Jeremy Jawish est à la tête d’une des assuretechs les plus prometteuses du moment. Offrant des services de détection de la fraude ainsi que des outils à l’usage des gestionnaires de dossiers, il a fait de Shift Technology une jeune pousse qui attire l’attention des plus grands acteurs du secteur. Et qui pourra sans doute fleurir joliment à l’international.

Décideurs. Votre start-up se porte à merveille. Comment expliquer une telle réussite ?

Jeremy Jawish. Nous avons eu notre premier client en 2015, aujourd’hui nous en comptons quarante-cinq et nous avons ouvert un bureau à Singapour. Nous offrons désormais deux gammes de produits. D’une part, Force qui est un outil de détection de fraude à l’assurance automobile, maison, vie ou même santé. Et d’autre part, Luke qui, lui, sert à automatiser la gestion des petits sinistres de plusieurs assureurs français et étrangers dans l’automobile et l’habitation. Pour l’instant, nous nous focalisons vraiment sur les sinistres. La réussite de notre projet s’explique sans doute par le fait que la gestion de ces dossiers implique de traiter des données de toutes natures, pour un gestionnaire il peut être difficile de réunir l’ensemble de ces informations. Nous leur offrons un outil d’investigation qui permet de regrouper les données et de les présenter de manière efficace et lisible. Ce sont souvent les gestionnaires eux-mêmes qui demandent l’implémentation de nos technologies au sein de leurs structures.

Comment se différencier sur un marché qui a l’air fortement concurrentiel ?

Il y a une augmentation hallucinante du nombre d’assurancetech et une augmentation aussi importante d’investissements dans ce domaine. Mais nos concurrents, comme IBM, appliquent des méthodes génériques. La différence se ressent à l’usage de nos produits car nous avons pris en compte, dans la conception de nos algorithmes, l’expertise métier. De plus, nos technologies sont de plus en plus efficaces. Lorsque nous avons commencé à offrir nos services, sur cent alertes, 50 % seulement faisaient l’objet d’une investigation. Aujourd’hui, ce taux a atteint les 80 %.

« Plus l’on en apprend sur le comportement des fraudeurs, plus nous sommes à même de les identifier »

La mise en place de vos solutions implique la gestion d’une importante masse de données, qui peuvent souvent être des données personnelles. L’usage de ces données est soumis à une lourde réglementation. Est-ce un frein ? Comment s’organiser ?

Nous traitons des données de toutes sortes. Pour faire tourner nos algorithmes, nous utilisons des data center qui disposent d’une capacité de calcul incroyable et surtout abordable. Il aurait été tout à fait impossible d’envisager notre structure sans cette solution ; il y a dix ans, cette entreprise n’aurait pas pu exister. En revanche, la réglementation ne présente pas un obstacle insurmontable ou un frein à la concurrence. Les acteurs du monde de l’assurance ont l’habitude de travailler dans ce contexte et une fois que les bonnes habitudes sont prises, cela ne pose pas de problème.

Comment s’organise et évolue la fraude à l’assurance ? Comment faites-vous face ?

Plus l’on en apprend sur le comportement des fraudeurs, plus nous sommes à même de les identifier. Un comportement qui nous est apparu est que lorsque les fraudeurs organisés sont détectés, ils passent à un autre assureur. Ils se déplacent ainsi d’un assureur à un autre. Pour nous, en conséquence, c’est une course contre la montre afin de les repérer et de permettre à nos clients de passer à l’action avant de perdre leur trace. En particulier dans le domaine de la santé. Nous avons, évidemment, un impératif de rigueur extraordinairement important dans ce domaine sensible par essence. Les montants dérobés sont autant de moyens qui ne sont pas alloués au financement de traitements ou de soins dont certains malades ont besoin. Or, la gestion de ces dossiers doit se faire en temps réel, et il nous en arrive deux millions par jour. C’est un défi au quotidien pour les assureurs et nous voulons les aider à le relever.

 

Maxime Benallaoua

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