Après une année 2017 record durant laquelle Amundi fut l’un des principaux acteurs du marché, la donne change en 2018. Les investisseurs deviennent plus attentistes. Directeur général d’Amundi Immobilier, Jean-Marc Coly détaille sa stratégie à Décideurs.

Décideurs. Pouvez-vous nous retracer la stratégie d'investissement d'Amundi Immobilier en 2017 ?

Jean-Marc Coly. L'année 2017 s'est organisée autour de deux phénomènes principaux : une collecte historiquement élevée associée à des taux de rendement immobilier sur le marché de l’investissement au plus bas. Sachant que notre principe est de ne pas transiger sur la qualité des actifs, afin de nous protéger d'une éventuelle remontée des taux et de capter au mieux une éventuelle remontée des loyers, il a été nécessaire d'incrémenter de nouveaux éléments à notre stratégie afin de conserver un bon niveau de performance. Lors de l’acquisition de nos actifs, nous avons ainsi ajouté un effet levier de l'ordre de 30 à 40 %, renforcé notre diversification internationale et introduit une part de risque locatif sur une partie de notre portefeuille via des Vefa (ndlr : vente en état futur d’achèvement) « en blanc ». Cela s'est traduit par des investissements sur des actifs tels que Cœur Défense, mais également d'autres, plus risqués, tels que la future tour Hekla. Enfin, nous avons anticipé nos investissements par rapport à la collecte d'environ six mois, afin d'apporter du rendement immédiat immobilier à nos associés.

Notre principe est de ne pas transiger sur la qualité des actifs

La stratégie est-elle la même pour 2018 ?

Fin 2017, deux nouvelles préoccupations émergent : une potentielle remontée des taux et l’interrogation sur une collecte toujours aussi élevée. Sur ces bases nous avons donc décidé de modifier notre politique pour 2018. En nous basant sur une collecte un peu moins importante, nous investirons peu en début d'exercice, en partant du principe que la remontée des taux devrait rendre les investissements plus intéressants en fin d'année. Dans le même esprit nous avons décidé de limiter notre anticipation de collecte. Le moment nous a paru opportun d’engager une politique de cession des actifs les moins adaptés à nos portefeuilles. Pour l'instant, tout se passe presque comme nous l'avions prévu ! La collecte s’est légèrement ralentie pour se stabiliser au niveau de celle de 2016, ce qui est déjà considérable. Quant aux prix des actifs, la hausse des taux et la baisse des prix ne sont pas encore une réalité pour les actifs core bien que les rumeurs d'une légère remontée des taux commencent à se faire entendre à propos des actifs de plus grosse taille. Nous conservons les fondamentaux de notre stratégie, à savoir continuer de nous positionner sur des actifs les plus qualitatifs possibles, nous diversifier dans les grandes métropoles européennes et explorer de nouveau secteurs immobiliers. En revanche, nous avons ralenti notre effet de levier et même « déleveragé » une partie de nos fonds. La politique d’arbitrage de nos actifs se déroule conformément à notre stratégie.

Un évènement pourrait-il perturber la fin d’année ?

La modification de la convention franco-luxembourgeoise qui entre en application le 1er janvier 2019 devrait animer la fin d'année : de nombreux gros actifs risquent d’être vendus afin d’échapper à la nouvelle fiscalité.

Parlez-nous de votre stratégie de diversification ?

Sans pour autant perdre de vue le caractère essentiel de nos investissements de bureau, nous nous positionnons de plus en plus sur des produits immobiliers de diversification : parcs d'activité, résidentiel, résidences gérées, hôtellerie. Géographiquement, nous orientons nos investissements sur les grandes métropoles régionales françaises dans lesquelles les rendements restent un peu plus hauts et bien sûr dans les pays européens où nous cherchons de la diversification, source d’une meilleure mutualisation des risques, des taux un peu plus élevés que sur notre territoire, ou une perspective économique plus solide ou dynamique.

Comment procédez-vous pour vos investissements à l'international ?

Comme sur le marché domestique, les fondamentaux sont les mêmes : nous nous positionnons sur des actifs core dans des pays solides avec de bons potentiels de croissance des loyers comme en Allemagne, en Espagne, au Portugal, au Benelux, en Italie et en Autriche.  Nous y sélectionnons les meilleurs actifs au sein des meilleurs quartiers.

Et les cessions ?

Nous profitons d'une position plus attentiste cette année pour lancer une grande politique d'arbitrage sur nos portefeuilles afin de nous séparer des actifs les moins adaptés et de récupérer les plus-values. Pour exemple, nous cédons actuellement l'ensemble de notre portefeuille au Royaume-Uni (ndlr : pour plus de 500 millions d'euros), avec l'objectif d'y revenir quand les conséquences du Brexit auront été absorbées. Il s'agit là d'un pur coup tactique ! Notre politique partenariale locale avec les meilleurs acteurs locaux nous permet d'arbitrer très rapidement, aussi bien géographiquement que sectoriellement.

Quelles sont les prochaines étapes ?

Nous réfléchissons à aller encore plus loin sur la prise de risque, notamment en nous positionnant sur des opérations de restructurations lourdes à compter de l'année 2019.

« Nous réfléchissons à aller encore plus loin sur la prise de risque »

Pouvez-vous nous en dire plus sur les autres chantiers en cours ?

Nous profitons effectivement de notre pause actuelle sur les investissements pour engager un certain nombre de chantiers, parmi lesquels notre charte ISR particulièrement ambitieuse. Nous allons également structurer nos outils informatiques de gestion afin de gérer l'ensemble de nos produits à l'échelle européenne avec un outil utilisable par tous nos prestataires de services. Nous bénéficierons ainsi de meilleures capacités de contrôle et d'analyse tout en gardant l'agilité qui fait notre force. Enfin, nous réfléchissons à la conception d’un produit immobilier commercialisable dans l’ensemble des pays européens.

Propos recueillis par Boris Beltran

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