En reprenant les activités confiserie de l’américain Mondelez, Eurazeo réalise l’un des plus beaux carve out de ces dernières années. Retour sur les grandes étapes d’une opération entamée il y a un an et demi.

Carambar, Poulain, Krema, La Pie qui chante… Ces marques françaises historiques réintègrent le giron d’un groupe tricolore. Pour reprendre les activités confiserie du géant américain Mondelez, Eurazeo a dû débourser 250 millions d’euros. Une somme importante qui s’explique par une forte concurrence. Alors que le processus de cession mené par les banquiers d’affaires de Lazard a commencé à l’automne 2015, il n’a été conclu qu’en avril 2016. L’appétit de nombreux fonds, dont PAI Partners, a fait monter les enchères. Et c’était sans compter les industriels, comme l’allemand Katjes, propriétaire des bonbons Lutti, qui ont fait valoir d’importantes synergies industrielles.

Capital humain

Pour se démarquer, la société cotée n’a pas seulement joué la carte de la valorisation, elle a aussi misé sur le capital humain en s’entourant d’experts reconnus du secteur. Dès le début des négociations, Eurazeo s’est adjoint les services de Jean- Marc Saubade, ancien directeur de Cadbury de 2000 à 2008, et Stefaan Dumez, ancien P-DG de Wrigley France Corporation (aujourd’hui, les deux hommes font partie du comité exécutif, respectivement en tant que président et directeur des opérations). Cette stratégie lui a permis d’entrer en négociation exclusive avec Mondelez au printemps 2016. S’en est suivi un marathon d’un an pour finaliser les contours et la mise en place de l’opération. Le fait d’être une société cotée a permis à Eurazeo de mobiliser l’ensemble de ses fonctions corporate. De son côté, Mondelez avait constitué une équipe de soixante-dix personnes.

L’objectif d’Eurazeo était de pouvoir être opérationnel dès l’officialisation du carve out. Pari réussi en suivant deux étapes. La première a consisté à créer une société ad hoc regroupant l’ensemble des marques reprises et des licences de production des pastilles Vichy, des rochers Suchard et des chewing-gums Malabar. Carambar & Co voit ainsi le jour. Avec un effectif de 750 collaborateurs, la société opère à partir de cinq sites de production basés à Blois, Marcq-en-Baroeul, Saint-Genest, Strasbourg et Vichy. L’entreprise est valorisée 157 millions d’euros par une holding de tête baptisée CPK et détenue à 68 % par Eurazeo. Ce dispositif lui permet d’accueillir d’autres investisseurs minoritaires. On retrouve ainsi Céréa Capital, Pierre Le Tanneur (ancien P-DG de Spotless Group), qui devient au passage président du conseil de surveillance, et Patrick Mispolet, ex-directeur général d’Orangina- Schweppes France.

Réveiller les « belles endormies » 

La deuxième étape consistait à définir une stratégie industrielle et marketing pour réveiller ces « belles endormies ». En effet, sur le marché des bonbons, Mondelez n’a investi que très peu d’argent car il jugeait ces marques non stratégiques. Une politique qui s’est traduite par la fonte des effectifs dans l’Hexagone : de 5 000 salariés en 2014 à 3 200 aujourd’hui. Résultat, les marques tricolores n’ont cessé de perdre des parts de marché face aux allemands Haribo, devenu le leader du marché français depuis cinq ans, et Lutti. Le potentiel de croissance est donc énorme. Pour en profiter, Eurazeo compte investir massivement : 35 millions dans les sites de production et 22,5 millions d’euros de dépenses marketing. Au niveau industriel, l’objectif est de pouvoir revendiquer d’ici à 2020 le titre de confiseur 100 % made in France. Côté résultats, Carambar & Co vise une croissance organique de son chiffre d’affaires de 20 % en cinq ans et une marge d’Ebidta d’environ 15 %. 

Vincent Paes

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