Plate-forme technologique intervenant uniquement du côté de la demande publicitaire, MediaMath accompagne les agences et les annonceurs pour améliorer la performance de leurs campagnes. À travers sa DSP (« demand-side platform »), la société participe à la croissance de l’achat programmatique. Alexandre Barbé, directeur commercial France, décrypte le succès de ce mode d’achat.

Décideurs. Quel est votre positionnement et votre plus-value sur le marché des achats publicitaires en ligne ?

Alexandre Barbé. MediaMath est une plate-forme technologique qui intervient uniquement du côté de la demande. Nos clients sont donc les agences et les annonceurs utilisant notre DSP (demand-side platform), pour améliorer la performance de leurs campagnes programmatiques. Contrairement à nos plus gros concurrents qui proposent aussi bien des DSP que des SSP (supply-side platform), aucun lien ne nous rattache aux éditeurs de sites, détenteurs des inventaires d’espaces publicitaires digitaux. Cette décorrélation nous permet d’être dans l’alignement parfait des objectifs de nos annonceurs, sans aucuns biais commerciaux ou stratégiques. Grâce à notre neutralité dans l’achat média, nous sommes en mesure d’afficher une transparence à tous les niveaux. Le bilan des lieux d’affichage de la publicité comme des transactions financières sont ainsi disponibles en permanence. Cette transparence concerne aussi la technologie et l’apprentissage. Si certaines sociétés du marché s’apparentent à des black box au fonctionnement très opaque, nos utilisateurs peuvent quant à eux comprendre leurs avancées, campagne par campagne. Enfin, la DSP de MediaMath a été conçue pour s’améliorer dans le temps avec l’ajout d’applications logicielles supplémentaires à travers son API (interface de programmation d’applications) qui automatise un certain nombre de tâches pour les développeurs. Le produit peut aussi s’intégrer avec facilité dans les systèmes de nos clients, y compris ceux qui possèdent plusieurs DSP différentes.

Pourquoi le marché du programmatique a-t-il connu une telle croissance ?

Les promesses du programmatique ont séduit de nombreux annonceurs qui n’étaient pas satisfaits de leurs précédentes expériences de négociation. Auparavant, avec les achats en gré à gré, on choisissait des packs d’impressions pendant un nombre de jours limité, en se concentrant sur certains inventaires d’espaces publicitaires. Le programmatique affine cette stratégie et ajoute une logique d’audience, impression par impression. Grâce à la collecte et à l’analyse automatisée d’un grand nombre de données, les internautes sont classés par catégories démographiques ou socio-professionnelles. Les annonceurs peuvent alors choisir leurs cibles avec un niveau de précision inédit. Les options de retargeting offrent aussi la possibilité de toucher les personnes ayant déjà manifesté un intérêt pour l’enseigne, que ce soit par le biais d’une visite de sites appartenant à la marque ou d’achats en ligne de produits.

« Nos outils permettent d’éviter les situations inconfortables »

Comme les grandes régies qui s’organisent pour leur faire face, percevez-vous Google et Facebook comme d’inquiétants rivaux ?

Google est déjà notre principal concurrent. Leur DSP, nommée Doubleclick Bid Manager (DBM), est la première du marché. Notre relation avec ce géant est ambivalente puisqu’il représente aussi l’un de nos plus gros partenaires en nous fournissant de nombreux inventaires. Le programmatique est issu du marché du search. Recherche par recherche, les montants dépensés par les annonceurs varient en suivant un système d’enchères. Les acteurs spécialisés dans l’achat d’espaces publicitaires display se sont appropriés ces technologies. Aujourd’hui, les annonceurs doivent adopter une stratégie marketing cohérente sur l’ensemble des canaux ; le display et le search bien sûr, mais également la vidéo, le mobile ou le social. Chaque canal de communication possède ses avantages : le search sera par exemple très performant pour des campagnes à la performance et permettra de générer un ROI direct. Le display sera tout aussi efficace pour le branding (l’amélioration de la notoriété de la marque et le positionnement sur le long terme) que pour les campagnes à la performance. C’est en profitant des caractéristiques de l’un et de l’autre de ces canaux marketing qu’une stratégie de communication peut avoir un impact maximal.

Qui a le plus souffert de l’émergence d’acteurs à forte valeur ajoutée technologique sur le marché de la publicité digitale tels que MediaMath ?

