Pierre-Édouard Stérin (Otium Capital) : « Nous explorons le retail expérientiel »
Décideurs. Vous avez fondé votre propre fonds d’investissement à la suite de votre succès dans les Smartbox et la vente de vos parts dans le site La Fourchette. Quelles sont les priorités d’Otium capital ?
Pierre-Édouard Stérin. Nous avons trois équipes, une spécialisée sur le digital tech, une sur le retail et les biens de consommation, et une autre qui est plus opportuniste. Chaque équipe a des objectifs très agressifs, avec des dossiers très explosifs. Nous visons des TRI de 50% par an sur cinq à sept ans. L’autre chiffre clé, c’est cinquante millions d’euros. Nous cherchons à gagner au minimum cette somme sur chaque ligne d’investissement, quelle que soit la taille du projet. Nous visons donc des marchés assez importants.
Dans le digital, quel type de projet vous intéresse ?
L’équipe investit en pre-seed, seed ou en série A, sur des thèmes comme l’intelligence artificielle, la blockchain, ou encore les modèles Saas. Dans le retail, notre stratégie est différente. Nous pouvons investir dans une activité classique, à condition qu’il y ait une dose d’entertainment. C’est le cas par exemple avec la société Hapik, qui développe des centres d’escalade à destination des enfants. Ce modèle est difficile à disrupter. De même, nous avons investi dans Oh My Cream !, une entreprise qui ne propose que des soins de beauté ou cosmétiques, mais haut de gamme. Sephora propose une version industrielle de ces soins. Oh My Cream ! ajoute des services et des conseils. Pour résumer, nous explorons le “retail expérientiel”.
« Nous visons des TRI de 50% par an sur cinq à sept ans. » Pierre-Édouard Stérin, fondateur d'Otium Capital
Un projet dans lequel vous investissez est-il forcément innovant ?
Comme nous recherchons des investissements qui puissent générer des TRI forts, nous visons surtout des sociétés innovantes. L’équipe spécialiste du retail suit par exemple les tendances observées chez les millenials. Cette population consomme davantage de produits bio. Du coup, nous avons investi dans Hari&co, une société créée par un ingénieur agronome qui produit des boulettes de protéines végétales. Nous avons également misé sur Feed, qui développe une gamme de substituts de repas.
Vous affirmez votre foi chrétienne, ce qui vous conduit par exemple à vouloir léguer votre fortune à des œuvres caritatives. Comment ces valeurs influencent-elles votre activité au quotidien ?
Mes convictions ont un effet indiscutable sur ma vie professionnelle. J’évite d’investir dans certains secteurs. Par exemple, récemment, dans le cas d’un dossier de business assez “olé olé”. Il s’agissait d’un site de réservation d'hôtel, proche de celui de booking.com, mais à la journée. L’objectif était de proposer aux voyageurs de prendre une douche entre deux avions. Mais nous savons que dans la majorité des cas, ce site aurait été utilisé par des hommes pour rejoindre leur maîtresse. Je ne souhaite pas participer à cela.
Votre développement de la licence Weekendesk, rebaptisée Smartbox, a-t-il été votre plus grand succès ?
Oui, et c’est d’ailleurs le seul. C’était mon bébé. La Fourchette a été un autre bel exemple, mais c’était un investissement. Depuis, j’ai essayé de monter d’autres sociétés, mais je n’ai pas connu de succès similaires. J’ai par exemple lancé une entreprise dans le secteur du parfum. Il s'agissait d’en changer le mode de consommation, avec des sprays de poche et un système de cartouche. Nous n’en avons pas vendu assez et l’activité s’est arrêtée. La deuxième entreprise commercialisait des produits dérivés du monde des jeux vidéo, notamment du jeu de simulation militaire World of tanks. Nous avions même conclu un partenariat avec le fabricant de jouets Solido. Là encore, la croissance n’a pas été aussi forte que prévue. Actuellement, je suis en train de développer un nouveau projet. Il touchera la promotion immobilière et le patrimoine gastronomique français. Mais je n'en dis pas plus pour le moment.
Propos recueillis par Florent Detroy