À la tête de la direction juridique de France Télévisions depuis presque dix ans, Sylvie Courbarien Le Gall revient sur la politique contentieuse du premier groupe audiovisuel français ainsi que sur ses prochains défis.

Décideurs. De quelle nature sont les principaux contentieux que vous rencontrez ?

Sylvie Courbarien Le Gall. Les contentieux les plus importants pour France Télévisions concernent la presse et le droit d’auteur, mais nous traitons également des contentieux commerciaux, en droit public ou en droit de la concurrence. Au premier semestre de l’année, nous faisons le bilan de l’année N-1 et établissons des statistiques précises par type de contentieux afin d’en tirer des enseignements en matière de formation et de conseil.

Comment appréhendez-vous le précontentieux chez France Télévisions ?

Chaque année, la direction juridique et des affaires européennes (DJAE) traite de façon approfondie un volume important de demandes, allant du droit de réponse, aux réclamations de droit à l’image, aux droits sur des photographies ainsi que des contestations éditoriales. Il est important de noter que moins de 10 % des précontentieux se transforment en contentieux.

Comment sensibilisez-vous les équipes de FTV au contentieux ?

Le pôle juridique édition & contenu forme les équipes nationales et régionales en fonction des demandes ou des besoins exprimés, aussi bien en droit de la presse qu’en droit d’auteur. Nos juristes sensibilisent quotidiennement en amont les interlocuteurs qui en font la demande (journalistes, rédacteurs en chef…), par le biais de conseils ou de notes internes. Chaque semestre, nous diffusons de façon assez restreinte au sein de France Télévisions une newsletter à vocation pédagogique au sein de laquelle nous présentons et commentons les contentieux emblématiques traités par la direction juridique de France Télévisions afin de les sensibiliser aux risques juridiques.

Votre stratégie a-t-elle évolué au regard des dernières recommandations du CSA ?

En tant que service public, France Télévisions se doit d’être réactive et attentive aux recommandations du CSA, qui existent déjà depuis de nombreuses années. Ce n’est cependant pas la direction juridique qui suit directement ces recommandations mais la direction de la réglementation de la déontologie et du pluralisme (DRDP), avec laquelle nous échangeons sur les conséquences opérationnelles. Cette dernière est en contact avec les équipes dédiées au CSA dès que se posent des questions concernant la déontologie des programmes.

« Moins 10 % des précontentieux se transforment en contentieux »

Quels sont les prochains défis pour votre direction ?

Nous devons dans un premier temps accompagner la mise en œuvre de la loi Sapin 2 ainsi que le déploiement du règlement européen sur la protection des données personnelles puis, en 2019, de la loi sur le devoir de vigilance. Nous suivons également avec attention le règlement à venir sur l’e-privacy, qui peut avoir un impact très significatif sur les recettes publicitaires dans l’univers numérique.

France Télévisions ne dispose pas encore d’un directeur de la conformité. Pourquoi ce choix ?

La création d’une telle fonction est actuellement à l’étude au sein du secrétariat général en raison des nombreux sujets éthiques soulevés par la mise en œuvre des nouveaux textes. Il est nécessaire d’apprécier s’il convient de traiter ces questions sous une même ombrelle ou d’organiser des responsabilités dédiées selon les activités. Ce sujet est également à l’examen dans le cadre des synergies et des études comparées à mener entre les différents services publics.

Quelles sont les évolutions législatives et réglementaires qui pourraient avoir un impact sur votre secteur d’activité ?

Une proposition de réforme de la loi 86-1067 du 30 septembre 1986 est attendue avant la fin de l’année 2018. Elle traduira les ambitions du gouvernement pour le secteur public autour de plusieurs axes dont la qualité de l’information et de l’information de proximité ainsi que les caractères distinctifs de l’offre de service public qui doit tendre vers l’excellence. Il est également essentiel de développer la dimension européenne de la création, de renforcer les droits des éditeurs ainsi qu’une offre numérique destinée aux jeunes, devant faire face à la concurrence des plateformes. 

Pour autant, la loi de 1986 devra aussi être réformée, concomitamment ou dans un second temps, pour transposer la directive « services de médias audiovisuels » (SMA), une fois celle-ci adoptée au niveau européen. Se pose enfin la question de la réforme de la redevance, au regard de l’évolution des modes de consommation des contenus du service public sur de nouveaux supports. De nombreux pays européens ont déjà entrepris cette évolution avec succès, parmi lesquels l’Allemagne, la Suède et l’Italie. À quand la France ?

 

Propos recueillis par Margaux Savarit-Cornali

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