Se doter d’un chief happiness officer, beaucoup en parlent, Talan, 1 700 salariés, l’a fait. Président et cofondateur de cette entreprise de conseil et de service en IT, Mehdi Houas revient sur le sens de cette initiative et, à travers elle, sur sa volonté d’horizontaliser l’organisation pour gagner en performance. Parole de leader.

Décideurs. Vous avez récemment créé une fonction de chief hapiness officer au sein de vos équipes. Pourquoi une telle initiative ?

Mehdi Houas. Tout simplement parce que le monde a changé et que les entreprises ne peuvent plus l’appréhender avec les mêmes logiques de fonctionnement et les mêmes schémas de pensée qu’autrefois. Les générations Y et Z nous bousculent. Elles veulent plus de dialogue, d’équité, de transparence… Face à cela, on peut soit faire de la résistance – ce qui serait vain… –, soit entendre leurs attentes et chercher à y répondre. C’est ce que nous avons choisi de faire chez Talan et c’est pour cette raison que nous avons créé ce poste de chief hapiness officer qui s’inscrit clairement dans une volonté d’horizontaliser notre entreprise. Je ne crois plus en l’entreprise verticale. Je crois à la valeur du collectif et du partage, au fait que, puisqu’on passe beaucoup de temps sur notre lieu de travail, autant y prendre du plaisir. Je pense qu’aujourd’hui, toute entreprise qui souhaite s’inscrire dans la durée doit chercher à créer cette zone de confort.

 

Est-ce à cela qu’on reconnaît une entreprise libérée ?

On la reconnaît surtout au fait qu’elle parvient à afficher le même niveau de performance qu’avant, mais avec des collaborateurs parfaitement autonomes dans leur périmètre de responsabilité, lequel a, au préalable, été collectivement défini et mutuellement accepté.

 

Quels avantages découlent de ce type d’organisation et quels risques est-elle susceptible d’engendrer ?

Quand on libère une organisation, on libère les énergies. On pousse chacun à aller au maximum de ses possibilités, on crée une émulation partagée, une motivation accrue et, surtout, on suscite une implication différente, plus sincère. Le fait de se fonder sur la transparence et la confiance permet également de valoriser l’intelligence collective, de réduire le stress et, finalement, d’augmenter la performance. S’il existe une part de risque c’est celui de mettre certains en situation de déséquilibre. C’est pourquoi une telle organisation doit être déployée progressivement et avec humilité.

 

Comment s’organise le pouvoir dans une entreprise libérée ?

Il y a bien évidemment des domaines et des fonctions que l’on ne peut horizontaliser et qui correspondent aux fonctions régaliennes de l’entreprise : le juridique, la comptabilité, une partie des ressources humaines… Pour tout le reste, les choses s’organisent autour de communautés d’intérêts. On fixe un cap, on s’accorde sur un objectif commun et chacun y travaille ensuite en totale autonomie dans son périmètre de compétences.

 

Le leadership peut-il s’exprimer hors structure hiérarchisée ?

Pour moi, le concept de leadership est antinomique de celui de hiérarchie. Il est le fait d’une légitimité naturelle, de compétences professionnelles et de qualités humaines comme l’empathie et le charisme. Pour autant, la mesure reste importante et ne doit pas nécessairement être assimilée à une forme de contrôle mais plutôt à un moyen de reconnaître et d’évaluer la performance.

 

Quelles sont les qualités essentielles d’un leader dans une entreprise libérée ?

L’empathie est pour moi une qualité essentielle, de même que la capacité à donner envie, l’esprit d’équipe et la solidarité. C’est ce socle de qualités humaines, de valeurs, qui permet à l’entreprise libérée d’être aussi performante que l’entreprise hiérarchique. C’est aussi ce qui permet de construire avec ses équipes une relation de plus haut niveau que celle fondée sur la seule autorité.

 

Propos recueillis par C. Ca.

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