Fondé en 1898, le groupe Renault est l’un des fleurons de l’industrie automobile française. Après une longue carrière dans l’administration publique, Claude Baland décide en 2015 de rejoindre la marque au losange par passion. Directeur de l’éthique, il revient sur les enjeux du groupe.

Décideurs. Vous avez quitté le secteur public pour prendre les fonctions de directeur de l‘éthique du groupe Renault en 2015. Quelles ont été vos motivations ?

Claude Baland. Il s’agit forcément d’une histoire de passion nationale dont Renault fait partie. La marque au losange occupe en effet une place à part dans l’imaginaire des Français. Mon père m’a transmis dès l’enfance ce goût si particulier des voitures. L’année de mes 18 ans, lorsque j’ai commencé mon premier métier d’enseignant en 1968, pendant les années Pompidou, j’ai vécu mes premières émotions au volant. Quelques années plus tard, j’ai dirigé la rédaction du code de déontologie de la police nationale. On peut donc voir une certaine continuité dans ma nomination au poste de directeur de l’éthique du groupe Renault, une belle entreprise mondiale aux racines françaises solides.

Quels sont vos domaines d’intervention ?

Je définis et développe la politique éthique du groupe pour répondre aux nouveaux défis et l’adapter à chaque pays dans lequel Renault est présent. Je traite également les cas individuels d’atteinte à l’éthique, avec mes collègues directeurs, et je mets en œuvre des actions correctrices. C’est dans ce contexte qu’est apparu le besoin d’une charte du bon usage des réseaux sociaux. L’échange avec mes homologues est également une confrontation utile. Renault adhère en particulier à deux associations : le Cercle éthique des affaires et Transparency International.

Quel a été l’impact de la loi Sapin 2 pour le groupe Renault ? Avez-vous dû entreprendre des actions particulières pour vous mettre en conformité avec la loi ?

La direction de l’éthique a été créée en 2011 et nous nous sommes en parallèle dotés d’une charte et de huit codes spécialisés. Cette direction est relayée par un réseau de correspondants éthique dans les pays couverts par des systèmes d’alerte. 2011 a par ailleurs été une année importante pour le groupe qui a traversé une épreuve salvatrice avec la tentative d’escroquerie au renseignement. Ce dossier aura été pour mon prédécesseur une opportunité de conduire de nombreux chantiers ayant enrichi la culture de l’entreprise. 

S’agissant de Sapin 2, le groupe n’est pas parti d’une copie blanche. Cette importante loi est une nouvelle étape à laquelle sont invitées les entreprises pour prévenir efficacement la corruption. Nous devons, bien entendu, perfectionner notre dispositif. La cartographie des risques de corruption et les formations sont en cours d’actualisation et nous avons également rédigé le code de conduite prescrit pas la loi. Le précepte de Boileau retrouve ainsi tout son sens : « vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ».

« L’éthique agrège le respect des valeurs et leur imprégnation par la culture de l’entreprise »

Quels sont les enjeux éthiques majeurs pour le groupe Renault ?

Deux maîtres mots pour répondre : pédagogie et bon sens. Le premier conduit au respect collectif d’une éthique exigeante. Le bon sens de chacun, pris dans la diversité de son métier et de ses responsabilités, protège le groupe comme ses collaborateurs. Le nouvel enjeu actuel est naturellement l’application de la loi Sapin 2 au sein du groupe et sa bonne articulation avec les législations anticorruption qui se développent dans les pays où nous sommes présents.

Quels programmes avez-vous mis en place pour vos employés dans le cadre de votre politique éthique ?

Nous avons une action soutenue tant en matière de programmes de formation et de sensibilisation qu'en matière de communication interne afin de diffuser les bons comportements éthiques. À travers le monde, 55 000 salariés ont déjà bénéficié d’une formation sur ce thème. Nous accordons une attention particulière aux nouveaux collaborateurs à qui nous présentons les grandes lignes de notre charte ainsi que la résolution de cas pratiques.

L’éthique est-elle un avantage compétitif ?

Oui, bien sûr, et c'est encore plus vrai aujourd'hui qu'hier.  La bonne réputation de l’entreprise est l’un des critères de choix des jeunes en recherche d’emploi. Elle sécurise les clients, les fournisseurs, les actionnaires. Elle contribue également à mettre l’entreprise et ses salariés à l’abri des crises et donc des déstabilisations coûteuses. Cette sérénité et cette assurance sont des facteurs de performance durable.

Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre métier ?

Directeur de l'éthique du groupe Renault, c'est en premier lieu d’avoir la chance de « rapporter » directement au P-DG Carlos Ghosn, en liaison avec la direction juridique et la direction de la prévention et de la protection. C’est aussi diffuser un objectif stratégique au sein d'un corps social de près de 125 000 collaborateurs, et enfin animer un réseau de correspondants éthique dans le monde entier. Mes fonctions m’amènent à me déplacer dans de nombreux pays afin de rencontrer les équipes de managers, de repérer leurs meilleures pratiques, d’intégrer les problématiques spécifiques et pour finir, de structurer la politique éthique du groupe, qui est une matière vivante, évolutive.

Quel est le lien entre l’éthique et la compliance ?

La compliance est le respect stricto sensu des textes et des procédures. L’éthique agrège quant à elle le respect des valeurs, leur imprégnation par la culture de l’entreprise et, plus largement, la dimension qui pourrait relever de ce qu'on appelle communément la « morale ». Éthique et compliance sont donc évidemment intimement liées. Cette complémentarité vient, d’une certaine manière, structurer notre mode de fonctionnement interne : les alertes parviennent à l’éthique et au contrôle interne qui participe entre autres avec la direction de l’audit, au comité travaillant sur ces questions.

 

Propos recueillis par Margaux Savarit-Cornali

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