Quand les franchises de fast food souffraient d’un déficit d’image lié à la qualité de leurs produits, Big Fernand a su s’engouffrer dans la brèche. En misant sur une marque française, rétro et sympathique, l’enseigne de Steve Burggraf s’est forgée une réputation auprès des gastronomes. Cap à présent vers l’international grâce au fonds anglais BlueGem.

Décideurs. À l’aube des années 2010, le projet Big Fernand émerge alors que le marché du burger semblait verrouillé. Comment est né votre projet ?

Steve Burggraf. Avec mes deux associés, nous avons créé la société en septembre 2011 avant d’ouvrir notre premier restaurant en janvier 2012. Le marché était alors trusté par le burger de mass market : McDonalds et Quick avaient pignon sur rue. Pour nous imposer, nous nous sommes lancés sur une niche du secteur, le burger gourmet. Derrière ces mots qui font saliver se cache une terminologie juridique précise impliquant la cuisson sur place des viandes hachées, le recours aux fromages au lait cru, la préparation maison de nos frites et sauces, la découpe des fruits et légumes sur place ou encore l’utilisation de pains préparés dans une boulangerie… La qualité de nos « hamburgés » nous distingue et, malgré notre croissance, les repas sont toujours aussi bons chez nous. Les sociétés de restauration qui se développent sont souvent exposées au risque de perdre leur identité gustative et nous avons su l’éviter. La réussite économique de Big Fernand ne doit surtout pas occulter cette réussite gastronomique, fondamentale pour nous définir.

Quelle a été votre trajectoire depuis ce lancement ?

Le Camion qui fume (foodtruck spécialisé dans le burger) et Big Fernand ont ouvert leurs portes à un mois d’intervalle. Cela a participé à l’engouement médiatique autour de notre premier restaurant, rue du Faubourg-Poissonnière, au cœur de Paris. Dès les premiers jours, nous avons eu la chance de connaître un grand succès, et tout cela sans presque aucune publicité. Un community manager nous a vite rejoint et a participé à nos rendements à peine croyables dans le secteur : 180 000 euros de chiffre d’affaires mensuel dans un restaurant de 35 mètres carrés. Dès nos premiers pas, la société a été profitable. C’est une situation très rare et confortable pour se développer. Ensuite, les recrutements se sont succédé, tout comme les ouvertures de restaurants.

« Nous avons mis l’accent sur l’embauche de gens gentils pour qu’ils recrutent eux-mêmes des gens gentils »

Combien en comptez-vous aujourd’hui ?

Le réseau est composé de 39 restaurants aujourd’hui, dont trois à Dubaï, deux à Hongkong et un à Londres. Au Royaume-Uni, le marché est mature et il reste difficile d’y gagner de l’argent. Nous avons pu compter sur des opportunités offertes par des groupes français pour nous développer sur nos deux autres marchés internationaux. Bien sûr, le gros de notre développement reste concentré en France où nos trente-trois autres restaurants sont regroupés. Nous sommes présents dans toutes les villes de plus de 150 000 habitants, et c’est à Paris et en Île-de-France que notre enseigne est la plus présente. Plusieurs ouvertures sont aussi prévues dans des gares et des aéroports.

Pourquoi avez-vous parié sur la mise en place d’un réseau de franchisés pour accélérer votre croissance ?

La franchise contraint les maisons-mères à se structurer rapidement. D’un point de vue juridique, nous étions obligés de transmettre des méthodes et des process pour accompagner l’ouverture sans fausse note de nos restaurants. Cela impliquait une réflexion sur ce que nous voulions offrir à nos clients dans tous les domaines, de l’accueil à la composition des menus, sans oublier la qualité des ingrédients sélectionnés. Dès fin 2013, nous nous sommes lancés dans la franchise. Nous avons eu la chance d’avoir une bonne équipe capable d’accompagner notre développement à grande vitesse. Dans ces cas-là, il faut avoir un pied sur l’accélérateur et un pied sur le frein. Nous avons toujours été en alerte à ce sujet car la croissance peut vite se révéler destructrice.

700 : c'est le nombre de collaborateurs de l’enseigne en France et à l’international

50 millions d’euros : c’est le chiffre d’affaires global (restaurants en propre et franchisés) de Big Fernand en 2016-2017

Le marketing a joué un rôle prépondérant dans la construction de votre image de marque. Que vouliez-vous inspirer à vos clients ?

Nous aimons le naturel. Être cool, c’est avant tout une attitude spontanée. Très vite, nous avons mis l’accent sur l’embauche de gens gentils pour qu’ils recrutent eux-mêmes des gens gentils. Notre identité nous pousse à éviter les personnes qui surjouent ou qui s’empêtrent dans un style ampoulé. Ne pas trop en faire, rester des artisans derrière la caisse et des industriels en coulisse : voilà ce que nous visons pour séduire notre clientèle. On demande à nos équipes de rester fidèles à elles-mêmes. La mode est au marketing fun et à l’humour et aujourd’hui, beaucoup de marques se positionnent sur ce créneau. Pour nous, cela fait partie de notre ADN et nous dégageons cette image sans nous forcer. Les initiatives un peu délurées d’autres marques offrent souvent une sensation de déjà vu. Si le personnel n’est pas lui-même fun et déjanté, nous pensons que les déclarations de principe et les efforts marketing ne fonctionnent pas auprès des clients. McDonald’s s’est largement inspiré de Big Fernand, que ce soit au niveau du mobilier, des sandwichs à la demande ou de l’image générale. J’imagine que peu de séminaires McDonald’s se sont passés ces dernières années sans nous scruter. C’est là que nous assumons notre rôle de poil à gratter du burger.

Quels étaient les meilleurs outils pour y parvenir ?

Les réseaux sociaux ont toujours joué un rôle considérable pour nous. Notre communauté est très active, que ce soit sur Facebook, Twitter ou Instagram. Nos partenaires aussi jouent un rôle décisif en véhiculant notre image.

Le fonds britannique BlueGem devrait obtenir 80 % du capital après votre dernière levée. Les fonds français n’étaient-ils pas intéressés pour soutenir votre projet ?

L’augmentation de capital de sept millions d’euros réalisée fin mai avec un fonds de financement anglais va nous aider à nous développer à l’international. BlueGem est spécialisé dans le retail et le développement à l’échelle globale. Nous n’avions pas mené de démarches dans cette direction. Beaucoup de fonds d’investissement voulaient participer à notre croissance depuis nos premiers succès, mais nous voulions d’abord avancer par nous-mêmes. Un processus de gré à gré a été mené avec une banque d’affaires spécialisée et le fonds BlueGem nous a séduits grâce au virage international qu’il peut nous permettre d’adopter. Les Anglais savent y faire dans ce domaine. De plus, humainement, tout se passait très bien. À la suite de l’opération, je reste président en gardant 6,5 % des parts de la société. Le reste de mes parts historiques a été cédé en parallèle. Notre objectif est de voir, d’ici quatre à cinq ans, une soixantaine de nouveaux restaurants Big Fernand en France et une trentaine à l’international.

Propos recueillis par Thomas Bastin (@ThBastin)

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