En matière de management, Denis Olivennes, président de Lagardère Active, croit plus à l’efficacité de la décision concertée qu’à celle de l’autorité imposée. Raison pour laquelle il voit dans le concept d’organisation libérée non seulement une aspiration naturelle des salariés mais aussi un levier de performance pour l’entreprise. Témoignage inspiré et inspirant.

Décideurs. Quels critères caractérisent une entreprise libérée ?

Denis Olivennes. L’entreprise libérée est celle qui ne repose plus sur des logiques verticales et un fonctionnement autoritaire mais qui se perçoit comme une œuvre collective ; non pas dépendante de quelques chefs mais coproduite par ses collaborateurs. C’est donc une organisation qui ne s’appuie plus sur des logiques de contrôle et de défiance mais dont le fonctionnement repose sur la confiance et la collaboration, ce qui représente une véritable révolution culturelle.

 

À quoi attribuez-vous une telle mutation des pratiques et modes de pensée managériaux ?

À un mouvement de société généralisé voulant que, partout, l’autorité exercée dans ses formes classiques soit contestée et remise en question au profit du collaboratif et de la concertation. Il y a là une véritable demande sociétale dont les entreprises ne peuvent s’exempter. Je dirais que cette tendance se situe au croisement de deux aspirations : celle des salariés en forte attente de sens et celle de dirigeants pour qui ces nouveaux modèles d’organisation représentent un levier de création de valeur.

 

Quels en sont les gains pour l’entreprise, et quels en sont les risques ?

Le principal avantage qui découle d’une organisation « horizontalisée » est la libération de ses forces productives et créatives qui survient invariablement dès lors que les gens se sentent non plus simples exécutants mais parties prenantes d’une ambition collective. Pour autant, une telle organisation allant à l’encontre des systèmes et modes de pensée traditionnelle, reste difficile à mettre en place et comporte toujours le risque de déboucher, chez certains salariés, non seulement sur un sentiment d’instabilité et une perte de repères mais aussi sur une pression excessive, celle que le salarié s’impose à lui-même étant généralement supérieure à celle d’un manager. C’est pourquoi ce type de révolution exige une mise en place progressive et un accompagnement ciblé.

 

Comment s’organise le pouvoir dans ce type d’organisation ?

Dans ce processus de mise en place progressive d’une organisation libérée, le rôle du management intermédiaire est déterminant. Raison pour laquelle la formation des managers et la façon dont on valorise chez eux telle ou telle valeur est décisive. Parce que, bien entendu, une entreprise libérée ne signifie pas une entreprise en autogestion, dépourvue de management, mais une organisation où celui-ci s’exerce non plus via une forme d’autorité verticale mais à travers des processus de concertation et d’échange permanents.

 

Le leadership peut-il s’exercer hors d’une structure hiérarchisée ?

Bien sûr. C’est le leadership non plus de l’ordre donné mais de la conviction partagée, de l’écoute et de la confrontation des points de vue… Il faut en finir avec le mythe de l’infaillibilité managériale : un chef peut commettre des erreurs. C’est pourquoi il doit accepter de prendre en compte d’autres points de vue que le sien. Ne pas être dans la conviction mais dans la concertation. Accepter de se remettre en cause.

 

Quelles sont les qualités essentielles d’un leader dans une entreprise libérée ?

La qualité première requise est l’humanité. Cela implique de l’empathie, de l’humilité, de l’écoute… Cela nécessite également de renoncer à fonctionner au contrôle et à l’autorité pour entrer dans des logiques de partage et de concertation. D’être attentif à d’autres opinions que la sienne pour ne plus chercher à imposer ses vues mais accepter de les faire évoluer au terme d’un processus de concertation collectif. Cela requiert à la fois de la modestie et de la vision.

 

Propos recueillis par Caroline Castets

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