Décideurs. Selon vous, qu’est-ce que le leadership ? Quelle en est l’essence ?

Francis Rousseau. Le leadership est plus une question d’autorité que de pouvoir. Si être leader confère de l’autorité, le leader ne recherche pas pour autant le pouvoir. Celui qui a le leadership aime le pouvoir mais n’occupe pas son poste pour cette raison. Il faut réfléchir à ce qui est explicite et ce qui est implicite. Personnellement, j’aime ce qui est implicite. Le rôle d’un bon dirigeant est de savoir positionner le curseur explicite/ implicite au bon endroit. Les gens qui cherchent trop l’explicite tuent l’intelligence. L’explicite, il faut le distiller graduellement, afin de libérer la juste dose d’implicite.

 

Décideurs. Quelle différence faitesvous entre un leader et un manager ?

F. R. Le leader offre une vision, une intuition. Il est capable de comprendre un environnement et de voir comment évolue un secteur. Il souhaite amener ses équipes vers un objectif, les faire adhérer à un projet. Le leader jouit de son pouvoir d’influence ; il ne réfléchit pas pour autant à son propre pouvoir. Ce qui m’intéresse, c’est d’entreprendre, de prendre des risques, de m’aventurer dans des territoires inconnus. C’est l’adrénaline qui m’anime ; rendre possible ce qui paraît impossible.

 

Décideurs. Quel est l’usage de l’autorité et du pouvoir pour un leader ?

F. R. L’autorité a un rapport avec le long terme, alors que le rythme du pouvoir est plus court, plus rapide. Avoir du leadership est une marque d’élégance : c’est parfois bien plus élégant que d’user d’un pouvoir brutal. Pour citer Max Weber, « le pouvoir relève de l’aptitude à forcer l’obéissance, alors que l’autorité est l’aptitude à faire observer volontairement les choses ». Les grandes structures ont besoin de personnes qui représentent le pouvoir, sans forcément qu’elles revêtent un masque de dureté ! Mais ne tombons pas dans le manichéisme : le pouvoir peut être élégant et l’autorité idiote. Par ailleurs, la personne qui a de l’autorité se doit d’avoir une morale irréprochable, car l’autorité rime avec responsabilité.

 

Décideurs. Être un leader et être un homme de pouvoir, est-ce distinct ?

F. R. Le pouvoir confère des droits différents de ceux octroyés par l’autorité et permet l’adhésion. Si le pouvoir emporte la légitimité, l’autorité la conforte. Le leader aime le pouvoir mais déteste les structures de pouvoir. Il use de l’autorité. Au sein d’un même groupe, il est essentiel d’avoir des leaders et des hommes de pouvoir. De conjuguer intelligemment leadership et pouvoir.

 

Décideurs. Quels sont les trois leaders qui vous inspirent ? Pourquoi ?

F. R. Pour segmenter ma réponse, je choisirais un représentant du monde politique, un autre de l’économie et un troisième du monde artistique. John F. Kennedy représente parfaitement le leadership en politique. Il a exprimé des rêves qui sont devenus réalité, et est devenu un modèle positif pour le monde. Je citerais ensuite Steve Jobs, un vrai leader, surtout dans la période la plus récente de sa vie. Il a une vision personnelle de son entreprise, de son secteur, du monde. C’est un opposant, et j’aime ceux qui s’opposent. Il a toujours cru en son projet, même avec Bill Gates et Microsoft en face ! Enfin, Pablo Picasso fut, à mon avis, un leader dans le monde artistique. Non pas pour ce qu’il était en tant que personne, mais pour sa capacité de renouvellement et ses prises de risques perpétuelles. Son leadership a duré un siècle !

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