De terme barbare réservé aux initiés, la blockchain est devenue la nouvelle marotte des entreprises qui veulent être à la pointe de l’innovation. Retour sur cette technologie au fort potentiel disruptif.

Rarement une technologie aura fait autant parler d’elle à un stade si précoce de développement. Par peur d’être remplaçables ou par envie de gagner en efficacité, de nombreux acteurs se sont intéressés à la blockchain, un protocole de stockage et de transmission d’informations transparent, sécurisé et désintermédié. Trois caractéristiques qui sont assurées par la structure même de la blockchain, qui ne dépend d’aucun organe de contrôle. « Cette technologie va apporter une couche de sécurité supplémentaire car l’information est répliquée sur tous les nœuds du réseau, explique Claire Balva, cofondatrice de Blockchain France. Un système de clé privée permet également, à l’image du code PIN d’une carte bancaire, d'authentifier l'identité de l'auteur d'une transaction. » Le secteur bancaire a été parmi les premiers à s’y intéresser de près, et ce sans surprise, la blockchain ayant été créée par la première monnaie virtuelle à grande échelle : le Bitcoin. Les applications sont par essence nombreuses dans le secteur, de l’automatisation des émissions obligataires jusqu’aux transactions inter-bancaires. Les banquiers et assureurs ne sont toutefois pas les seuls à espérer tirer parti de cette technologie. Certaines start-up se sont déjà positionnées sur ce créneau dans des secteurs variés : la plate-forme Ubitquity, qui se sert de la blockchain pour sécuriser des transactions immobilières ; StorJ qui fait du stockage de document ; ou encore Everledger, qui assure la traçabilité des diamants.

 

Le contrat du futur

Mais un usage en particulier se développe rapidement : le smart contract ou contrat intelligent. Ce programme qui exécute les termes d’un contrat est immuable quand il est entré dans la blockchain. Il fonctionne selon le principe du « if, then », c’est-à-dire qu’il exécute une transaction lorsqu’une condition définie par le contrat est remplie. Par exemple, un paiement peut être effectué lorsque l’arrivée d’un container au port est enregistrée, ou quand un sinistre est signalé auprès d’un assureur. « Il s’agit de l’application la plus ambitieuse de la blockchain car elle permet d’automatiser des process et de créer des organisations décentralisées », analyse Claire Balva. Ces contrats intelligents posent toutefois une question : celle de leur valeur juridique. « Il est difficile de savoir comment un smart contract serait interprété devant un tribunal. Mais un contrat est par définition la loi des parties : il pourrait donc être valable », explique Céline Bondard, avocate aux Barreaux de Paris et New York. Dans le cas de la blockchain, le principe du « code is law » (le code informatique est la loi) prévaut. Les contrats du futur seront-ils totalement dématérialisés ? « La révolution n’est pas toujours aussi grande qu’on l’imagine, tempère-t-elle. Je ne pense pas que l’on puisse se passer d’un contrat lisible par chacun, même si ce contrat est ensuite transformé en langage informatique. » Il y a une tentative de réglementation en France, mais celle-ci est sectorielle, puisqu’elle touche essentiellement aux secteurs de la finance et de l’énergie. Et il ne faut pas se précipiter, selon Céline Bondard : « À mon sens, il ne faut pas réglementer trop tôt. Il est nécessaire de tenter d’utiliser les mécanismes du droit actuel avant d’adapter la réglementation une fois que l’on aura pu mieux observer et mesurer les applications pratiques de la blockchain. »

 

Une technologie encore jeune

Au-delà du juridique, les freins sont également techniques. En dehors du Bitcoin qui a atteint un certain niveau de maturité, les technologies en sont encore au stade des prototypes. En juin dernier, l’application TheDAO, qui utilise la blockchain Ethereum, a ainsi été victime d’un piratage de grande envergure : l’équivalent de cinquante millions de dollars a été détourné de ce fonds d’investissement décentralisé et automatisé. Cela remet-il en cause la sécurité du système ? Non, selon Claire Balva : « TheDAO n'est qu'une application qui utilise la blockchain, ce n'est pas la blockchain elle-même. Pour donner une comparaison, si Facebook se faisait hacker aujourd'hui, cela ne remettrait pas en cause le protocole TCP/IP (le protocole qui fait fonctionner Internet, ndlr) Si les applications actuelles restent modestes, la blockchain recèle un potentiel énorme pour faciliter et automatiser les échanges.

 

@Camille_Prigent

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