s’appuyer davantage sur leurs points forts et pallier leurs faiblesses. Si un large panel de secteurs est représenté dans l’échantillon sélectionné (transport, tourisme, travaux publics, agroalimentaire…), elles ont toutes en commun une croissance supérieure à 13 %, et la volonté, a minima, de doubler leur taille et de devenir des champions internationaux.

 

Décideurs. Pourquoi avoir choisi de cibler les ETI ?

F. L. Il est vrai que lorsque les groupes réalisent déjà cinquante millions d’euros de chiffre d’affaires, on peut croire que le plus dur est fait. Chez BPIFrance, nous souhaitons les emmener au-delà de ce seuil et pour cela faire appel à d’autres leviers que les ressorts passés. C’est essentiel car elles sont le fleuron de l’économie française. Si elles ne représentent que 0,2 % du paysage entrepreneurial, elles comptent pour 27 % du chiffre d’affaires national, 23 % de l’emploi salarié (trois millions de personnes) et 34 % des exportations. Ce qui veut dire que malgré leur petit nombre, leur poids sur l’économie du pays est considérable. C’est pourquoi notre programme vise à optimiser la croissance des vingt-trois sélectionnées en mettant davantage l’accent sur leur internationalisation.

 

Décideurs. Comment comptez-vous faire ?

F. L. Plus une ETI croît et plus elle se tourne vers l’international : les exportations représentent 13 % du CA des ETI de moins de 500 salariés et 21 % du CA des plus de 500 salariés. Et quand une ETI crée un emploi direct, elle génère 3,5 emplois indirects. C’est cela que nous voulons booster avec une offre d’accompagnement qui s’articule autour de trois blocs : la formation, le conseil individuel et la mise en relation. La première étape est menée pour cette année en partenariat avec l’École des hautes études commerciales de Paris (HEC). Les participants pourront assister à trois sessions différentes. Axée sur les stratégies de croissance, la transformation des business models et la gouvernance, la première se tiendra dans les locaux de l’école. Plus orientée sur l’innovation, la deuxième se déroulera en Chine. Les dirigeants des ETI auront ainsi l’occasion de visiter différents incubateurs et entreprises telles qu’Alibaba, géant mondial de la vente en ligne. L’objectif est d’agiter les idées, de voir de nouveaux écosystèmes innovants, d’anticiper les "disruptions" concurrentielles et technologiques et de développer des relations commerciales. La troisième session traitera de la pérennisation des résultats et de la vision sur le long terme. Une étape indispensable pour faire face à la concurrence et attirer les talents.

En parallèle, un service de conseil personnalisé est fourni pour activer les leviers de croissance à trois à cinq ans. Au niveau de la réflexion stratégique à plus long terme, le programme prévoit également deux innovations, notamment l’accompagnement  personnalisé de l’équipe dirigeante par un advisory board. Il sera composé de personnes sélectionnées par nos soins, aux profils et aux compétences complémentaires (directeur général, financier ou commercial dans des grands groupes), disposant d’une expérience de transformation d’activité et d’une dimension internationale. L’autre nouveauté concerne le parrainage. Les ETI se verront attribuer un mentor parmi les grands capitaines d’industries françaises, à l’image de Jacques Aschenbroish, P-DG de Valeo, Mohed Altrad, à la tête du groupe Altrad, Daniel Chéron, ex-DG de Limagrain, Augustin de Romanet, P-DG d'Aéroports de Paris, ou encore Nicolas Dufourcq, directeur général de BPIFrance. Un moyen efficace pour les dirigeants d’ETI de s’inspirer de leur expérience, mais aussi d’être conseillés par des experts qui auront du recul et un œil externe à l’entreprise.

 

Décideurs. On reproche souvent aux ETI de ne pas être suffisamment tournées vers le digital. Qu’avez-vous prévu sur ce sujet ?

F. L. Nous avons intégré deux nouveaux modules d’accompagnement pédagogique. Le premier doit permettre aux ETI de faciliter l’intégration du digital dans leur stratégie et leur processus internes pour optimiser leurs performances. Le deuxième vise à rendre concret le concept d’usine du futur : il s’agit de transformer graduellement leurs usines, en imaginant l’usine 4.0. et en construisant le chemin qui permettra, par étape, de lui donner une réalité. Ce sujet de la transformation digitale sera aussi abordé au sein de l'advisory board.

 

Décideurs. L’accélérateur prévoit-il le financement  de certains projets ?

F. L. Ce n’est pas l’objet. Nous sommes dans une logique d’accompagnement. Si les projets stratégiques initiés pendant le processus d’accompagnement nécessitent des financements, BPIFrance pourra, à travers ses autres métiers, étudier leurs demandes, d’autant qu’elles sont déjà toutes clientes et que nous sommes, dans certains cas, présents dans leur structure actionnariale. Mais dans tous les cas nous intervenons en cofinancement avec d’autres banques ou en co-investissement avec des fonds privés.

 

Propos recueillis par Richard Trainini

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