Partech Ventures, la société d'investissement franco-américaine, se dote d'une nouvelle jambe en Afrique. Cyril Collon, responsable des activités sur ce continent avec Tidjane Dème, nous explique pourquoi l'Afrique ne se conjugue plus au futur mais au présent.

 

Dealmakers. Pourquoi avoir créé Partech Africa. Quels besoins avez-vous identifié sur le marché pour renforcer l'expertise de la plate-forme Partech ?

Cyril Collon. Cela fait déjà plusieurs années que nous sommes sur le terrain sans faire de bruit. Pour ma part, j'ai grandi sur le continent africain, et j'ai passé mes vingt dernières années professionnelles à y développer des start-up. Je connais Tidjane Dème, l'ancien patron de Google Afrique, depuis longtemps. Il y a deux ans, je suis allé le voir pour lui expliquer que le marché atteignait sa maturité et qu'il serait intéressant de poser les bases d'une structure d'investissement dédiée aux jeunes entreprises innovantes. C'est le « momentum » en Afrique. Notre choix s'est vite orienté vers Partech puisque nous connaissions déjà certains de ses membres dont Philippe Collombel. Leur vision du marché était la même que la nôtre, et comme ils n'avaient pas de fonds dédié au développement de projets « Tech » en Afrique, notre proposition de valeur locale les a vite séduits. Nous avons officiellement rejoint Partech en juin 2016 et lancé notre fundraising.

Une année de fundraising et 57 millions d'euros de réunis à ce jour ? Où en êtes-vous ?

Il y a des choses en cours, nous faisons un rolling closing : toutes les semaines des montants sont ajoutés, la collecte évolue. Soixante millions d'euros ont été sécurisés jusqu'ici.

Quelle est la nature de vos souscripteurs ? Partech vous aide-t-il beaucoup en ce sens ?

Bien sûr, Partech a une plate-forme établie de partenaires institutionnels et industriels qui nous permet de lever plus rapidement. L'intérêt réside surtout dans les relations que Partech entretient avec les grandes entreprises. Celles-ci nous permettent de mettre en place des synergies avec certaines de nos participations, au-delà du seul investissement financier. Nous sommes très satisfaits d'accueillir Orange comme Limited Partner, JCDecaux Holding ou Edenred ; ces trois acteurs apporteront leur expertise à nos sociétés. Pour la suite du fundraising, l'objectif est de s'allier avec d'autres industriels, de préférence dans les secteurs de la mobilité, de la finance et du retail. Par ailleurs, nous avons sourcé nos propres LPs en allant chercher la Banque Mondiale et l'International finance corporation (IFC) ou la Banque européenne d'investissement (BEI).

Quels sont les nouveaux sujets « business » qui vous intéressent en Afrique ?

La problématique commune à la majorité des secteurs d'activité est celle de savoir comment distribuer des services ou des produits à une clientèle située dans un environnement informel, difficile d'accès. Que l'on soit dans les assurances ou dans le retail, le premier problème en Afrique est d'atteindre le client. Ainsi, nous allons d’abord regarder des sociétés qui présentent les mêmes symptômes et qui sont susceptibles de consolider rapidement leur marché (croissance organique et acquisitions).

Il se passe en Afrique ce que l'on observait en Europe il y a vingt ans : un écosystème pertinent, des entrepreneurs talentueux, beaucoup d'innovation avec des game changers potentiels...

Il se passe en Afrique ce que l'on observait en Europe il y a vingt ans : un écosystème pertinent, des entrepreneurs talentueux, beaucoup d'innovation avec des game changers potentiels... À l'époque, le souci européen fut d'accompagner ces pépites et d'organiser la sortie des actionnaires. Au final, l'augmentation de leur exposition à l'international, pour se développer ou se faire racheter, fut la bonne réponse. C'est précisément ce que l'on veut reproduire pour l'Afrique.

Mais l'Afrique, c'est large. Il existe des disparités économiques significatives entre les pays. Allez-vous concentrer vos recherches dans certaines régions ?

Nous n'hésiterons pas à investir dans toute société, indépendamment de sa nationalité pourvu qu'elle soit dynamique et innovante. Bien sûr, au regard de la situation et d'un point de vue purement statistique, le Kenya, le Nigéria et l'Afrique du Sud sont les pays qui attirent le plus les investisseurs étrangers (environ 80 % d’attraction). Mais, sur le terrain, la réalité de l'innovation est différente. En Afrique de l'Ouest et centrale, le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Cameroun sortent leur épingle du jeu. À l'est du continent, l'Ouganda et la Tanzanie ont également fait des progrès remarquables.

Vous comptez investir dans des sociétés technologiques. Pouvez-vous préciser ?

Nous ne ferons pas de « l'ultra tech » comme en Europe, en revanche nous allons nous intéresser aux start-up qui modifient les usages technologiques dans l'éducation, la mobilité, la finance, la distribution ou les énergies. Nous interviendrons sur des séries A et B (ticket initial de 500 000 à 5 millions d'euros). Notre fonds est structuré de manière à suivre plusieurs tours de table si nécessaire, et donc à investir une dizaine de millions sur certaines lignes. La seule certitude en matière de politique d'investissements est que nous ne occuperons pas des acteurs qui souhaitent rester locaux. Nous ne participerons pas non plus aux projets d'infrastructures. Nous voulons soutenir l'ambition panafricaine et forger un modèle d'accompagnement qui pourra être utilisé dans d'autres pays émergents. S'il est un secteur à mettre en lumière, c'est celui des services financiers qui, à l'échelle globale, fait partie des plus innovants : près de 60 % des comptes mobiles dans le monde se trouvent en Afrique !             

 

@ Firmin Sylla

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