En redressement judiciaire, Tati a finalement été repris par Gifi. Sur les 1 700 emplois menacés, l’offre permet d’en sauver 1 428. Reste désormais à remettre le bateau à flot. Pour y arriver, Philippe Ginestet, l’emblématique fondateur de Gifi, prône un retour aux sources.

Pour les salariés de Tati, l’heure est au soulagement. Après plusieurs mois d’incertitude sur leur avenir, ils seront finalement sauvés par le groupe GPG, propriétaire de Gifi, leader français du discount. Un heureux épilogue pour une situation mal engagée. Avec 146 millions d’euros de pertes en 2016 pour 347 millions d’euros de chiffres d’affaires, Agora Distribution, l’entité juridique qui regroupait les enseignes Tati, Fabio Lucci, Gigastore et Degrif’Mania, était devenue un boulet pour Eram, son propriétaire. Malgré des revenus d’1,5 milliard d’euros, ce dernier avait dû clôturer ses comptes 2016 sur des pertes, une première depuis sa création. Pas étonnant donc qu’en mars dernier, il décide de se délester de la filiale.

Priorité à l’emploi

Sans surprise, aucun repreneur ne se positionne, tous étant persuadés que l’entité finira rapidement en redressement judiciaire. Ce qui finit par arriver deux mois plus tard. Conscients du potentiel de reprise, de nombreux industriels s’intéressent alors au dossier. En l’espace d’un mois, cinq propositions tombent, donnant lieu à une série d’enchères. L’enjeu ? Qui sauvera le plus d’emplois. C’est finalement Gifi qui remporte la mise en conservant 1 428 emplois sur les 1 700 menacés et 109 magasins sur les 140. Son principal concurrent, un consortium d’enseignes à bas prix composé de La Foir’Fouille, Centrakor, Stokomani, Maxi Bazar et Dépôt Bingo ne s’engageait qu’à garder 1 298 salariés et 98 magasins. Mieux encore pour les salariés, ils ont réussi à négocier un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) à un niveau inédit pour une société en redressement judiciaire. Ce dernier a été abondé à hauteur de deux millions d’euros.

Pour l’intersyndicale CGT-CFDT-UNSA, l’offre de Gifi était « incontestablement la meilleure ». Car, au-delà du nombre supérieur d’emplois sauvés, elle permet d’éviter une « vente à la découpe ». En effet, Philippe Ginestet, le dirigeant et fondateur de Gifi, s’est engagé publiquement à conserver la marque Tati. En attendant, tout est à (re)construire et l’avenir des salariés est encore incertain. Il faut désormais redresser la barre d’un paquebot en plein naufrage. « La solution a été trouvée dans le cadre d'un consensus, et dans un climat social apaisé, ce qui est important pour la suite », tente de rassurer Philippe Jeannerot, l'administrateur judiciaire. Les anciens salariés d’Agora Distribution pourront surtout compter sur l’expérience de Philippe Ginestet en matière de magasins à prix cassés. Pour lui, la recette est simple : « C’est comme en amour. Il faut créer les conditions de l’émerveillement et nouer une relation intime avec les clients. Faire plaisir, c’est notre savoir-faire. »

Mauvais choix

La faillite de l’enseigne historique s’explique avant tout par les mauvais choix stratégiques d’Eram. Tout avait pourtant bien commencé. Entre sa prise de contrôle en 2004 et 2016, la société aura investi pas moins de 495 millions d’euros dans le développement de Tati, passant de 23 à 140 magasins. Pour gonfler le chiffre d’affaires, Eram a décidé d’augmenter les prix et la qualité des biens écoulés. Un nouveau positionnement qui n’a pas séduit la clientèle. Si le plan de Philippe Ginestet n’a pas été encore détaillé, il consistera en un retour aux sources. Un défi de taille qui semble à la mesure de l’homme d’affaires qui  a créé en trente-cinq ans le leader français du discount, avec un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros.

Vincent Paes

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