Il est compliqué de se prononcer sur cette question. Ce que l’on peut dire, c’est que le programmatique a orienté les investissements des régies publicitaires traditionnelles vers des sociétés technologiques. Les réseaux publicitaires regroupant des sites variés, aussi appelés ad networks, ont disparu lorsqu’ils n’étaient pas capables de se doter d’un trading desk. Ce dernier prend en charge l’achat de l’inventaire en ligne et est un client pour les DSP comme MediaMath. En réalisant l’achat directement sur les sites des éditeurs ou sur les market places publicitaires, le trading desk court-circuite les ad networks. Google et Facebook ont fait souffrir ces réseaux en captant 68 % des investissements l’année passée. L’inventaire et les données dont disposent ces mastodontes sont inégalés et leurs audiences quotidiennes sont plus importantes que n’importe quelle régie publicitaire. En matière de performance et de proportion d’internautes visitant leurs sites, Google et Facebook ont de solides arguments en leur faveur.

« Nous allons être les premiers à intégrer Watson, l’intelligence artificielle d’IBM, à notre DSP »

Quels moyens utilisez-vous pour améliorer le ciblage et la rentabilité des campagnes dont vous avez la charge ?

Le ciblage peut se faire avec plusieurs leviers. Il y a d’abord le ciblage média. Lorsque l’on souhaite diffuser des messages concernant sa marque, il est essentiel de savoir où l’on achète et où l’on va apparaître. Si la publicité s’affiche sur le site du Figaro, l’environnement diffère du site du Bon Coin par exemple. Par ailleurs, les critères de brand safety gagnent en importance. Avant le chargement des sites web, nos robots lisent les pages où la publicité doit être diffusée et décèlent les mots clés permettant de repérer des propos haineux ou à destination d’un public adulte. Dès lors, notre solution logicielle interrompra le chargement de la publicité afin que la marque ne soit pas associée à des contenus violents ou négatifs. Cette opération peut être affinée pour les annonceurs qui ne veulent pas apparaître en marge d’un contenu leur portant préjudice. Si un article de presse relate une marée noire, il serait ainsi malvenu pour Total de communiquer à proximité d’un tel texte. Il existe enfin un contrôle de la visibilité des inventaires. Si la publicité est entièrement visible à l’écran pendant plus d’une seconde, alors elle est considérée visible. Nous proposons aux annonceurs de s’afficher ou non en fonction de la qualité des emplacements. Nos outils permettent d’éviter les situations inconfortables.

Et concernant le ciblage des audiences ?

Nous nous appuyons sur des sociétés tierces dont le ciblage des internautes est la spécialité. Bluekai, Exelate ou Oracle placent les audiences dans des catégories précises en s’appuyant sur les third party data, ces données comportementales collectées avec des cookies sur des sites internet variés. Les informations ainsi obtenues sur les internautes sont ensuite croisées avec les first party data qui appartiennent à l’annonceur. Ce sont les éléments issus du CRM et des historiques de navigation sur les sites de l’annonceur : pages visitées, le temps passé sur chaque page, les produits achetés… Toutes ces données sont regroupées au sein de la DSP pour optimiser les campagnes publicitaires.

L’entrée en vigueur du RGPD peut-elle menacer les fondements de ce business model ?

Aujourd’hui, un bandeau annonce à l’internaute que le site sur lequel il navigue utilise des cookies. Qu’il ferme la fenêtre destinée à l’informer ou non, la collecte de ses données a déjà commencé. Le nouveau règlement devrait changer la donne. Si l’internaute ne donne pas son consentement explicite pour l’agrégation et l’utilisation de ses informations, alors aucune démarche de collecte ne pourra être lancée. Les sociétés spécialisées dans le ciblage devront se mettre en conformité pour poursuivre leur activité sans sacrifier ni l’expérience de navigation, ni les aspirations des individus vers un plus grand respect de leur vie privée.

Quelles devraient être les prochaines étapes de la généralisation du programmatique ?

Le programmatique va s’enrichir en se connectant à l’ensemble des canaux marketing, afin que les communicants puissent gérer l’ensemble de leur stratégie via une seule et même plate-forme. Il sera possible dans un futur proche d’acheter en programmatique sur le display, mais aussi sur la TV, la presse, la radio et le digital out of home. Le search et les réseaux sociaux captent la majorité des investissements et le programmatique est à l’étroit avec les seuls inventaires display. Les silos vont disparaître et de nouveaux leviers pourront être actionnés par les annonceurs. Suivant la même logique, d’autres technologies marketing seront bientôt intégrées. Je pense notamment aux systèmes d’e-mailing ou au marketing sur les points de vente. À très court terme, l’intelligence artificielle devrait aussi rebattre les cartes en tirant le meilleur du nombre gigantesque de données disponibles. Chez MediaMath, nous allons être les premiers à intégrer Watson, l’intelligence artificielle d’IBM, à notre DSP. Le but sera d’expérimenter les avantages de cette puissance de calcul hors du commun.

 

Propos recueillis par Thomas Bastin (@ThBastin)

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