Instauré en 2005, le marché européen du carbone ne remplit aujourd'hui plus son rôle, la faute à un prix de marché devenu beaucoup trop faible. Alors que les pouvoirs publics s'attachent à redonner du sens à ce mécanisme, plusieurs économistes spécialisés débattent sur les solutions à mettre en place.

Au mois de mai, Ségolène Royal, ministre de l'Environnement et présidente de la COP21, a annoncé la mise en place, en France, d'un prix plancher du carbone concernant la seule production électrique et applicable dès 2017. Situé aux environs de trente euros la tonne, celui-ci s'inscrirait dans la continuité des mesures prises suite à la ratification de l'accord de Paris sur le climat et devrait permettre de sortir peu à peu de la production d'électricité d'origine fossile, en particulier de celle émanant des centrales à charbon. L'idée défendue par la France serait ainsi d'instaurer un corridor de prix du carbone européen, à savoir un prix plancher et un prix plafond. Ce mécanisme aurait pour effet de corriger les défauts de l'actuel marché des quotas européens (EU-ETS, European Union Emission Trading System), inutile car affichant actuellement un prix d'environ six euros la tonne, alors que cette dernière s'élevait à vingt-cinq euros au moment du lancement. L'intérêt de ce mécanisme est, rappelons-le, d'intervenir globalement sur le marché européen tout en n'interférant pas sur les stratégies énergétiques nationales.

 

Des « rustines » pour pallier à un manque de coordination

Les chercheurs de la Chaire european electricity markets (CEEM) et de la Chaire économie du climat (CEC) de l'Université Paris Dauphine ont discuté du sujet ce 14 juin. Pour Christian de Perthuis, directeur de la CEC, la situation actuelle révèle tout simplement d'importants dysfonctionnements sur le marché des quotas de CO2 dû à une absence de coordination entre les différentes politiques publiques des vingt-huit États de l'Union Européenne (UE). Selon lui, « le vrai problème est que le mécanisme n'envoie plus aucun signal prix correct au marché ». De plus, l'économiste relève l'incohérence et même la « schizophrénie » de vouloir développer les énergies renouvelables sans pour autant se servir de ce marché du carbone. L'adoption d'un marché unilatéral serait donc selon lui une simple « rustine » alors que le réel mal à soigner est le manque de coordination entre les différentes politiques publiques.

 

Des réformes obligatoires à l'échelle continentale

En France, l'application de ce prix plancher aurait pour principal effet de substituer la production électrique au charbon par la production à gaz, ainsi qu'une augmentation des prix de gros de l'électricité, actuellement au plus bas. Au niveau européen, ce même effet de substitution s'opérerait, impliquant « une modification des flux entre les pays » selon l'économiste Yves Le Thieis, et serait profitable à tous, exceptés l'Allemagne et la Pologne, gros utilisateurs de lignite.

Si la fixation d'un prix permettra sans doute de redonner de la crédibilité aux ETS, les économistes s'accordent sur la nécessité de viser plus large que sur le seul marché électrique et d'opérer des vraies réformes au niveau de la gouvernance européenne. Cela passerait par de réels instruments de correction tels que l'instauration de quotas dynamiques et la mise en place de contrats à long terme.

 

Boris Beltran

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